Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

‘Abd al-‘Azīz III ibn Sa‘ūd (suite)

Le développement des moyens de communication

Le pétrole devient la ressource principale de l’Arabie Saoudite. Les primes versées par l’Aramco à ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd dans les dernières années de sa vie s’élèvent à 160 millions de dollars par an. L’État dispose désormais des fonds qui doivent permettre de doter le pays de moyens de communication, essentiels pour lutter contre le morcellement féodal et pour faire de l’Arabie Saoudite une entité économique. Le roi établit un plan prévoyant la construction, en vingt ans, de 43 000 km de routes. Parallèlement, il s’acharne à construire des voies ferrées à travers le désert. En octobre 1951, le chemin de fer reliant Riyāḍ à Dammām est terminé. Enhardi par ce succès, ‘Abd al-‘Azīz ibn Sa‘ūd projette la construction d’un « transarabien », voie ferrée de 1 100 km destinée à relier la mer Rouge au littoral arabe du golfe Persique.

Ces travaux ajoutés à ceux de l’Aramco et aux diverses activités créées autour du pétrole provoquent une prolétarisation et une sédentarisation d’une partie de la population, qui passe en peu de temps d’une économie patriarcale à une économie moderne.

En 1953, à la mort du roi, l’Arabie Saoudite n’est plus une poussière de tribus, mais une nation où se côtoient deux forces apparemment contradictoires : le wahhābisme, qui rattache fortement le pays au passé, et l’Aramco, qui le force, par la transformation des structures économiques et sociales, à s’ouvrir au monde capitaliste.

M. A.

➙ Arabie Saoudite / Wahhābites.

 H. C. Armstrong, le Maître de l’Arabie : Ibn Séoud (Payot, 1935). / J. Benoist-Méchin, le Loup et le léopard, Ibn Séoud ou Naissance d’un royaume (A. Michel, 1957). / F. J. Tomiche, l’Arabie Séoudite (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1962 ; 2e éd., 1969). / P. Lyautey, l’Arabie Saoudite (Julliard, 1967).

‘Abd al-Raḥmān III

(891 - Cordoue 961), souverain omeyyade d’Espagne (912-961), le premier calife de Cordoue.


Le 16 octobre 912, un jeune homme de vingt-trois ans succède, comme émir de Cordoue, à son grand-père ‘Abd Allāh. C’est un Andalou au sang mêlé : son père est un Arabe, mais sa mère, une esclave, est probablement originaire de Navarre. Le pays sur lequel il est appelé à régner est déchiré par les dissensions intérieures et menacé par ses voisins.


L’unification du royaume

Le jeune émir va rétablir l’unité de son domaine en soumettant les féodaux arabes. Son principal adversaire, ‘Umar ibn Ḥafṣūn, conduit la dissidence dans le Sud. ‘Abd al-Raḥmān III dirige une série de campagnes et soumet nombre de chefs inféodés à son ennemi. En 917, ‘Umar ibn Ḥafṣūn meurt ; dix années seront cependant encore nécessaires pour mettre fin à la révolte et pour que le centre de dissidence, Bobastro, tombe entre les mains des troupes de l’émir (janv. 928). ‘Abd al-Raḥmān III complétera son œuvre d’unification en occupant Badajoz (930) et Tolède (932).

Au lendemain de sa victoire de Bobastro, le souverain montrera par un acte solennel qu’il est désormais le seul maître de l’Andalousie et marquera son indépendance complète à l’égard des califes ‘abbāssides de Bagdad. Il se proclamera lui-même calife et prince des croyants (amīr al-mu’minīn), et s’attribuera le surnom d’al-Nāṣir li-dīn-illāh (« Celui qui combat victorieusement pour la religion d’Allāh »).


La lutte contre les royaumes chrétiens

Mais il avait fallu aussi assurer l’existence du califat vis-à-vis des royaumes chrétiens du nord de l’Espagne ; bien que leur situation fût précaire, ceux-ci n’en constituaient pas moins une menace pour l’Andalousie musulmane, contre laquelle ils lançaient d’audacieux coups de main. ‘Abd al-Raḥmān avait pris l’offensive, mais celle-ci s’était soldée par un désastre : le roi de León, Ordoño II, avait remporté en effet une écrasante victoire sur les troupes arabes à San Esteban de Gormaz (917). Dans l’été 920, au val de Junquera, ‘Abd al-Raḥmān avait pris une éclatante revanche sur le roi de León, cette fois allié au roi de Navarre. En 924, il s’était emparé de Pampelune et avait mis fin pour un temps aux agressions chrétiennes.

Le danger réapparaît avec la montée sur le trône de León, en 931, de Ramire II, qui va mener une lutte sans merci contre les Omeyyades d’Espagne. Avec l’aide du comte de Castille Fernán González et de la régente de Navarre Toda, Ramire II remporte sur ‘Abd al-Raḥmān une grande victoire au fossé de Simancas (1er août 939). Mais la victoire de Ramire II sera sans lendemain. Les généraux de ‘Abd al-Raḥmān multiplient les incursions sur son territoire ; Ramire obtient une ultime victoire à Talavera vers 949, mais il meurt peu après.

Profitant des dissensions qui opposent ensuite les prétendants au trône de León, le calife remporte dès lors de nombreux succès.


La lutte en Afrique du Nord

‘Abd al-Raḥmān III se sent aussi menacé par les Fāṭimides, cette dynastie arabe qui, en quelques années, a étendu sa domination sur une grande partie de l’Afrique du Nord et a atteint les frontières du royaume idrīside du Maroc. Le risque est grand, si les Fāṭimides se rendent maîtres du Maroc, de les voir s’attaquer ensuite à l’Espagne. Aussi, Omeyyades d’Espagne et Fāṭimides vont-ils se disputer le contrôle de ce territoire. En 927, ‘Abd al-Raḥmān occupe Melilla et, en 931, Ceuta. Il fait reconnaître son autorité par les princes locaux du nord du Maroc et du Maghreb central, et, en 951, il annexe Tanger. Mais, en 958-59, les Fāṭimides passent à la contre-offensive : leur général, Djawhar, mène une campagne victorieuse qui fait perdre au calife le contrôle des régions placées sous protectorat. Cependant, ‘Abd al-Raḥmān réussit à conserver Ceuta et Tanger, places essentielles pour la surveillance du détroit de Gibraltar.


Le bilan du règne

‘Abd al-Raḥmān est la figure dominante de l’histoire de l’Espagne musulmane : d’un royaume déchiré par la guerre civile, les rivalités des clans arabes et les dissensions des groupes ethniques il fit un État uni, pacifié et prospère. Sous son règne, Cordoue devint une métropole musulmane rivalisant avec les cités de l’Orient et jouissant d’un immense prestige dans le monde méditerranéen. Aux portes de cette ville, al-Nāṣir avait construit un immense palais, Madīnat al-Zahrā’, véritable foyer d’art et de pensée, qui témoignait du raffinement de la civilisation omeyyade d’Espagne.

M. A. et C. D.

➙ Cordoue / Espagne / Fāṭimides / Omeyyades / Reconquista.

 E. Lévi-Provençal, Histoire de l’Espagne musulmane (Maisonneuve, 1950-1953 ; 3 vol.).