Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Berlin (suite)

Berlin-Ouest


Une ville industrielle sans arrière-pays

La perte des fonctions politiques et administratives a entraîné l’obligation de trouver des activités de remplacement. L’industrie, avec le bâtiment, emploie 44,5 p. 100 des actifs. Si 52 p. 100 des hommes sont des travailleurs industriels, on compte également un fort pourcentage de femmes qui travaillent dans les usines (34,2 p. 100 des femmes ayant une activité rémunérée). Sur 978 000 actifs (1968), 488 000 sont ouvriers et 331 000 sont employés ; les travailleurs indépendants sont 74 000 ; les aides familiaux sont au nombre de 15 000. Les fonctionnaires sont seulement 58 000, et c’est un peu artificiellement que l’État fédéral maintient quelques services fédéraux à Berlin (réunion du Bundestag et de ses commissions par exemple). Depuis la partition de la ville, l’essentiel de la bourgeoisie ainsi que les survivants de l’aristocratie ont fui Berlin pour les régions occidentales, la Rhénanie surtout. De ce fait, l’ancienne capitale s’est fortement « prolétarisée ». Les grandes sociétés ont souvent établi leur siège ailleurs ou, pour le moins, l’ont dédoublé. Siemens possède un double siège social : Berlin et Munich. L’industrie a connu une extension sans précédent vers la fin du xixe s. Werner von Siemens (1816-1892) et Emil Rathenau (1838-1915) [A E G] peuvent être considérés comme des créateurs de l’industrie berlinoise et parmi ceux qui ont donné à la ville son orientation décisive sur le plan des activités industrielles.

L’industrie électrotechnique, selon l’appellation allemande, réunit 35 p. 100 des travailleurs industriels en 1968. À côté de Siemens et d’A E G, il faut citer les entreprises Mix und Genest AG. et Standard Elektrik Lorenz AG., qui font partie du groupe américain International Telephone and Telegraph Corporation (I T T). L’électrotechnique est une industrie de pointe qui a été incontestablement favorisée par le milieu urbain et la proximité des ministères, dont les commandes importantes ont été décisives. Malgré sa situation politique, Berlin-Ouest reste le siège de plus de deux cents sociétés anonymes, au capital social de 5,7 milliards de deutsche Mark. L’électrotechnique figure dans cette liste avec dix entreprises, qui totalisent 1,9 milliard de DM de capital.

Le deuxième secteur industriel est constitué par la construction de machines (13 p. 100 des travailleurs industriels). Cette branche est aussi une tradition berlinoise. La société Graetz, fabriquant des appareils ménagers et électriques, employait déjà 5 000 ouvriers en 1933 ; aujourd’hui, elle est rattachée au groupe I T T. L’industrie de la confection est une activité typiquement urbaine. Après la victoire sur la France, en 1871, Berlin se lança dans la mode féminine, qui connut un certain succès. La confection vient au troisième rang des activités industrielles avec 9 p. 100 des actifs. L’industrie alimentaire n’arrive qu’au quatrième rang, mais elle précède de loin la chimie, dont la fabrication est largement tournée vers la production pharmaceutique. Les sociétés Schering et Kahlbaum, qui fusionnèrent en 1927, ont une renommée mondiale. L’industrie berlinoise est caractérisée par les gros établissements, comme le Wernerwerk de Siemens. Les arrondissements à plus forte population industrielle sont Spandau (58 000 ouvriers), Kreuzberg (35 000), Tempelhof (32 000), Reinickendorf (31 000).


La city-ruban et le secteur tertiaire

La partition a fait perdre à Berlin-Ouest une partie de la city, la plus ancienne. Comme, dès la fin du xixe s., celle-ci avait tendance à se développer vers Charlottenburg, le partage a été moins dramatique qu’on aurait pu le penser au début. Les équipements commerciaux sont d’un très haut niveau et ne font nullement penser que la ville est privée d’un arrière-pays d’où pourrait lui venir une partie de la clientèle. Près de 150 000 personnes travaillent dans les commerces de gros, quoique les grandes maisons commerciales (Kaufhof, etc.) n’aient pas leur siège ici. La branche banques-assurances réunit soixante et une sociétés anonymes, au capital de 783 millions de deutsche Mark (1968). Avec 20 600 salariés, ce secteur n’est guère plus important qu’à Cologne. Aucune grande banque allemande n’a son siège social à Berlin, alors qu’au siècle dernier s’amorçait une concentration bancaire au profit de la nouvelle capitale. La Bundesbank est installée à Francfort.

La partition pouvait faire penser qu’il serait utile de créer une nouvelle city à l’écart de la frontière ou du « mur ». Il n’en a rien été. On reste frappé par la continuité dans l’urbanisation, il est vrai avec un style et une idéologie différents, de part et d’autre du « mur ». L’actuelle city s’est à peu près développée autour du jardin zoologique, de la Gedächtniskirche et de la Ernst-Reuter-Platz ; sur le plan historique et architectural, il s’agit d’un quartier jeune. Contrairement à d’autres villes, la city n’a pas fait tache d’huile. Elle s’est plutôt développée le long d’un axe est-ouest. Démographiquement, chaque arrondissement représente une ville d’au moins 100 000 habitants. Sur le plan fonctionnel, les arrondissements sont dotés de subcentres dont les équipements sont destinés à satisfaire les besoins immédiats des populations. Le centre se voit donc plus ou moins réserver des fonctions plus « nobles ». L’idée du développement d’une city axiale (city-band) est due à l’architecte-urbaniste Hans Scharoun*. La city occidentale est ainsi dans le prolongement direct de celle du secteur oriental. Le plan Scharoun est un urbanisme qui se place dans une perspective de réunification, sans négliger les impératifs conjoncturels. Le Kurfürstendamm est un des axes principaux. Ses vitrines alléchantes, ses cafés, ses restaurants, ses cabarets et ses théâtres attirent et le Berlinois, retenu dans la ville par les barrières consécutives à la partition, et l’étranger, avide de connaître le cœur d’une ville dont la situation géographique, économique et politique est quasi unique au monde. Haute couture, commerces de luxe, librairies, maisons d’édition (Springer Verlag) se développent jusqu’au voisinage de la limite avec Berlin-Est. L’urbanisme berlinois ne tourne pas le dos au mur, bien au contraire. Il est comme un élément de publicité face aux arrondissements orientaux. La fonction résidentielle n’est pas exclue. L’arrondissement de Tiergarten abrite 100 000 habitants (1968) ; cependant, sa population est en diminution régulière (113 000 en 1962), quoique limitée par l’impossibilité politique des habitants de s’installer en dehors de la ville. Malgré sa situation centrale, l’arrondissement a encore une densité de 7 550 habitants au kilomètre carré (contre 16 000 à Kreuzberg). La city n’est pas le quartier le moins densément peuplé. L’opération Hansaviertel est l’illustration de la politique qui veut que les quartiers centraux ne doivent pas être vidés de leur population résidentielle. Grâce à la reconstruction, la ville de Berlin est devenue un laboratoire de l’urbanisme moderne, où architectes et urbanistes se rendent pour étudier les conceptions élaborées souvent par des auteurs venant de tous les pays. Le Hansaviertel a été conçu par des architectes de quatorze pays, qui ont pu exprimer dans un ensemble collectif leur conception individuelle de loger les habitants.