Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

adolescence (suite)

Du point de vue purement chronologique, les auteurs ne sont pas d’accord. Elisabeth Hurlock situe l’adolescence de 13 à 21 ans, et J.-L. Faure entre 12-13 et 18-19 ans avec beaucoup de variantes individuelles ; Florence Goodenough définit simplement l’adolescence comme « la période de transition entre l’enfance et l’âge adulte ». Si l’adolescence est une période de transition ou si elle apparaît comme telle, c’est non seulement parce que les deux périodes qui la limitent et qui l’encadrent semblent plus faciles à définir (d’une part l’enfance, d’autre part l’âge adulte), mais aussi parce qu’on veut y voir une sorte d’instance, instance de maturité, instance d’adulte. Or, on peut, contradictoirement, présenter cette « période » comme ayant des caractéristiques propres et un « univers » spécifique.

R. M.


Du point de vue physique

L’adolescence est caractérisée par l’accélération de la croissance staturale, la maturation des proportions du corps et de la morphologie générale, le développement des caractères sexuels primaires et secondaires (v. puberté), qui transforment en quelques années l’enfant en adulte. La poussée de croissance est d’abord rapide et débute vers 10 ou 11 ans chez la fille, vers 12 ou 13 ans chez le garçon. La poussée pubertaire elle-même est liée beaucoup plus à la maturation osseuse qu’à l’âge chronologique et ne se déclenche que lorsque l’âge osseux atteint 11-12 ans. Après deux ou trois ans de croissance rapide, la croissance staturale se ralentit progressivement, pour se terminer vers 18 ou 20 ans, lorsque la soudure des cartilages diaphyso-épiphysaires est complètement achevée. La courbe de vitesse de croissance (nombre de centimètres par an) de cette période dessine un V renversé, dont la plus grande pente est ascendante et dont la forme pour chaque sexe est exactement la même quel que soit l’âge auquel cette poussée débute.

Les proportions du corps se modifient également pour donner la morphologie de l’adulte, différente selon le sexe. La croissance du segment inférieur du corps s’effectue beaucoup plus rapidement que celle du segment supérieur (d’où la morphologie « en échalas » de l’adolescent), le rapport segment inférieur sur segment supérieur devenant légèrement supérieur à 1. La croissance du tronc se poursuit un peu plus longtemps que celle des membres inférieurs, et le rapport segment inférieur sur segment supérieur devient alors égal ou légèrement inférieur à l’unité, à partir de 15 ans. Le rapport diamètre biacromial sur diamètre bicrête iliaque augmente chez le garçon (1,41 à 18 ans) du fait de l’augmentation relativement plus marquée de la distance biacromiale, tandis qu’il diminue chez la fille (1,25 à 18 ans) du fait de l’élargissement du bassin. Chez le garçon, l’augmentation du périmètre thoracique (86 cm à 18 ans, contre 78 cm chez la fille) et le développement des masses musculaires achèvent de caractériser sa morphologie générale, masculine. Le développement de la graisse sous-cutanée au niveau des hanches et des fesses chez la fille achève de donner à celle-ci sa morphologie féminine. Ces diverses modifications de proportions peuvent être suivies sur des graphiques spéciaux appelés morphogrammes.

L’augmentation du poids précède souvent l’augmentation de la stature. Il en résulte une grande fréquence de fausses obésités, qui ne sont en fait que l’exagération d’un processus physiologique.

Le développement pubertaire à proprement parler débute quelques mois après la poussée de croissance. Il y a une corrélation très nette entre cette dernière et lui. En particulier, chez la fille, l’apparition de l’ossification de l’os sésamoïde du pouce permet de prévoir l’apparition des règles dans un délai très proche.

Tous ces changements physiques de l’adolescence nécessitent, pour se faire harmonieusement, des apports alimentaires riches et équilibrés. La ration calorique totale doit presque dépasser 3 000 calories par jour après 15 ans, alors que la ration moyenne de l’adulte est de l’ordre de 2 400 à 2 800 calories. À côté de ces impératifs quantitatifs, un certain nombre d’impératifs qualitatifs doivent être respectés : les protides doivent être apportés par l’alimentation à un taux double de celui qui est admis pour l’adulte, et 50 p. 100 de ces protides doivent être d’origine animale. Les besoins de calcium sont considérables à cette époque de la vie, puisqu’ils atteignent 1 g par jour. Enfin, les besoins en vitamines sont également très importants.

L’adolescence est donc déjà, sur le plan physique, une période de déséquilibre.

Ph. C.


Du point de vue sociologique et économique

On a souligné avec raison (Jean Rousselet, 1961 ; Dino Origlia et Honoré Ouillon, 1964) que l’insertion sociale comme adulte, avec les droits, devoirs et pouvoirs qui sont ceux des adultes, se fait à notre époque et dans nos sociétés occidentales de plus en plus tard. Le temps de plus en plus long nécessaire à l’apprentissage d’un métier, la prolongation de l’exercice professionnel des adultes en place accroissent encore cet allongement de la période de transition, ce qui a des répercussions considérables sur le plan non seulement social, mais aussi psychologique d’une masse de plus en plus grande d’adolescents et d’adolescentes laissés « en instance », c’est-à-dire aussi peut-être « en marge ». De ce point de vue, on a pu soutenir que l’adolescence est née de l’époque contemporaine. On apporte pour preuves supplémentaires que c’était à 14 ans que, dans l’ancienne Rome, le jeune homme revêtait la toge virile, à 14 ans que les jeunes pages du Moyen Âge étaient armés chevaliers et au même âge également que les rois de l’Ancien Régime étaient proclamés majeurs. Sous d’autres institutions, dont beaucoup se perpétuent de nos jours au niveau tribal, la fin de l’adolescence, ou entrée dans le rôle d’adulte et accession à la majorité sociale, se conquiert et se marque par des épreuves rituelles ou des cérémonies initiatiques qui sont aussi des fêtes sociales. Ce serait dans nos sociétés que le retard de l’entrée des jeunes « dans la vie active » créerait une « crise de la jeunesse » par suite de la prolongation anormale de l’enfance, c’est-à-dire de la sujétion. Selon René Zazzo (1961), la prolongation de l’être en instance entraîne, sur le plan psychologique et psycho-social, une conscience plus aiguë de soi pouvant engendrer l’opposition et parfois le déséquilibre.