Bénarès ou Banāras (suite)
Politiquement, Bénarès, par ses nombreuses vicissitudes, a valeur d’exemple à l’échelle de l’Inde. Le royaume de Bénarès, longtemps intégré dans celui de Kanauj, ne put, malgré les efforts désespérés du souverain Jaichand, repousser les invasions musulmanes. Il passa sous le contrôle, au moins théorique, des divers empires musulmans de l’Inde (du sultanat de Delhi à l’Empire moghol). Cette évolution fut d’ailleurs l’occasion de nombreuses destructions de temples de Muḥammad de Rhūr à Awrangzīb (v. Inde), soit du xiiie au xviie s. Cela explique que la majeure partie des temples actuels soit l’œuvre des souverains marathes, qui, dans un souci de restauration religieuse nationale, les firent construire au xviiie s.
Suivant en cela une évolution assez générale en Inde, Bénarès et sa région, par le traité de 1775, passèrent sous le contrôle de la Compagnie britannique des Indes orientales, puis, après la mutinerie des cipayes en 1857, sous celui de la Couronne.
Depuis, Bénarès, avec ses 1 500 temples et ses 400 fêtes religieuses par an, reste le grand centre de pèlerinage de l’Inde : se baigner dans les eaux du Gange est la purification suprême. La ville joue dans ce domaine un rôle semblable à celui de La Mecque pour les musulmans. Le grand nombre de résidences princières, la foule des pèlerins, les touristes venus du monde entier ont offert et offrent un vaste marché pour un artisanat actif, qui fabrique des objets de cuivre et de bronze, et surtout des soieries. Les ateliers de tissage animent la ville et essaiment dans les campagnes environnantes.
La structure de l’agglomération est simple. Le site est une banquette d’alluvions à concrétions calcaires (« kankar ») qui borde le Gange sur sa rive gauche, insubmersible, tandis que la rive droite, très basse, est complètement déserte ; le long du fleuve s’alignent des temples, des résidences de mahārāja de toute l’Inde, des fondations pieuses, depuis les hôtels pour pèlerins jusqu’à une très moderne clinique d’accouchements. En arrière, la ville est faite de maisons assez dégradées à deux ou trois étages ; le long des rues étroites alternent les petits sanctuaires, les boutiques, les ateliers. En marge de la ville se trouve la Banaras Hindu University, et, au-delà du chemin de fer (qui pouvait à l’occasion servir de ligne de défense), le Cantonment britannique contient encore les principaux hôtels.
F. D.-D. et J. K.