Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Belgique (suite)

Cependant, les catholiques sociaux, dont les thèses progressistes s’expriment dans l’Avenir social puis la Justice sociale, obtiennent des résultats non négligeables, car certains points de leur programme sont appuyés par les catholiques majoritaires au Parlement. Un ministère de l’Agriculture est créé en 1884 et un ministère du Travail en 1895. Est mise en place une législation protectrice du travail des femmes et des enfants (1900), assurant le travailleur contre les accidents de travail (1903) ; le repos dominical est obligatoire depuis 1905.


Le règne d’Albert Ier (1909-1934)


Jusqu’à la Grande Guerre

Albert Ier*, successeur de Léopold II, est le second fils de Philippe, comte de Flandre, frère de Léopold II.

La mort du vieux monarque impopulaire provoque chez les Belges un choc en retour qui explique l’enthousiasme dont le roi Albert et la reine Élisabeth — une Bavaroise — sont l’objet lors de leur entrée à Bruxelles (déc. 1909).

Mais, dès le début du règne, l’agitation contre la majorité catholique se développe : les socialistes, partisans du suffrage universel, recourent en vain à la grève générale (avr. 1913) pour obtenir l’abolition du suffrage plural. Cependant, la menace grandissante d’une guerre amène Albert Ier et son gouvernement à renforcer la défense nationale ; en 1913 est créé le service militaire généralisé. Quelques mois plus tard, le ministère de Charles de Broqueville (1860-1940), poussé par la tendance Jeune-Droite, obtient le vote d’une loi sur l’instruction obligatoire, réclamée depuis longtemps par les socialistes (19 mai 1914).


La Première Guerre mondiale

C’est un pays neutre, en pleine prospérité et aussi en pleine réorganisation militaire, qui est soudain affronté, en août 1914, à un drame imprévisible. Quand, le 2 août 1914, l’ultimatum allemand viole la neutralité belge, les luttes intérieures cessent aussitôt, et, dès le 4 août, les deux chefs de l’opposition, le libéral Paul Hymans (1865-1941) et le socialiste Émile Vandervelde (1866-1938), sont nommés ministres d’État. L’invasion allemande submerge la Belgique malgré la résistance belge autour de Liège et de Namur. Le gouvernement doit se retirer à Anvers, puis à Furnes et finalement au Havre, tandis que l’armée belge défend derrière l’Yser les dernières parcelles non occupées du territoire national. Quant au roi, resté avec ses troupes, son action est constamment inspirée par la préoccupation majeure de rétablir l’indépendance belge, de restaurer l’intégrité du territoire national et de réduire les souffrances résultant de la guerre et de l’occupation.

Les occupants tentent vainement d’exploiter l’opposition entre Flamands et Wallons, en décrétant la séparation administrative des deux régions (1917). La Belgique ne cessera de témoigner, sous la domination brutale des gouverneurs allemands, d’une dignité parfaite, à l’image de personnalités comme le cardinal Mercier (1851-1926), primat de Belgique, ou le bourgmestre de Bruxelles, Adolphe Max (1869-1939).

Libérée en novembre 1918, la Belgique obtient au traité de Versailles la cession d’Eupen et de Malmédy, ainsi qu’un mandat de la S. D. N. sur le Ruanda-Urundi ; mais il n’est plus question de sa neutralité.


L’après-guerre

Tout naturellement, la Belgique adhère à la S. D. N. (1919) et signe avec la France, en 1920, un accord militaire, dont la nécessité s’avère moins évidente quand se développe l’esprit de Locarno, en attendant, après 1933, que progresse dans l’opinion le retour à une neutralité volontaire.

À l’intérieur, l’union sacrée née de la guerre se maintient jusqu’en 1920. C’est alors qu’est instauré le suffrage universel intégral (1918-19), qui bouleverse la composition des Chambres en faisant des catholiques et des socialistes les deux principaux partis, sans qu’aucun d’eux, d’ailleurs, ait la majorité absolue. Les libéraux, moins nombreux, apportent le plus souvent aux catholiques leur appoint pour constituer des cabinets de coalition.

La reconstruction économique d’un pays fortement touché par la guerre et l’occupation s’achève vers 1923. La Belgique, qui a créé avec le grand-duché de Luxembourg l’Union belgo-luxembourgeoise (1922), tire parti à fond des ressources du Congo, de ses bassins miniers et de sa position privilégiée en matière de commerce extérieur. Parallèlement se complète la législation sociale : sur les habitations à bon marché (1919), sur les pensions de vieillesse (1920), sur la journée de 8 heures et la semaine de 48 heures (1921), sur l’assurance vieillesse obligatoire.

Mais la Belgique n’est pas à l’abri des grandes crises qui frappent le monde entre les deux guerres. Après les élections de 1925, favorables à la gauche, le franc belge s’effondre ; puis vient la grande dépression de 1929, qui provoque un grave chômage, crise que la politique habituelle de déflation ne peut endiguer.

La mort accidentelle du roi Albert Ier, en février 1934, se produit en pleine période de crise économique et sociale. Le quatrième roi des Belges, Léopold III, fils du défunt, reçoit un lourd héritage.


Léopold III* (1934-1951)


De graves problèmes

Le 25 mars 1935, Paul Van Zeeland (1893-1973), usant des pleins pouvoirs octroyés par les Chambres, forme un ministère extra-parlementaire qui relance l’économie. Des lois sociales importantes (congés payés, semaine de 40 heures) accompagnent ce redressement (1936).

Cependant, la vague des fascismes européens touche la Belgique sous la forme du rexisme, mouvement fondé par Léon Degrelle, partisan d’un pouvoir fort et antiparlementaire, d’un système social corporatif, chrétien et anticapitaliste. Mais, après un retentissant succès aux élections de 1936 (21 sièges), le rexisme recule, non sans laisser des traces.

L’atmosphère des années qui précèdent la Seconde Guerre mondiale est trouble : les scandales financiers, le problème de l’incivisme, lié en partie au flamingantisme, et le mécontentement social expliquent la chute spectaculaire de ministères apparemment solides (P. Van Zeeland, oct. 1937 ; P. H. Spaak, févr. 1939).

De plus, Léopold III donne corps, en 1936, à la doctrine de la neutralité volontaire, de « la politique des mains libres ». Le 3 septembre 1939 — alors que la France et la Grande-Bretagne viennent d’entrer en guerre avec le IIIe Reich —, la Belgique est déclarée officiellement neutre.