Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
B

Ballets russes (suite)

Le répertoire musical moderne des Ballets russes concentre en lui l’essentiel des forces vives de la création musicale de cette époque, et il comporte quelques-unes de ses dates capitales (le Sacre du printemps, Jeux, Noces, sans parler des œuvres de quelques-uns des membres du groupe des Six). La simple énumération chronologique des créations des Ballets russes suffit à mesurer l’importance historique de ce mouvement dans l’évolution de la musique, de ses techniques et de ses esthétiques pendant le premier tiers du xxe s.

C. R.


Les grands noms des Ballets russes


George Balanchine,

v. l’article.


Serge de Diaghilev,

critique d’art, organisateur de spectacles et mécène russe (caserne Selistchev, prov. de Novgorod, 1872 - Venise 1929). Délaissant des études musicales pour lesquelles il montrait peu d’aptitude, il se tourne vers le droit. Pourtant, il fréquente plus assidûment les milieux artistiques de Saint-Pétersbourg que ses cours, et se lie avec les peintres A. Benois, L. Bakst et W. Nouvel. Plus particulièrement attiré par la peinture, il organise en 1897 une première exposition d’aquarellistes allemands et anglais. Avec ses amis, il fonde, la revue Mir iskousstva (le Monde de l’art), dont le premier numéro paraît fin 1898. Nommé adjoint spécial (1899) auprès du prince Volkonski, directeur des Théâtres impériaux, il est chargé de rédiger l’Annuaire des théâtres. Jusqu’à sa révocation (1901), il est en contact avec les artistes de la danse du théâtre Mariinski, dont la plupart le suivront à partir de 1909 dans ses Ballets russes. En 1901, il organise les « Soirées de musique contemporaine » à Saint-Pétersbourg, et présente des œuvres de Debussy, Ravel et Dukas. N’étant plus attaché aux Théâtres impériaux, il se consacre de nouveau aux expositions. Celle sur le thème de « deux siècles de peinture et de sculpture russes » (1905), réunissant à Saint-Pétersbourg plus de 3 000 œuvres, est fort bien accueillie, et l’incite à la renouveler à Paris l’année suivante. Il donne une série de cinq concerts à l’Opéra de Paris en 1907, et y présente l’opéra Boris Godounov de Moussorgski, avec le ténor F. Chaliapine, en 1908. Il signe un contrat avec le théâtre du Châtelet pour présenter une troupe de ballet russe en 1909. De retour en Russie, il réunit autour de Michel Fokine, danseur et chorégraphe, les meilleurs danseuses et danseurs du théâtre Mariinski (Anna Pavlova, Tamara Karsavina, Vera Karalli, Ida Rubinstein, Vaslav Nijinski et sa sœur Bronislava Nijinska, Adolph Bolm, Mikhaïl Mordkin, Theodore Kozlov). Cette troupe, dénommée « les Ballets russes », se produit pour la première fois à Paris au théâtre du Châtelet en mai 1909, et remporte un succès considérable.

Dès lors, la vie de Serge de Diaghilev se confond avec celle de sa compagnie. Pendant vingt ans, l’étonnante personnalité de ce dilettante, par ses idées, par ses créations, maintient les Ballets russes en tête des productions artistiques internationales. Dans les dernières années de sa vie, il se consacre à la bibliophilie, réunissant principalement de nombreux ouvrages sur la danse.


Michel Fokine,

v. l’article.


Tamara Karsavina,

danseuse russe (Saint-Pétersbourg 1885). Fille du danseur Platon Karsavine, elle entre à l’École impériale de Saint-Pétersbourg en 1894, où elle étudie avec Pavel Gerdt, Christian Johansson, Enrico Cecchetti et Aleksandr Gorski, et complète sa formation à Milan avec Caterina Beretta. Elle débute en 1902 dans Javotte, mais n’obtient de grands rôles qu’à partir de 1904 (le Réveil de Flore). De 1904 à 1909, date à laquelle elle est nommée étoile, elle paraît dans tout le répertoire classique (Giselle, le Lac des cygnes, la Belle au bois dormant), puis entre aux Ballets russes (1909). Fervente admiratrice de Fokine et acquise à ses théories, elle est l’une des plus remarquables interprètes de ses ballets, dont elle fait de magistrales créations : Cléopâtre (1909), Schéhérazade (1910), l’Oiseau de feu (1910) [composé à son intention], le Spectre de la rose (1911), Petrouchka (1911), Daphnis et Chloé (1912), le Coq d’or (1914). Ayant épousé un diplomate anglais, elle se fixe à Londres à partir de 1917, travaille avec Marie Rambert et se consacre à l’enseignement (elle ouvre en outre une école de mime à Londres). Elle crée deux œuvres de Léonide Massine : le Tricorne (1919), lors de la saison londonienne des Ballets russes, et Pulcinella (1920), à l’Opéra de Paris. En 1931, elle cesse de se produire en scène et publie Theatre Street, mais sa présence à Londres est un apport important pour le ballet anglais. Elle a également collaboré avec le Sadler’s Wells Ballet, devenu le Royal Ballet, puis avec le Western Theatre Ballet (1961).


Serge Lifar,

v. l’article.


Léonide Massine,

v. l’article.


Vaslav Nijinski,

danseur et chorégraphe russe d’origine polonaise (Kiev 1890 - Londres 1950). Issu d’une famille de danseurs, il entre à l’École impériale de Saint-Pétersbourg (1900), où il est l’élève de Nikolaï Legat, Anatole Oboukhov et Enrico Cecchetti. Très jeune encore, il révèle des dons exceptionnels (élévation, ballon, interprétation), vouant à la danse une passion exclusive. Après ses débuts officiels au théâtre Mariinski (1908), il entre aux Ballets russes (1909) et interprète le Pavillon d’Armide et le Festin. En 1910, il crée Carnaval et Schéhérazade de M. Fokine. À la suite d’un banal incident, il quitte les Théâtres impériaux (1911) et est engagé comme membre permanent des Ballets russes, où il crée cette même année Narcisse, le Spectre de la rose et surtout Petrouchka, qui marque le sommet de son succès. En 1912, il compose sa première chorégraphie (l’Après-midi d’un faune, musique de Debussy), œuvre originale qui suscite une vive polémique. Après le départ de Michel Fokine, il le remplace comme chorégraphe principal et crée le Sacre du printemps (musique d’I. Stravinski), dont l’audition soulève un véritable scandale, tandis que la chorégraphie « terre à terre » heurte violemment la tradition. La même année, au cours d’une tournée en Amérique du Sud, il épouse la danseuse hongroise Romolá Pulszky, rompt avec Diaghilev et quitte la compagnie. Dès 1914, il monte sa propre troupe, qui se produit une seule saison à Londres. Aux États-Unis, en 1916, il renoue pour un temps avec Diaghilev, règle sa dernière chorégraphie (Till Eulenspiegel) à New York, retourne en Amérique du Sud (1917), puis se fixe en Suisse. Sa raison s’altère, et les tourments qu’il subit au cours de la Seconde Guerre mondiale accélèrent la détérioration de son esprit. Interné dans une maison de santé, il meurt à Londres sans avoir recouvré la lucidité.