Peintre espagnol (Paredes de Nava, Vieille-Castille, v. 1450 - id. 1503 ou 1504).
Historiquement, cet artiste s’établit à la rencontre de deux mondes, celui du Moyen Âge et celui de la Renaissance : une place exceptionnelle, due en partie à un séjour fructueux qu’il effectua en Italie entre 1472 et 1482, et qui le mit en rapport avec les milieux les plus évolués de la péninsule dans les domaines de la science, de la poésie et de l’art.
En compagnie du peintre flamand Juste de Gand (probablement Joos Van Wassenhove), il aurait peint les portraits de sages et de poètes antiques qui décoraient le « studiolo » du duc humaniste Federico da Montefeltro, à Urbino*. Malheureusement, les historiens de l’art n’ont pu déterminer avec exactitude la part respective des deux artistes dans l’exécution de ce prestigieux ensemble aujourd’hui dispersé (une partie est au musée du Louvre). Pas davantage, ils ne s’accordent unanimement à attribuer à Pedro Berruguete les allégories des Arts libéraux, vraisemblablement exécutées pour la bibliothèque du palais d’Urbino, et dont il ne subsiste d’ailleurs plus que celles de la Rhétorique et de la Musique (National Gallery de Londres).
À la mort du duc d’Urbino, survenue en 1482, Pedro Berruguete serait retourné en Espagne. De fait, on le trouve l’année suivante à la cathédrale de Tolède, pour laquelle il exécuta des travaux d’envergure, mais qui ont généralement été détruits.
Viennent ensuite des retables exécutés pour les églises de Paredes de Nava, sa bourgade natale. Pour Santa Eulalia, il peignit un retable de la Vierge avec, sur la prédelle, une représentation de rois de l’Ancien Testament, très semblables aux hommes illustres figurés dans le « studiolo » d’Urbino.
Cependant les commandes les plus importantes furent effectuées par le célèbre inquisiteur Torquemada, pour son couvent dominicain de Santo Tomás à Ávila. Il s’agit de trois retables consacrés à des saints de l’ordre. Celui de saint Thomas d’Aquin, qui occupait une position centrale, est seul demeuré en place. Les panneaux des retables latéraux, où se trouvent contées la vie de saint Dominique et celle de saint Pierre martyr, sont passés au musée du Prado.
On retrouve dans certaines des œuvres de Pedro Berruguete le goût des artistes médiévaux pour la richesse des étoffes et les fonds dorés. À quoi s’ajoute un sens précis et aigu de l’observation, probablement acquis des « primitifs » flamands, et qui nous vaut entre autres une délicieuse scène de la vie domestique féminine dans le retable de la Vierge de Paredes de Nava. Chez les dominicains d’Ávila, le peintre effectua un véritable « reportage » monastique, en transposant des scènes du passé dans des décors contemporains.
Plus « modernes » encore apparaissent les recherches sur la lumière dans ses tableaux (l’Annonciation de la chartreuse de Miraflores, à Burgos) et le souci hérité de l’Italie de donner aux compositions une unité rigoureuse et de solides qualités plastiques.
Par-dessus tout, cependant, il demeure espagnol, et notamment dans l’accent mystique qu’il imprime à certaines de ses compositions, comme l’émouvante prière de saint Pierre martyr devant le crucifix. Sa mort interrompit l’exécution d’une autre œuvre de grande envergure, le maître-autel de la cathédrale d’Ávila, que devait achever Juan de Borgoña.
M. D.
R. Laínez Alcalá, Pedro Berruguete pintor de Castilla (Madrid, 1943). / D. Angulo Iñiguez, Pedro Berruguete en Paredes de Nava (Barcelone, 1946).
CATALOGUE D’EXPOSITION. Juste de Gand, Berruguete et la cour d’Urbino (Gand, 1957).