Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bellow (Saul) (suite)

Cette mystique de l’individu, qui est le côté slave de Bellow, est tempérée, nuancée par un sens de la tribu, un sens de l’humour juif très vifs. Bellow a traduit du yiddish Gimpel le Fou d’Isaac Bashevis Singer. Il a un goût particulier pour les histoires classiques de « schlemiel », des petits juifs sur qui s’acharne le sort mais que l’humour et le goût de la vie sauvent du désespoir. Il y a chez les personnages de Bellow un mélange de résignation et de dignité, d’humour et de grandiloquence, d’angoisse et de soif de vivre qui rappelle les créations de Charlie Chaplin et de Danny Kaye au cinéma. Il y a dans la tradition juive un courant hassidique de joie, d’humour et de picaresque qui inspire Bellow, particulièrement dans son troisième roman, les Aventures d’Augie March (1953). Le titre évoque les Aventures de Huckleberry Finn, de Mark Twain. Augie March est effectivement une sorte de picaro juif, qui veut vivre libre et être lui-même. Accablé de conseils par des parents et des amis qui lui veulent du bien, qui veulent le rendre riche, célèbre, puissant, Augie March refuse « de se laisser manipuler ». Dans un monde où la réussite est obligatoire, il préfère la liberté. Il ne veut être ni milliardaire ni commissaire du peuple. Il refuse toute recette, toute idéologie. Roman picaresque exubérant, les Aventures d’Augie March exaltent la vie de vagabond et reprennent la tradition anarchiste américaine qui glorifie ceux qui savent dire « non » à la civilisation quand elle menace leur intégrité. Quand, après bien des aventures, on offre à Augie de devenir garde du corps de Trotski, il s’écrie : « Seigneur Dieu ! gardez-moi de me laisser entraîner dans un autre de ces grands courants où je ne peux pas être moi-même. »

Le quatrième roman de Bellow, Henderson The Rain King (le Faiseur de pluie), publié en 1959, poursuit cette quête du moi authentique par les mêmes chemins picaresques. Ce qu’Augie March cherchait au Mexique, Henderson part le chercher en Afrique, parmi les tribus primitives. Devenu l’ami d’un roi indigène, il s’initie aux secrets et aux pratiques de la sagesse primitive. Mais il ne se laisse finalement pas absorber par les divinités africaines qui l’attiraient. Au terme de ses aventures, il rentre en Amérique, bien décidé à n’être que lui-même, un Américain. Au contraire des héros de la génération perdue ou de la beat* génération, qui cherchent le salut en Europe ou en Orient, le héros de Bellow choisit sa patrie. C’est dire la part d’optimisme qui entre dans l’analyse que fait Bellow de la crise de la conscience américaine.

Herzog, publié en 1964, pousse cette quête du moi jusqu’au point où l’introspection risque de devenir démence. Universitaire inquiet, deux fois divorcé, Herzog, au bord de la dépression nerveuse, s’est retiré seul à la campagne. Il parle tout seul ; il écrit des lettres à Spinoza, à Gandhi... Il recompose dans sa tête une communauté idéale pour compenser l’horreur du monde réel. Herzog souffre du mal du siècle selon Bellow : l’hypertrophie de la conscience intellectuelle. Parce qu’il veut tout comprendre, il ne peut plus rien entreprendre. Herzog s’est enfermé dans un dilemme insoluble : « La vie sans explication, dit-il, ne vaut pas d’être vécue, et la vie avec explication est insupportable. » Herzog sort de la crise quand il comprend qu’« il n’était pas nécessaire de faire tout ce travail minutieux de réflexion abstraite, travail auquel il s’était adonné comme si c’était la lutte pour la vie. Ne pas penser n’est pas nécessairement mortel. » À la fin du roman, Herzog reconnaît qu’il a eu tort de « partir en quête de la réalité avec le langage ». N’ayant plus de message pour le monde, il s’endort au soleil. Cette paix est assez inquiétante. Herzog, allongé dans son jardin en friche, s’abandonne-t-il au nihilisme heureux de la beat generation ? Le héros, sans projet ni ambition, semble se défaire, tandis que le roman tourne au monologue. Saul Bellow commente avec finesse : « C’est bien triste, mais le nombre de gens intelligents dont la conversation essentielle est avec eux-mêmes ne cesse de grandir. »

Mieux que tout autre romancier américain, Bellow a analysé la crise de la conscience moderne et dénoncé l’hypertrophie de la pensée. Dans sa première pièce de théâtre, The Last Analysis (1964) [En dernière analyse], il accuse « la gigantesque insanité de l’introspection ». Mais il semble lui-même en être victime et s’enfermer dans le solipsisme : aux aventures picaresques d’Augie March ont succédé les subtiles introspections d’Herzog, puis les préoccupations morales, non dépourvues d’ironie, de la Planète de M. Sammler (1969). Mais son imagination puissante, son humour profond l’aident à dépasser l’analyse abstraite de la crise de l’humanisme, qui angoisse toute son œuvre, que consacre le prix Nobel en 1976.

J. C.

 M. Mohrt, le Nouveau Roman américain (Gallimard, 1955). / P. Brodin, Présences contemporaines (Debresse, 1964). / L. Fiedler, Waiting for the End (New York, 1964). / P. Dommergues, Écrivains américains d’aujourd’hui (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1965 ; 2e éd., 1967) ; Saul Bellow (Grasset, 1968). / T. Tanner, Saul Bellow (Londres, 1965). / J. Cabau, la Prairie perdue. Histoire du roman américain (Éd. du Seuil, 1966). / I. Malin, Saul Bellow and the Critics (New York, 1967). / M. Saporta, Histoire du roman américain (Seghers, 1971).

Belo Horizonte

Ville du Brésil, capit. de l’État de Minas Gerais ; 1 235 000 hab.


Au cœur d’une région peu peuplée, formée de plateaux couverts d’une végétation de savane arborée, Belo Horizonte offre le spectacle d’une grande agglomération, peu ordonnée, faite d’un foisonnement de maisons individuelles autour d’un centre constitué par quelques groupes de gratte-ciel. « Capitale-champignon » située sur l’emplacement d’un ancien petit village, Belo Horizonte est née à la fin du xixe s. de la décision de donner une nouvelle capitale à l’État de Minas Gerais. Belo Horizonte, qui n’avait, en 1900, que 13 500 habitants, en comptait 55 000 en 1920, 643 000 en 1960 et dépasse largement le million en 1970.