Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Bayeux (suite)

L’édifice est un des exemples les plus achevés du style gothique normand : l’étage supérieur de la nef est percé de vastes baies à la base desquelles court une galerie de circulation à arcatures trilobées ; les voûtes du chœur sont ornées de fresques du xiiie s., et le mur est percé d’un triforium d’une rare élégance. Cinq portails soulignent la base de la façade, très proche de celle de Coutances ; deux sont aveugles, et deux autres donnent accès à la base des tours — leurs tympans représentent au sud le Jugement dernier et au nord la Passion ; le tympan du portail central a été mutilé en 1778. Au portail du croisillon sud a été retracée l’histoire dramatique de Thomas Becket.

La cathédrale abrite en outre un riche mobilier ; mais, quinze jours par an, à l’anniversaire de la dédicace, sa plus éclatante parure était sans conteste l’immense broderie de la fin du xie s. (70 m de long sur 0,50 m de large) faussement dénommée « tapisserie de la reine Mathilde » et maintenant présentée dans un musée jouxtant la cathédrale ; cette œuvre exceptionnelle raconte la conquête de l’Angleterre par le duc Guillaume* à la manière d’une bande dessinée.

M. B.

 J. Vallery-Radot, la Cathédrale de Bayeux (Laurens, 1922). / S. Bertrand, la Tapisserie de Bayeux (Zodiaque, La Pierre-Qui-Vire, 1966). / « Bayeux », numéro spécial de Art de Basse-Normandie (été 1969). / A. M. Cetto, la Tapisserie de Bayeux (Payot, 1970). / M. El Kordi, Bayeux aux xviie et xviiie siècles (Mouton, 1970).

Bayle (Pierre)

Écrivain français (Le Carla 1647 - Rotterdam 1706).


Ce fils d’un pasteur protestant et d’une mère noble naît dans la province de Foix. Il apprend le latin et le grec sous la direction de son père et poursuit ses études à l’académie protestante de Puylaurens. En février 1669, il se rend à Toulouse, y suit les leçons de philosophie des Jésuites, se convertit au catholicisme, mais, dès l’année suivante, abjure la religion romaine. Cet état de « relaps » (retombé dans l’hérésie) le met en danger : il se rend à Genève et y parfait sa culture. En 1675, il vient à Paris, où il est précepteur. Vite lassé des servitudes de sa charge, il part pour Sedan, concourt pour une chaire de philosophie vacante à l’académie réformée de cette ville, soutient des thèses sur le temps et est nommé professeur. En juillet 1681, l’académie est supprimée par Louis XIV. Bayle passe alors à Rotterdam pour y enseigner la philosophie et l’histoire.

En mars 1682 paraît sa Lettre sur la comète (remaniée ensuite sous le titre de Pensées diverses sur la comète). Tirant parti d’un fait d’actualité, l’auteur expose ses idées et combat la superstition ; en aucune manière, dit-il, ces météores ne peuvent avoir une influence quelconque, morale ou physique, sur notre globe ; ce sont des phénomènes naturels. À ce propos, il aborde des questions de métaphysique, de morale, de théologie, d’histoire et de politique ; dans de vastes digressions, où il se montre le précurseur des philosophes du xviiie s., il critique la tradition et l’autorité, affirme la primauté de l’expérience et de l’esprit scientifique, souligne l’indépendance de la morale par rapport à la religion. L’ouvrage, imprimé en Hollande, est interdit en France. Cependant, quatre mois plus tard, paraît à Amsterdam sa Critique générale de l’histoire du calvinisme de Mgr Maimbourg. Bayle y devient le champion de la tolérance et combat la maxime suivant laquelle il ne faut souffrir qu’une religion dans l’État. De mai 1684 à 1687, il publie un journal, les Nouvelles de la République des lettres, qu’il rédige seul ; il y brosse le compte rendu impartial des ouvrages et des événements de son temps.

Terriblement affecté par la révocation de l’édit de Nantes (1685), il donne l’année suivante, comme venant d’un missionnaire qui l’aurait apporté d’Angleterre, le livre intitulé Ce que c’est que la France toute catholique sous le règne de Louis le Grand. Il y accuse tous les catholiques français d’avoir eu part à la persécution et assure que la mauvaise foi et la violence sont le véritable caractère de l’Église romaine. En octobre de la même année, il fait paraître, comme traduit de l’anglais, un Commentaire philosophique, où il réclame la tolérance non seulement pour le protestantisme, mais pour toutes les sectes religieuses. Il s’attire l’hostilité d’un professeur de théologie à Rotterdam, le protestant Pierre Jurieu (1637-1713). La querelle s’envenime lorsqu’il publie son Avis important aux réfugiés sur leur prochain retour en France (1690). Finalement, sous la pression de Jurieu, les magistrats ôtent au philosophe sa charge de professeur et sa pension (1693).

Privé de sa chaire, Bayle se consacre à son Dictionnaire historique et critique (1696-97). C’est une œuvre d’érudit, d’humaniste, d’historien, de controversiste, de philosophe, d’apôtre de la tolérance. En principe, l’ouvrage est un recueil d’articles relatifs aux noms propres historiques ou géographiques. Ces articles sont courts et généralement anodins. Mais des notes très abondantes révèlent la vraie pensée de Bayle. Dans ces commentaires apparaît le souci de l’auteur de soumettre, sous une forme parfois plaisante, tous les dogmes et toutes les traditions au contrôle de la raison. Avant tout, Bayle y montre son scepticisme et son esprit critique. Rien n’échappe à sa passion de la vérité. Les témoignages de l’histoire sont si incertains et contradictoires que rien n’est sûr : d’où la tolérance pour tous, fondée sur l’impossibilité où se trouvent les théologiens et les philosophes de livrer une certitude parfaite. De même, la morale doit provenir de la nature et être ramenée à la pratique ; la physique doit être limitée à l’expérience et aux hypothèses probables.

Le Dictionnaire connut un succès considérable (dix éditions avant 1760). Son influence fut capitale sur la philosophie du Siècle des lumières, et les encyclopédistes y puisèrent sans cesse.

A. M.-B.

➙ Lumières (esprit des).