Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Berthelot (Marcelin) (suite)

Il faut enfin signaler sa célèbre quadrilogie : Science et philosophie (1886), Science et morale (1897), Science et éducation (1901), Science et libre pensée (1905). Ainsi que l’a écrit Painlevé, Berthelot y apparaît « comme le représentant de la raison scientifique, de cette puissante et sereine faculté de l’esprit humain qui contemple la nature avec lucidité, construit avec des faits, non avec des mots, et ne se laisse imposer ni frein à ses efforts, ni barrière à ses recherches ». Ce positivisme l’entraîna malheureusement à s’opposer de toute son autorité à l’emploi de la notation atomique.


Sa mort

Dans leurs dernières années, Marcelin et Sophie Berthelot subissent de pénibles épreuves. Après la perte de leur intime ami Renan, ils sont affectés par la mort de leur fille aînée, puis par celle du fils unique de celle-ci, tué à dix-neuf ans dans un accident de chemin de fer. La santé de Mme Berthelot en est profondément affectée : une maladie cardiaque la condamne inexorablement. Le savant, qui a alors quatre-vingts ans, demeure au chevet de la malade et suit avec lucidité le progrès du mal. Lorsque son cœur cesse de battre, Berthelot va s’étendre dans la pièce voisine et, quelques instants plus tard, il rend à son tour le dernier soupir.

R. T.

 A. Ranc, Marcelin Berthelot (Bordas, 1948). / L. Velluz, Vie de Berthelot (Plon, 1964).


Les contemporains de Berthelot


Eugène Chevreul,

chimiste français (Angers 1786 - Paris 1889). Fils de médecin, il entre en 1810 au Muséum d’histoire naturelle comme préparateur de Vauquelin, auquel il succède comme professeur en 1830. Dès 1824, il est directeur des teintures à la manufacture des Gobelins. Il s’est fait connaître par son analyse des corps gras d’origine animale (1823), qui l’amène à la découverte des bougies stéariques, et par une théorie des couleurs fondée sur l’emploi des cercles chromatiques (1864). Il vécut plus que centenaire. (Acad. des sc., 1826.)


Charles Friedel,

minéralogiste français (Strasbourg 1832 - Montauban 1899). Fils de banquier, il va s’occuper de minéralogie à Paris, travaille au laboratoire de Wurtz et devient professeur de minéralogie (1876), puis de chimie organique (1884) à la faculté des sciences. Il est connu pour avoir découvert en 1877, avec l’Américain James Mason Crafts (1839-1917), une méthode de synthèse permettant la soudure de chaînes latérales sur le noyau benzénique. (Acad. des sc., 1878.)


Achille Joseph Le Bel,

chimiste français (Pechelbronn 1847 - Paris 1930). Élève de l’École polytechnique, il est d’abord directeur d’usines exploitant les sables pétrolifères de Pechelbronn. Puis il s’établit à Paris et devient le préparateur de Wurtz. S’appuyant sur les travaux de Pasteur relatifs au pouvoir rotatoire des solutions, il énonce, en 1874, les principes de la stéréochimie du carbone. Il explique l’activité optique des composés organiques par l’existence d’un carbone asymétrique, hypothèse émise à la même époque par le Hollandais Van’t Hoff*. (Acad. des sc., 1929.)


Charles Adolphe Wurtz,

chimiste français (près de Strasbourg 1817 - Paris 1884). Élève de Justus von Liebig en Allemagne, il poursuit ses études à Paris, où il devient, en 1853, professeur à la faculté de médecine, puis obtient en 1875 une chaire de chimie organique à la Sorbonne. Apôtre français de la théorie atomique, il s’intéresse surtout à la chimie organique. On lui doit la découverte des aminés et du glycol, ainsi qu’une méthode de synthèse des hydrocarbures. Il est l’auteur d’un Dictionnaire de chimie pure et appliquée (1864 et suiv.). [Acad. des sc., 1867.]

Berthollet (Claude Louis, comte)

Chimiste français (Talloires 1748 - Arcueil 1822).


Berthollet fait ses premières études au collège d’Annecy, fréquente ensuite l’université de Chambéry, puis va étudier la médecine à Turin, où il est reçu docteur en 1768. Après un séjour de quatre ans au Piémont, dont dépend alors la Savoie, il cède à l’attraction de Paris, où il va se présenter à Tronchin, le célèbre médecin de Voltaire et du duc d’Orléans. Celui-ci le prend pour assistant ; il lui ouvre aussi les portes du laboratoire du Palais-Royal, et c’est là que Berthollet va trouver sa voie.

Nous sommes à l’époque où Lavoisier publie sa nouvelle théorie de la combustion. Berthollet reste d’abord fidèle aux idées anciennes et, pour les soutenir, il présente dix-sept mémoires à l’Académie des sciences. En 1780, celle-ci l’admet parmi ses membres. L’année précédente, il a été reçu docteur de la faculté de Paris.


Les chlorures décolorants

En 1784, il succède à Pierre Joseph Macquer (1718-1784) à la direction des teintures, aux Gobelins. Ce sont les travaux qu’il y effectue et les perfectionnements qu’il apporte à cette industrie qui vont établir sa réputation. Le Suédois Scheele* avait signalé que le chlore décolorait les substances végétales. Berthollet part de cette observation pour appliquer cette propriété au blanchiment des toiles. En 1789, il découvre l’action décolorante des hypochlorites ; une usine est installée quai de Javel à Paris, d’où le nom d’eau de Javel sous lequel le nouveau produit entre dans le commerce. Son emploi se trouve décrit dans ses Éléments de l’art de la teinture (1791) ; on l’appelle d’ailleurs le « blanchiment berthollien ». L’industriel Antoine Henri Descroizilles (1745-1825) n’hésite pas à employer ce traitement dans ses usines.


Disciple de Lavoisier

Dès 1783, Berthollet revient sur ses erreurs, en lisant à l’Académie un Mémoire sur l’acide muriatique oxygéné (le chlore) ; il porte ainsi le dernier coup à la théorie du phlogistique. À la suite d’une étude de l’acide cyanhydrique, il révèle que tous les acides ne contiennent pas de l’oxygène, et il établit en 1785 la composition de l’hydrogène sulfuré, ainsi que celle de l’ammoniac. La même année, il signale que la présence d’azote est un caractère spécifique des substances animales.

Il participe alors avec Lavoisier*, Fourcroy et Guyton de Morveau à l’édification d’une nomenclature chimique rationnelle, dont l’essentiel subsiste de nos jours.