Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Berry (Jean de France, duc de) (suite)

Le mécénat de Jean de Berry

Le mécénat de Jean de France, duc de Berry, diffère de celui de son frère Charles V. Plus personnel et dilettante, le duc apparaît comme le premier des grands amateurs.

Durant sa vie, il fait construire dix-sept châteaux et hôtels. Gui et Drouet de Dammartin, Jean Guérard, Robert Fouchier sont mentionnés comme ses architectes. Vers 1367, le duc entreprend, près de Bourges, la construction du château de Mehun-sur-Yèvre ; il y met une partie de sa librairie, une ménagerie, des trésors. Il fait faire une chapelle à la cathédrale de Bourges dès 1369. Les Dammartin remplacent la rose de la façade occidentale par une vaste verrière, le grand housteau, et les statues des donateurs, le duc et sa femme, sont placées dans l’église. À Bourges, Jean de Berry fait construire un splendide palais, incendié en 1697. Le bâtiment principal, orné d’un escalier à vis au centre, avait 200 m de long. La sainte-chapelle qui y attenait était remarquable par ses vitraux ; là était le gisant du duc par Jean de Cambrai (v. 1355-1432), aujourd’hui à la cathédrale.

À Riom, autre foyer du mécénat ducal, s’élevèrent un château et une sainte-chapelle, dont il reste des vestiges. À Poitiers, le duc fit orner la tour Maubergeon et élever la triple cheminée de la grande salle du palais, avec ses remplages flamboyants et les statues des membres de sa famille. Il fit encore construire les châteaux de Concressault, de Lusignan, de Bicêtre, de Nonette, aménager l’hôtel de Nesle à Paris, les châteaux de Gien et d’Étampes, de Montargis, de Dourdan...

Mais là ne se limitait pas le mécénat de Jean de Berry. Il collectionna les médailles antiques et les camées, les vases et les pierres gravées, les étoffes, les tapis, les cuirs de Cordoue, les tapisseries, les instruments de musique. Il est plus connu, encore, comme amateur de livres.

D’après l’inventaire de sa bibliothèque, il posséda environ trois cents manuscrits. Il acquit des ouvrages de la bibliothèque de son frère Charles V et en reçut en don. Mais il est surtout célèbre pour ses propres commandes. Entre 1380 et 1400, son mécénat domine la peinture en France. Après 1400, il n’est plus le seul amateur, mais demeure un connaisseur sans rival. Parmi les artistes qui travaillent pour lui, on note Jean d’Orléans (1350 - v. 1418), peintre du roi, Jean de Bruges, valet de chambre en 1379, Jacquemart de Hesdin, peintre du duc, Michelet Saumon, Jean le Noir, Paul de Limbourg, valet en 1413.

Si l’on considère les manuscrits eux-mêmes, on constate que le Maître du parement de Narbonne, encore proche de Jean Pucelle, a travaillé dans les Très Belles Heures de Notre-Dame, livre qui ne fut achevé que beaucoup plus tard. André Beauneveu* est mentionné dans l’inventaire de 1402 comme l’auteur des prophètes et des apôtres du Psautier du duc de Berry (Bibliothèque nationale, ms. fr. 13091). Jacquemart de Hesdin, qui est sans doute le principal fournisseur du duc, peint deux images dans ce psautier. Il collabore, vers 1390, à l’illustration des Petites Heures du duc de Berry (Bibliothèque nationale, ms. lat. 18014), y révèle l’influence de l’art de l’Italie et donne une importance toute neuve au paysage. Quatre peintres anonymes, dont l’un est appelé le pseudo-Jacquemart à cause de son esprit d’imitation, concourent à décorer l’ouvrage, dans lequel les Limbourg peignent une scène. Jacquemart de Hesdin apparaît encore comme le grand peintre des Très Belles Heures du duc de Berry, ou Heures de Bruxelles (Bruxelles, ms. 11060-61). Il est aidé dans cet ouvrage par le Maître de la Trinité, qui a travaillé aux Petites Heures. Il est encore le chef d’atelier des Grandes Heures du duc (Bibliothèque nationale, ms. lat. 919), mais ses miniatures ont été arrachées ; on y trouve surtout l’art du pseudo-Jacquemart et quelques images du Maître de Bedford et du Maître de Boucicaut. Après Jacquemart, les peintres les plus célèbres du duc sont les Limbourg, Jean (Hennequin) Herman et Paul (Pol), fils d’un sculpteur de Nimègue et neveux du peintre Jean Malouel. Ils collaborent aux Petites Heures, aux Belles Heures (New York) et surtout aux Très Riches Heures (Chantilly). Ils peignent un monde idéal qui doit beaucoup à l’art italien ; ils observent la nature, mais leur art demeure un art de cour.

A. P.

➙ Miniature.

 A. de Champeaux et P. Gauchery, les Travaux d’art exécutés pour Jean de France, duc de Berry (Champion, 1894). / J. Guiffrey, Inventaires de Jean, duc de Berry : 1401-1416 (Leroux, 1894-1896 ; 2 vol.). / P. Durrieu, les Très Riches Heures de Jean de France, duc de Berry (Plon, 1904). / J. Porcher, les Belles Heures de Jean de France, duc de Berry (Bibliothèque nationale, 1953). / F. Lehoux, Jean de France, duc de Berri. Sa vie, son action politique (1340-1416) [Picard, 1966-1968 ; 4 vol.]. / M. Meiss, French Painting in the Time of Jean de Berry (Londres, 1967 ; 2 vol.).

Berthelot (Marcelin)

Chimiste français (Paris 1827 - id. 1907).



Sa vie

Pierre Eugène Marcelin Berthelot naît au cœur du vieux Paris, place de Grève. Son père est médecin. Vivant dans un quartier populaire, il soigne gratuitement beaucoup de ses malades ; il vit et mourra pauvre. Sa mère, Ernestine Sophie Claudine Biard, est la fille d’un ancien armateur d’origine bourguignonne.

L’enfant grandit au milieu des émeutes du début du règne de Louis-Philippe, puis il assiste à l’épidémie de choléra. Il conservera toujours le souvenir des blessés et des malades amenés sans cesse à son père. « De bonne heure, écrira-t-il, j’ai été tourmenté par l’insécurité de l’avenir. »

Brillant élève du lycée Henri-IV, il est aussi pensionnaire d’une petite institution de la rue de l’Abbé-de-l’Épée. Il y a pour répétiteur Renan, qui vient de quitter Saint-Sulpice, et avec lequel il se lie d’une étroite et durable amitié. « Nos ardeurs d’apprendre, écrit Renan dans ses Souvenirs d’enfance et de jeunesse, étaient égales. Nous mîmes en commun tout ce que nous savions. Nos discussions étaient sans fin, nos conversations toujours renaissantes. »