Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Berlin (suite)

Le xvie s. apporte à Berlin la réforme luthérienne (la ville devient une métropole du protestantisme), un accroissement important de la population (30 p. 100 environ), un premier essor économique, suivi d’une grave crise due aux imprudences du souverain. C’est aussi alors que se constitue la structure sociale bipolaire, avec la Cour (encore relativement peu puissante, par suite du manque de ressources) et la ville, peuplée d’artisans et de cultivateurs (encore aujourd’hui, presque un quart de la superficie du Grand-Berlin, dans les limites de 1933, est composé de terres arables, et presque un cinquième de forêts).

Au début du xviie s., la population de la ville atteint environ 10 000 habitants, alors que Paris et Londres sont déjà de véritables métropoles mondiales. La guerre de Trente Ans amène un déclin qui ne s’arrête qu’à la fin du xviie s. Le Brandebourg sert de passage aux Impériaux et aux Suédois ; à la fin de la guerre, la population tombe à 6 000 âmes. L’Électeur Frédéric-Guillaume, surnommé « le Grand Électeur » (der Grosse Kurfürst), entreprend la restauration de l’État après les traités de Westphalie. Il appelle commerçants et artisans dans la ville ; les manufactures obtiennent son appui. La ville s’agrandit de deux quartiers : Friedrichswerder et Dorotheenstadt. Le jardin d’agrément (Lustgarten) est établi au nord du château, et, à l’ouest de celui-ci, l’Électeur fait aménager l’avenue Unter den Linden. Ainsi, le noyau ancien de Berlin est constitué essentiellement par les quartiers du xviie s., qui, pendant longtemps, donnèrent à la ville son cachet de ville de résidence princière. La révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV en 1685 fait le bonheur de l’Électeur. Les huguenots affluent par milliers, apportant leurs capitaux et leur savoir. Le quartier Moabit, aux réminiscences bibliques, est leur œuvre. Un gymnase où l’enseignement est donné en français est construit (il continue de nos jours une tradition culturelle plus que biséculaire). À partir de la fin du xviie s., une partie de la noblesse et de la bourgeoisie berlinoises porte désormais des noms français. Mais, avec 20 000 habitants en 1700, Berlin ne fait pas encore figure de capitale.

Cependant, la ville se développe considérablement : le port fluvial est aménagé rationnellement, une importante forteresse est construite grâce aux subsides de l’allié français, l’assèchement de marais permet à l’Électeur et à sa famille de réaliser d’importantes opérations immobilières et de fonder trois cités nouvelles, rivales de Berlin et de Cölln, et qui, en 1709, sont réunies avec celles-ci en une seule ville.

Centre d’art architectural (Andreas Schlüter), Berlin devient un foyer intellectuel vers la fin du xviie s., quand s’y sont installées l’Académie des beaux-arts (1696) et l’Académie des sciences (1700).

Au cours du xviiie s., la ville continue à profiter de l’extension des États des Hohenzollern et de l’accroissement de leur puissance (« rois en Prusse » depuis 1701) ; à l’abri des guerres (mis à part l’occupation passagère par les Autrichiens en 1757 et par les Russes en 1760), elle dépasse 100 000 habitants en 1750 (avec une importante garnison), cependant que, non loin de là, Potsdam devient une résidence complémentaire du roi-Électeur. À côté de la communauté huguenote, pratiquant les vertus « prussiennes » et gardant l’usage du français, se développe la communauté israélite, dont la grande originalité sera, jusqu’au xxe s., d’avoir une activité autant intellectuelle que commerciale. Par ailleurs, l’éditeur Friedrich Nicolai (1733-1811), l’écrivain Lessing, le philosophe Moses Mendelssohn (1729-1786) constituent avec d’autres intellectuels et savants, de passage ou établis à demeure, un milieu remarquablement actif qui annonce le grand essor du xixe s.


De Frédéric II à Guillaume II

Avec le règne de Frédéric II (1740-1786), le rôle de capitale germano-slave de Berlin s’accentue par suite des conquêtes entre Oder et Vistule ; dans les dernières années du xviiie s., l’État prussien traverse une grave crise, qui marque aussi la ville et qui se poursuit durant l’époque napoléonienne.

Mais déjà les premières années du xixe s. annoncent un renouveau ; cité autonome en 1808, Berlin devient en 1810, grâce à Wilhelm von Humboldt* (1767-1835), une ville universitaire qu’illustrent les philosophes Fichte, Hegel, puis Lotze (1817-1881), le physicien Helmholtz et tant d’autres depuis. D’importants édifices (dont la porte de Brandebourg, 1788-1791) datant de ce temps confirment l’aspect de capitale du noyau urbain, cependant que de nombreux quartiers restent quasi ruraux avec une population paisible, qui ne participe pas aux mouvements plus ou moins révolutionnaires qui parcourent l’Europe postnapoléonienne.

L’urbanisation s’accentue (entre 1825 et 1840, 100 000 habitants de plus, dont l’intégration se fait souvent mal, car ils sont Polonais et catholiques pour une bonne part) ; les maladresses du souverain, sur le plan tant des franchises municipales que de la vie confessionnelle, la prolétarisation, qui commence avec l’industrialisation (Borsig en 1837, Siemens en 1847 ; première voie ferrée en 1838, cinq autres construites entre 1841 et 1846), font du Berlin du « printemps des peuples » un foyer de révolution.

Mais la révolte est réprimée encore plus rapidement que les mouvements du xve et du xvie s. La ville est plus liée que jamais au développement de la Prusse, qui s’accélère bien avant 1871. Les nombreuses voies ferrées, les relations fluviales font de la ville un des principaux centres économiques de l’Allemagne moderne ; les immigrants affluent, et la ville, qui se développe concentriquement, fait craquer son enceinte (en 1861, le mur d’octroi est abattu) et annexe les faubourgs ; elle compte en 1861 près de 550 000 habitants, et parmi eux de nombreux savants et écrivains, sans compter les grands commis de l’État et les officiers qui forgent l’armée de Sadowa et de Sedan.