Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Berthollet (Claude Louis, comte) (suite)

chimiste français (Angers 1754 - id. 1826). Fils d’un pharmacien d’Angers, il se rend à Paris, où il est l’élève de Rouelle le Cadet, et il devient pharmacien en chef de la Salpêtrière. Puis il passe en Espagne et dirige à Madrid le laboratoire du roi Charles IV. C’est là qu’il parvient à extraire un sucre du raisin. Revenu en France en 1806, c’est en 1816 qu’il entre à l’Académie des sciences.

Proust est un des fondateurs de l’analyse chimique. C’est en montrant la constance de la composition de l’eau qu’il est amené à énoncer, en 1806, la loi des proportions définies.


Nicolas Louis Vauquelin,

chimiste français (Saint-André-d’Hébertot, près de Pont-l’Évêque, 1763 - id. 1829). Fils de modestes cultivateurs, il est garçon de laboratoire à Paris quand il rencontre Fourcroy, dont il devient le collaborateur. Reçu pharmacien en 1792, il est nommé professeur à l’École polytechnique, au Collège de France, à la Faculté de médecine.

Son œuvre est considérable et très diverse. Citons sa synthèse de l’eau, son analyse des cheveux, du cerveau et des nerfs, son étude des sèves végétales et des farines. Il a découvert le chrome et le lithium. (Acad. des sc., 1795.)

Bérulle (Pierre de)

Cardinal et écrivain spirituel français (château de Sérilly, Champagne, 1575 - Paris 1629).



L’homme

Pierre de Bérulle naît en pleine guerre de Religion, trois ans après la Saint-Barthélémy, et il sera ordonné prêtre à vingt-quatre ans, en 1599, un an après l’édit de Nantes. Nobles d’épée devenus robins, les Bérulle sont alliés à la grande famille parlementaire des Séguier. La mère de Pierre, Louise Séguier, est la tante du chancelier. Élevé par ses oncles à la mort de son père en 1582, Bérulle subira l’influence de ce milieu ligueur où la ferveur religieuse voisine avec une solide culture humaniste.

Sa piété va s’approfondir à partir de 1594, époque où l’une de ses cousines, Mme Acarie (1565-1618), se réfugie à l’hôtel de Bérulle après la disgrâce d’un époux robin et ligueur, exilé par Henri IV. Pierre devient le confident et le témoin de la vie mystique de sa cousine. Tous deux se mettent sous la direction d’un chartreux, dom Beaucousin. Mme Acarie fera de Bérulle un fondateur et un supérieur du Carmel ; elle lui révélera certains aspects les plus importants de sa spiritualité ; surtout il la fréquentera quotidiennement durant sept années, décisives pour sa formation (1594-1601).


La doctrine

Dans son Histoire littéraire du sentiment religieux en France (1916-1936), l’abbé Henri Bremond fait de Bérulle le fondateur de ce qu’il a appelé l’école française de spiritualité. Avec l’Écriture, les deux grandes sources d’inspiration de sa doctrine sont les Pères et les mystiques.

Grâce aux progrès de l’édition à la fin du xvie s., pour la première fois les Pères de l’Église, remis en honneur par des humanistes comme Érasme, sont accessibles aux théologiens comme aux chrétiens cultivés. Bérulle a une profonde connaissance des Pères, et, en ce domaine, le fait dominant reste l’inspiration augustinienne de son œuvre.

L’autre source découle du travail des chartreux de Sainte-Barbe à Cologne, qui vont, tout au long du xvie s., traduire en latin les ouvrages des grands mystiques rhéno-flamands de la fin du Moyen Âge : Maître Eckart, Henri Harphius, Jan Van Ruysbroeck, Jean Tauler, Heinrich Suso. Au même moment, les mystiques espagnols sont traduits également. On peut d’autant plus parler d’une véritable « invasion mystique » de la France qu’à la même époque les œuvres françaises ont peu d’intérêt. Ces mystiques rhéno-flamands et espagnols, Bérulle les connaît par dom Beaucousin, traducteur lui-même des mystiques du Nord et leur ardent propagateur, conjointement avec un capucin, Benoît de Canfeld, écrivain mystique qui fréquentait assidûment l’hôtel Acarie.

Bérulle réussira la synthèse de ces différents courants dans son œuvre principale, parue en 1623, les Discours de l’Estat et des grandeurs de Jésus. Les mystiques du Nord enseignaient le retour à la conformité avec Dieu, retour à l’essence par le total dépouillement. Cette spiritualité abstraite et très spéculative, Bérulle la tempère par sa dévotion à l’humanité du Christ, moyen du retour à Dieu. Pour atteindre à la contemplation de l’essence, Jésus-Christ par son humanité est le médiateur unique. C’est là le courant issu de la Devotio moderna médiévale, plus affective et axée sur l’humanité de Jésus, celle de saint Bernard, de sainte Gertrude, de Geert Groote et celle aussi des mystiques espagnols du xvie s.

Au théocentrisme des grands mystiques du Nord, Bérulle va substituer son christocentrisme et devenir, selon la formule d’Urbain VIII, « l’apôtre du Verbe incarné ». L’originalité de cette spiritualité consiste à tirer tout le parti possible du mystère de l’Incarnation, c’est-à-dire à considérer le Christ comme fin et moyen du salut. Le chrétien, associé étroitement à Jésus par la contemplation et l’eucharistie, ne doit plus être, selon Bérulle, « qu’une pure capacité de Lui, tendant à Lui et remplie de Lui... Chaque homme doit être désapproprié et anéanti, et approprié à Jésus, subsistant en Jésus, enté en Jésus, vivant de Jésus et aspirant à Jésus. » Comment parvenir à cette fin ? Non par une ascèse contraignante et introvertie, comme celle de saint Ignace, mais par l’abandon et l’adhérence à la grâce, « qui tire l’âme hors de soi-même par une sorte d’anéantissement, et la transporte et l’établit et l’ente en Jésus-Christ ». Si l’école ignacienne regarde d’abord vers l’homme, l’école française regarde d’abord vers Dieu. Pour elle, l’homme est avant tout un adorateur, et la louange de Dieu est sa fin suprême.


Les œuvres

Mais Bérulle, grand spirituel, est aussi un homme d’action. Sa doctrine doit beaucoup aux carmélites espagnoles qu’il introduit en France en 1604, et qui l’initieront aux grands mystiques de leur pays. Si Mme Acarie est ici encore l’inspiratrice, c’est Bérulle qui réussit, par sa tenace diplomatie, là ou d’autres, comme Antonio de Quintanadueñas ou Brétigny, ont échoué avant lui : il installe en France six carmélites formées par sainte Thérèse. Sous le supériorat de Bérulle et grâce à son activité, aux huit carmels originels fondés par les Espagnoles vont s’en ajouter trente-cinq autres en France : succès que couronnera l’entrée au Carmel français de deux recrues de choix : Mme Acarie (Marie de l’Incarnation) et la propre mère de Bérulle.