Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Beauvais

Ch.-l. du départ. de l’Oise ; 56 725 hab. (Beauvaisiens).



Généralités

Première ville, mais deuxième agglomération de l’Oise (après Creil et avec Compiègne), Beauvais est situé à l’extrémité sud-orientale du pays de Bray, dans la vallée marécageuse et encaissée du Thérain. La ville eut d’abord un rôle de défense attesté par son site initial (dans une île de la rivière) et par l’histoire.

Beauvais gardait une des routes de vallée conduisant du Nord vers Paris. Cette fonction de défense était ainsi liée à une fonction de passage, qui doit moins aujourd’hui au rail qu’à la route et même à l’avion. En effet, lors de l’établissement du réseau ferré, Beauvais a souffert de sa position à l’écart des grands axes de la basse Seine et de l’Oise, à la limite des deux anciens réseaux du Nord et de l’Ouest. Les liaisons ferroviaires de Beauvais ont repris le tracé de Paris à la mer (Le Tréport), mais elles sont indirectes aussi bien vers Rouen (par Serqueux) que vers Amiens (par Abancourt), et encore très modestes vers Creil ou Clermont. Au contraire, Beauvais est un carrefour routier important grâce au croisement des routes Paris-Calais et Rouen-Reims, axes auxquels s’ajoutent des trafics secondaires vers Gisors, Pontoise et Amiens. Grâce à cette étoile routière, la ville draine aussi de nombreux migrants pendulaires de la campagne environnante, dans un rayon de 25 km environ. Enfin, Beauvais possède dans sa banlieue immédiate l’aérodrome de Beauvais-Tillé. Depuis 1955, une liaison directe avec Londres voit passer plus de 100 000 passagers par an, notamment l’été, où Beauvais-Tillé dégage Le Bourget et Le Touquet.

La fonction industrielle s’est amorcée très tôt, en rapport avec l’élevage ovin des plateaux environnants, qui fournissaient une laine travaillée dans les campagnes voisines, puis dans la ville même. Dès le Moyen Âge, Beauvais était une ville drapante renommée à côté des autres centres picards. Du textile beauvaisien, il ne reste plus qu’une fabrique privée de tapis et couvertures.

Il s’est produit par contre depuis un demi-siècle un renouvellement industriel qui va s’accentuant et se diversifiant depuis une quinzaine d’années. Déjà au milieu du xixe s. était apparue l’industrie de la brosse, d’abord dispersée dans les campagnes, puis concentrée à Beauvais entre 1918 et 1939. De même, dès 1910, la chimie s’installa avec la fabrication de crins artificiels, puis de rayonne et d’épongés synthétiques, ajoutant depuis 1945 d’autres produits (rubans adhésifs, Cellophane, etc.). Mais le grand essor industriel est venu avec la décentralisation d’entreprises de la région parisienne. En 1956 et 1957 arrivaient successivement deux grosses firmes : les freins Lockheed, puis les tracteurs Ferguson (Massey-Ferguson), qui occupaient deux zones industrielles nouvelles et la majorité de la population active industrielle. Actuellement, l’industrie occupe plus de 40 p. 100 de la population active. Largement féminine (près du tiers) surtout dans la brosserie, le textile, la chimie et même la mécanique automobile, la main-d’œuvre industrielle se répartit entre la métallurgie et les constructions mécaniques (plus de 40 p. 100), la chimie et la pharmacie (près de 20 p. 100), le textile (près de 10 p. 100), la brosserie (6 p. 100) et évidemment la construction et les travaux publics (20 p. 100 en de très nombreuses entreprises). La fonction tertiaire occupe près de 60 p. 100 de la population active. Cette importance relative traduit d’abord le rôle de chef-lieu du département (administration, enseignement) et secondairement un rayonnement commercial prépondérant dans la moitié occidentale du département, d’une ampleur vite limitée à l’est par Compiègne et déjà Creil.

Enfin, Beauvais bénéficie de l’essor économique et démographique du sud du département, pris dans le développement de la région parisienne. La ville a accueilli de nombreux migrants de la campagne voisine ou de régions plus lointaines, ce qui a provoqué aussi une augmentation notable du taux d’accroissement naturel. La population urbaine s’est accrue de plus de 20 p. 100 entre 1968 et 1975.

Longtemps modeste centre d’une région rurale, Beauvais, atteint depuis quelques années par les vagues de l’expansion parisienne, connaît un renouveau notable, économique et humain, et ainsi l’amorce d’une réelle urbanisation.

J.-P. M.

La Manufacture de Beauvais

Dès le xve s., à Beauvais, siège d’importantes productions textiles, s’établirent des ateliers de tapissiers exécutant à basses lisses des « verdures » réputées. Colbert les réunira et leur fera décerner le privilège royal par lettres patentes du 5 août 1664 ; il confie le directorat de la manufacture à un praticien parisien originaire de Beauvais, Louis Hinart (mort en 1697). Après une période durant laquelle sont surtout produits des verdures et des paysages animés de petits personnages, Hinart reçoit de Mme de Montespan commande de la tenture des Triomphes marins, destinée au comte de Toulouse et conservée en l’hôtel de la Banque de France. Sa composition, due à Jean Berain*, enveloppe un motif allégorique d’un prestigieux décor d’architecture baroque. L’exécution en sera surtout due à Philippe Behagle (originaire d’Audenarde ; mort en 1704) qui, en 1684, succède à Hinart, ruiné. Sous Behagle, la manufacture tissa la Tenture des Chinois, d’après Guy Louis Vernansal (1648-1729) : document précieux, établi d’après les dessins des missionnaires jésuites, sans le caractère humoristique que le xviiie s. va conférer à la « chinoiserie ». La tenture de Vernansal n’en a pas moins contribué à l’expansion de l’exotisme en France. C’est encore sous Behagle qu’ont été tissés les premiers Grotesques a fond jaune de Berain, dont il subsiste quelque soixante répliques.

Behagle disparu, la manufacture, après une crise inquiétante, fut relevée à partir de 1726 par Jean-Baptiste Oudry*, qui composa lui-même nombre de modèles, les Amusements champêtres, les Comédies de Molière, les Fables de La Fontaine, et demanda des projets aux plus brillants décorateurs contemporains, tel François Boucher* qui composa la spirituelle Tenture chinoise, actuellement aux États-Unis. Dans la suite, Jean-Baptiste Leprince (1734-1781) produira ses Jeux russiens, Jean-Baptiste Huet (1745-1811) la Pastorale à draperie, conservée en l’hôtel de la Présidence de l’Assemblée nationale, Francesco Casanova (1727-1802) ses Convois militaires, Jean Pillement (1728-1808) ses ingénieux décors chinois.