Zola (Émile) (suite)
Il a donné un exposé systématique de ses idées en 1880-81 dans les volumes qui sélectionnent ses meilleurs articles de la période 1875-1880 : le Roman expérimental, où il appuie la méthode naturaliste en littérature sur le modèle de la méthode expérimentale dans les sciences biologiques ; les Romanciers naturalistes, qui étudient l’œuvre de Balzac, de Stendhal, de Flaubert, de Daudet, des Goncourt ; Documents littéraires, choix d’articles consacrés aux grands romantiques, ainsi qu’à Alexandre Dumas fils, à la poésie, à la critique contemporaine et à la morale littéraire ; le Naturalisme au théâtre et Nos auteurs dramatiques. Ses études de critique littéraire (articles, préfaces, non recueillis de son vivant, notamment bon nombre de textes postérieurs à 1880) ont paru dans les Œuvres complètes sous le titre de Mélanges critiques : il y expose non seulement une esthétique, mais une éthique et une méthode de pensée, fondées sur la confiance dans la raison et dans la science.
Cette éthique s’est exprimée de bonne heure dans les chroniques de polémique politique, sociale et morale qu’il a données aux journaux de l’opposition républicaine à la fin du second Empire. En effet, dès 1868, à côté des articles qu’il publie dans l’Événement illustré, variations fantaisistes sur les faits divers et les anecdotes de l’actualité, Zola collabore à la Tribune, hebdomadaire républicain modéré. En 1869 et en 1870, il écrit dans le Rappel et la Cloche, dont l’opposition est plus radicale et plus combative. Plusieurs thèmes reviennent sans cesse dans ses attaques : les dissipations et l’amoralité de la société impériale, le faste dispendieux des transformations de Paris, la misère du peuple, le souvenir des origines sanglantes de l’Empire, dont il prédit, à la manière de Hugo, le proche écroulement. Les Lettres parisiennes, dans la Cloche, en 1872, expriment le scepticisme religieux, l’horreur de toute superstition, de toute censure, de tout dogme, la défense de la libre pensée. Dans la République en marche (recueil des chroniques parlementaires publiées dans la Cloche en 1871-72), surtout dans Une campagne (1882) et encore dans Nouvelle Campagne (1897), Zola s’impatiente devant les jeux des partis politiques, la démagogie des discours électoraux, les combinaisons de l’oligarchie financière et politique. Il rêve d’une république où « seuls les hommes supérieurs seraient appelés aux affaires ». Il voudrait une politique qui soit à la fois positive, scientifique et en progrès, et il ne voit pas d’ouverture entre la compromission politicienne et l’abstention hautaine. Il affirme cependant son attachement à la République et sa confiance dans la démocratie, y compris sous ses aspects révolutionnaires.
L’Affaire Dreyfus lui fournit l’occasion d’une dernière campagne. Zola en appelait directement à l’opinion pour la défense, au-delà de la seule personne de Dreyfus, des principes de la vérité, du droit et de la justice. Dans ce combat, il ramassa toutes ses ressources de passion polémique et, comme Voltaire ou Hugo, porta le pamphlet au niveau des œuvres de grand style. Les textes de Zola sur l’Affaire, par lesquels s’achevait sa carrière, étaient les premiers échos d’une bataille idéologique qui allait traverser tout le xxe s.
H. M.
➙ Dreyfus (Affaire) / Naturalisme / Roman.
G. Robert, Émile Zola, principes et caractères généraux de son œuvre (Les Belles Lettres, 1952). / F. W. J. Hemmings, Émile Zola (Oxford, 1953 ; nouv. éd., 1966). / R. Ternois, Zola et son temps. « Lourdes », « Rome », « Paris » (Les Belles Lettres, 1961). / A. Lanoux, Bonjour, M. Zola (Hachette, 1962). / H. Mitterand, Zola journaliste (A. Colin, 1962). / J. C. Lapp, Zola before the « Rougon-Macquart » (Toronto, 1964). / Zola, numéro spécial d’Europe (1968). / Émile Zola journaliste. Bibliographie chronologique et analytique (Les Belles Lettres, 1968-1972 ; 2 vol.). / J. Borie, Zola et les mythes (Éd. du Seuil, 1971). / J. Dubois, « l’Assommoir » de Zola, société, discours, idéologie (Larousse, 1973). / A. M. Vial, « Germinal » ou le « Socialisme » de Zola (Éd. sociales, 1974). / M. Serres, Zola. Feux et signaux de brume (Grasset, 1975).