Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Berbères (suite)

La maintenance d’une tradition commune n’exclut ni la diversité dans l’espace ni l’évolution dans le temps. Les images associées à l’aimée seront celles des champs pour le sédentaire du Maroc :
Fleur de coquelicot, parmi les labours,
Pour la soif d’amour qui te fait mourir
Lointaine est la source !
celles du désert pour le nomade du Sahara :
La blancheur sied aux pierres de la colline claire
Comme sied à Amenna la clarté de sa voix.

L’étroit contact qui existe entre l’auditoire et le poète, dans des groupes peu nombreux, où chacun sait des chants et ne craint pas d’en improviser, explique pour une part l’adaptation au monde contemporain. Le rôle des disques, la diffusion radiophonique des chants sont également importants. Une prose littéraire existe ou se crée, ce qui est un signe d’évolution, mais surtout la poésie n’hésite nullement à introduire les problèmes modernes dans ses formulations archaïsantes. Le poète, témoin de son temps, peint l’amusement, l’inquiétude, l’angoisse parfois qu’éprouvent des sociétés traditionalistes devant le monde moderne. Ainsi est évoqué le problème de l’émigration ouvrière :
Combien de paysans ont sauvé leur terroir
Grâce à l’argent gagné aux usines de France !
La sueur du travail a procuré l’avoir,
Seule l’a purifié une étroite observance
Des règles qui imposent de toujours prier.

Cette vitalité de formes littéraires archaïques, cette action sans cesse renouvelée d’œuvres en prise directe avec la vie quotidienne font de la littérature, dans des groupes où les arts plastiques ont peu de place, un fait social qui est particulièrement important.

P. G.-P.

➙ ‘Abdalwādides / Afrique romaine / Algérie / Almohades / Almoravides / Ḥafṣides / Marīnides / Maroc / Numidie.

 Ibn Khaldūn, Histoire des Berbères et des dynasties musulmanes de l’Afrique septentrionale (Boulaq, 1867 ; trad. fr., Alger, 1925-1930, 5 vol. ; nouv. éd., Geuthner, 1957). / G. Marçais, les Arabes en Berbérie du xie au xive siècle (Leroux, 1914) ; la Berbèrie musulmane et l’Orient au Moyen Âge (Montaigne, 1946). / H. Basset, Essai sur la littérature des Berbères (Carbonel, Alger, 1920). / Poésies touarègues, présentées par Ch. de Foucault (Leroux, 1925-1930). / C. A. Julien, Histoire de l’Afrique du Nord (Payot, 1931 ; nouv. éd. revue par C. Courtois et R. Le Tourneau, 1952-1953 ; 2 vol.) ; Histoire de l’Algérie contemporaine, t. I (P. U. F., 1964). / R. Montagne, Organisation sociale et politique des tribus berbères indépendantes (Geuthner, 1931). / A. Bel, la Religion musulmane en Berbérie, t. I : Établissement et développement de l’islam en Berbérie du viie au xxe siècle (Geuthner, 1938). / E. Laoust, Contes berbères du Maroc (Larose, 1949). / J. Berque, Structures sociales du Haut-Atlas (P. U. F., 1955). / A. de Larrea Palacín, Cancionero del Africa Occidental española (Madrid, 1956-1957 ; 2 vol.). / G. H. Bousquet, les Berbères (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1957 ; 3e éd., 1967). / P. Bourdieu, Sociologie de l’Algérie (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1958 ; 3e éd., 1970). / Ch. Pellat et L. Galand, article « Berbère » dans Encyclopédie de l’Islam, t. I (Leyde et G. P. Maisonneuve, Paris, 1959). / L’Océan des pleurs, poème berbère de Muḥammad al-Awzalî, présenté par B. H. Stricker (Leyde, 1960). / Les Cahiers de Belâid, présentés par F. Dallet et J. L. Degezelle (Fort National, 1964). / M. Mammeri, les « Isefra », poèmes de Mohand-ou-Mohand (Maspero, 1969). / C. Lacoste-Dujardin, le Conte kabyle. Étude ethnologique (Maspero, 1970).

Berg (Alban)

Compositeur autrichien (Vienne 1885 - id. 1935).


Figure médiane de la « trinité viennoise » (Schönberg, Berg, Webern), Alban Berg, en dépit du petit nombre de ses œuvres, est considéré comme l’un des grands maîtres de la musique moderne. Son œuvre marque l’aboutissement — et peut-être la fin — du théâtre lyrique européen.

Né dans une famille où la musique était à l’honneur, Alban Berg eut la chance d’être, à dix-neuf ans, présenté à Arnold Schönberg, dont il devint l’élève. Il étudia ainsi l’harmonie et le contrepoint de 1904 à 1907, puis la composition de 1907 à 1910. Pendant cette période, Berg écrivit la Sonate pour piano op. 1, Quatre Lieder op. 2 et le Quatuor à cordes op. 3, œuvres où l’influence de son maître se laisse entendre : la première est encore postromantique et tonale comme les œuvres de jeunesse de Schönberg ; la dernière, déjà non tonale, se fonde sur une technique fonctionnelle de l’intervalle que Schönberg expérimentait dans ses œuvres de l’époque.

Berg se maria en 1911 ; il dut, pour vivre, faire des travaux de transcription. Dans l’immédiat avant-guerre, il ne se fit connaître que par les Cartes postales op. 4, dont la création, en mars 1913, suscita un scandale. Les Trois Pièces pour orchestre op. 6, dont Stravinski, quarante ans plus tard, devait louer l’« imagination orchestrale fantastique », « miraculeuse », ne furent achevées qu’à la fin de 1914. Comme Marcel Proust, Berg était asthmatique : il ne fut mobilisé qu’à titre auxiliaire. Pendant les années de guerre, il écrivit, d’après Georg Büchner, le livret de Wozzeck, la grande œuvre de sa vie ; terminé en 1921, l’opéra fut créé à Berlin le 14 décembre 1925.

Entre-temps, Berg revint à la musique de chambre avec le Concerto de chambre (1923-1925), pour piano, violon et ensemble à vent, et la Suite lyrique (1925-26), pour quatuor à cordes, dans laquelle il utilisa partiellement, pour la première fois, la technique sérielle. Le succès de Wozzeck dans les pays allemands et anglo-saxons le rendit célèbre, mais ne l’enrichit guère. Entre la cantate le Vin (1929) et le concerto pour violon À la mémoire d’un ange (la fille du célèbre architecte Walter Gropius et d’Alma Maria Mahler), sa dernière œuvre (1935) — où il s’efforce, comme Schönberg le fera après lui, de reconsidérer le système tonal au moyen de la « série » —, Berg se consacra à la composition de son second opéra, Lulu, dont il ne devait pas achever l’instrumentation. Une septicémie l’emporta le 24 décembre 1935.