Berbères (suite)
La maintenance d’une tradition commune n’exclut ni la diversité dans l’espace ni l’évolution dans le temps. Les images associées à l’aimée seront celles des champs pour le sédentaire du Maroc :
Fleur de coquelicot, parmi les labours,
Pour la soif d’amour qui te fait mourir
Lointaine est la source !
celles du désert pour le nomade du Sahara :
La blancheur sied aux pierres de la colline claire
Comme sied à Amenna la clarté de sa voix.
L’étroit contact qui existe entre l’auditoire et le poète, dans des groupes peu nombreux, où chacun sait des chants et ne craint pas d’en improviser, explique pour une part l’adaptation au monde contemporain. Le rôle des disques, la diffusion radiophonique des chants sont également importants. Une prose littéraire existe ou se crée, ce qui est un signe d’évolution, mais surtout la poésie n’hésite nullement à introduire les problèmes modernes dans ses formulations archaïsantes. Le poète, témoin de son temps, peint l’amusement, l’inquiétude, l’angoisse parfois qu’éprouvent des sociétés traditionalistes devant le monde moderne. Ainsi est évoqué le problème de l’émigration ouvrière :
Combien de paysans ont sauvé leur terroir
Grâce à l’argent gagné aux usines de France !
La sueur du travail a procuré l’avoir,
Seule l’a purifié une étroite observance
Des règles qui imposent de toujours prier.
Cette vitalité de formes littéraires archaïques, cette action sans cesse renouvelée d’œuvres en prise directe avec la vie quotidienne font de la littérature, dans des groupes où les arts plastiques ont peu de place, un fait social qui est particulièrement important.
P. G.-P.
➙ ‘Abdalwādides / Afrique romaine / Algérie / Almohades / Almoravides / Ḥafṣides / Marīnides / Maroc / Numidie.
Ibn Khaldūn, Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique septentrionale (Boulaq, 1867 ; trad. fr., Alger, 1925-1930, 5 vol. ; nouv. éd., Geuthner, 1957). / G. Marçais, les Arabes en Berbérie du xie au xive siècle (Leroux, 1914) ; la Berbèrie musulmane et l’Orient au Moyen Âge (Montaigne, 1946). / H. Basset, Essai sur la littérature des Berbères (Carbonel, Alger, 1920). / Poésies touarègues, présentées par Ch. de Foucault (Leroux, 1925-1930). / C. A. Julien, Histoire de l’Afrique du Nord (Payot, 1931 ; nouv. éd. revue par C. Courtois et R. Le Tourneau, 1952-1953 ; 2 vol.) ; Histoire de l’Algérie contemporaine, t. I (P. U. F., 1964). / R. Montagne, Organisation sociale et politique des tribus berbères indépendantes (Geuthner, 1931). / A. Bel, la Religion musulmane en Berbérie, t. I : Établissement et développement de l’islam en Berbérie du viie au xxe siècle (Geuthner, 1938). / E. Laoust, Contes berbères du Maroc (Larose, 1949). / J. Berque, Structures sociales du Haut-Atlas (P. U. F., 1955). / A. de Larrea Palacín, Cancionero del Africa Occidental española (Madrid, 1956-1957 ; 2 vol.). / G. H. Bousquet, les Berbères (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1957 ; 3e éd., 1967). / P. Bourdieu, Sociologie de l’Algérie (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1958 ; 3e éd., 1970). / Ch. Pellat et L. Galand, article « Berbère » dans Encyclopédie de l’Islam, t. I (Leyde et G. P. Maisonneuve, Paris, 1959). / L’Océan des pleurs, poème berbère de Muḥammad al-Awzalî, présenté par B. H. Stricker (Leyde, 1960). / Les Cahiers de Belâid, présentés par F. Dallet et J. L. Degezelle (Fort National, 1964). / M. Mammeri, les « Isefra », poèmes de Mohand-ou-Mohand (Maspero, 1969). / C. Lacoste-Dujardin, le Conte kabyle. Étude ethnologique (Maspero, 1970).