Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Bali (suite)

Les Hollandais entrèrent en contact avec Bali dès leur premier voyage dans l’archipel (1597), mais l’essentiel du commerce extérieur resta pour longtemps encore aux mains des Chinois. Le rattachement aux Indes néerlandaises ne se fit qu’en 1882 pour le nord de l’île et en 1908 pour le sud. C’est surtout à partir de 1930 que l’île, jusqu’alors peu connue des étrangers, commença à attirer l’attention des ethnographes et des artistes (tel l’Allemand Walter Spies) ; la compagnie de navigation Koninklijke Paketvaart Maatschappij (KPM) aménagea un hôtel à Denpasar et commença l’exploitation du tourisme.

Les habitants ont développé une culture très originale, bien homogène et fortement hindouisée ; leur langue, le balinais, s’écrit encore avec un alphabet dérivé d’un modèle indien. Seuls quelques villages sont musulmans (dans l’ouest) ; dans les montagnes vivent quelques communautés moins indianisées : les Bali aga. L’île est traditionnellement divisée en huit principautés, ou negara (Buleleng, Jembrana, Tabanan, Badung, Gianyar, Bangli, Klungkung et Karangasem), dont chacune était — et souvent reste encore — sous l’autorité de fait d’un rājā. La société, nettement hiérarchisée (prêtres, ou pedanda, seigneurs et paysans), repose sur une exploitation extrêmement savante des rizières, avec système collectif d’irrigation (subak).

Les activités religieuses sont prépondérantes, et le voyageur est toujours surpris par le grand nombre des temples (pura) ; outre les simples autels familiaux et les temples de village, il y a les temples de subak, les temples de principauté, ainsi que certains sanctuaires fréquentés par tous les habitants de l’île (comme à Besakih). Pour les gens du commun, le culte consiste essentiellement à préparer les offrandes (aliments, fleurs, tressages savants fabriqués à partir d’éléments végétaux) et à les apporter en procession. Les prêtres (pedanda), peu nombreux, sont les dépositaires de rituels parfois très complexes où se mêlent à la fois śivaïsme et bouddhisme. Une tendance récente vise à insister sur l’aspect monothéiste d’une religion dont le panthéon est par ailleurs singulièrement fourni.

Confinant à leur sens religieux, le sens artistique des Balinais a souvent fait l’admiration des Occidentaux. Pratiquement, tous les arts sont représentés : la musique (orchestres de gamelan où les métallophones prédominent), les danses (relativement anciennes comme le lelong, le baris, le djoget, ou de création plus récente comme le kebyar ou le kecak), les théâtres (gambuh, arja), la peinture et la sculpture.

D. L.


L’archéologie et les arts de Bali

Bali a d’abord participé aux cultures protohistoriques communes à l’Indonésie* et à une grande partie de l’Asie du Sud-Est. Au cours des premiers siècles de notre ère, directement ou par l’intermédiaire de Java et Sumatra, elle a reçu des éléments de la civilisation indienne, par les voies pacifiques du prosélytisme bouddhique et du commerce. Il s’est alors élaboré sur son sol un art religieux indianisé, analogue à celui de Java, mais assez original en face de lui.

Après la disparition à Java des royaumes hindouisés, Bali, refusant l’islām, se trouva constituer, et ce jusqu’à nos jours, le conservatoire d’une culture indianisée sans doute évoluée, mais encore reconnaissable.


L’art balinais ancien

• Avant l’indianisation. De la période protohistorique (âges du bronze et du fer) restent des sarcophages en pierre et la très belle « Lune de Bali », vénérée au pura Panataran Sasih de Pejeng ; c’est un grand tambour de bronze en forme de diabolo, orné sur toute sa périphérie de huit visages humains stylisés.

• Période indianisée « classique » (environ viiie-xve s.). Les plus anciens vestiges de l’apport indien sont bouddhiques : ex-voto en terre séchée trouvés à Pejeng et fragments de statues (tête et torses de Bodhisattva) provenant du pura Subak Kedaangan. Les modèles indiens de ces sculptures sont à rechercher dans l’art « post-Gupta », surtout du sud de l’Inde*.

À la première phase, dite « indo-balinaise » (viiie-xe s.), des sculptures en pierre volcanique, retrouvées à Kutri, Pejeng, Bedulu, etc., représentent de hauts personnages sous l’apparence de la divinité en laquelle ils ont été réabsorbés après leur mort : Śiva ou diverses entités bouddhiques. Ces images, en haut relief sur fond de stèle, sont d’un style apparenté à l’art de Java central, mais s’en différencient cependant par l’ornementation plus abondante, le modelé plus rude et certaines disproportions. Quelques fragments de décor architectural sont tout ce qui reste d’une architecture religieuse analogue à celle de Java central, bien que moins développée.

À la seconde phase de l’âge classique (xe-xiie s.), l’apport indien est complètement assimilé, et les caractéristiques proprement balinaises s’accentuent. Parmi les statues funéraires, citons celle représentant un prince et une princesse debout l’un près de l’autre, image retrouvée au pura Sukawana sur le Gunung Panulisan et portant la date de consécration (1011) ; d’autres sculptures révèlent un certain dynamisme, telle, au pura Kedarman, la belle Durgâ écrasant le démon-buffle. Au xie s. apparaissent des sites rupestres : cavernes excavées ayant servi d’ermitages, à proximité de représentations de sanctuaires sculptées dans la roche, qui sont des sépultures royales. Citons celles du Gunung Kawi et la grotte de Goa Gajah, dont l’entrée figure la bouche béante d’un monstre. Près de cette grotte se trouve une baignade sacrée, où l’eau s’écoule par des statues verseuses.

Dans la dernière phase (xiiie-xve s.), la statuaire est de plus en plus réaliste, l’ornementation exagérée et foisonnante. Une œuvre célèbre est la cuve à eau lustrale du pura Puser ing Djagat, à Pejeng, ornée à l’extérieur d’une représentation très animée d’un mythe indo-balinais. À cette période appartiennent peut-être les beaux bas-reliefs rupestres de Yeh Pulu, représentant le cadre de la vie quotidienne. Pour l’architecture, avec des fragments de sanctuaires disparus et des sépultures sculptées dans la roche, il faut noter des réductions de sanctuaires en ronde bosse, dont la toiture élevée porte des ornements de corniche en pendentifs spécifiquement balinais.