Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
Z

Zola (Émile) (suite)

1872-1877

Zola fréquente désormais Flaubert, Alphonse Daudet, Edmond de Goncourt, le romancier russe Tourgueniev. L’éditeur G. Charpentier rachète les droits des Rougon-Macquart pour cinq cents francs par mois. Il réédite la Fortune des Rougon et la Curée, et publie en mai 1873 le Ventre de Paris, qui dépeint dans l’univers grouillant des Halles la petite-bourgeoisie commerçante « digérant, ruminant, cuvant en paix ses joies et ses honnêtetés moyennes », personnifiée par Lisa Macquart, la plantureuse charcutière. Les Gras, satisfaits de l’Empire, triomphent des Maigres, qui rêvent de changer l’ordre du monde. Zola est un Maigre : son article du 22 décembre 1872 dans le Corsaire, où il raillait l’avidité cynique des monarchistes, a fait interdire le journal, l’a rendu suspect au gouvernement de Thiers, puis à celui de Mac-Mahon, et lui a fermé les journaux parisiens : à part une série de comptes rendus dramatiques dans l’Avenir national, Zola n’écrit plus que dans le Sémaphore de Marseille, d’ailleurs sans signer ses articles, qui resteront pour la plupart inédits. En juillet 1873, le drame qu’il a tiré de Thérèse Raquin a neuf représentations au théâtre de la Renaissance.

En juin 1874 paraît la Conquête de Plassans, quatrième roman du cycle des Rougon-Macquart : les bonapartistes colonisent Plassans par l’intermédiaire de l’abbé Faujas et avec l’appui des Rougon. En novembre paraissent les Nouveaux Contes à Ninon, recueil de récits publiés dans la presse depuis 1866. Le 3 novembre, le théâtre Cluny représente les Héritiers Rabourdin, comédie en trois actes inspirée de Volpone, de Ben Jonson. À partir de mars 1875 jusqu’en décembre 1880, Zola envoie une chronique mensuelle (Lettres de Paris) au Messager de l’Europe, revue d’esprit libéral paraissant à Saint-Pétersbourg : études littéraires et sociales, comptes rendus des Salons de peinture, extraits de ses romans, nouvelles analyses de l’actualité théâtrale. La Faute de l’abbé Mouret paraît en avril : c’est le roman du prêtre amoureux, opposant à la stérilité meurtrière de la religion la fécondité grouillante de la terre. Les Zola passent leurs vacances d’été à Saint-Aubin-sur-Mer. Le 10 avril 1876, Zola inaugure une longue collaboration au Bien public en qualité de critique dramatique, tandis que l’Assommoir commence à faire scandale par son sujet (l’alcoolisme, la liberté des mœurs dans les milieux populaires de Paris) et par son langage, qui stylise le parler argotique des faubourgs. Mais le livre est un grand succès de librairie et apporte à Zola l’aisance et la notoriété. Désormais, Charpentier lui verse des droits d’auteur proportionnels à la vente ; il publiera toutes ses œuvres, d’abord seul, puis plus tard en association avec Eugène Fasquelle. Zola est le romancier le plus discuté, le plus caricaturé de Paris, et le chef du « naturalisme ». Il a envoyé son livre à Flaubert avec cette dédicace : « En haine du goût. »


1878-1885

Le succès de l’Assommoir a permis aux Zola de s’installer 23, rue de Boulogne (aujourd’hui rue Ballu). Au printemps de 1878, ils achètent une maison à Médan (9 000 F) ; ils y passeront désormais plusieurs mois par an et y recevront les amis et les jeunes admirateurs de Zola : J. K. Huysmans, Henry Céard, Léon Hennique, Maupassant. L’écrivain continue à publier dans le Bien public, puis dans le Voltaire, qui lui succède à partir de juillet 1878, des articles hebdomadaires où il expose ses thèses sur l’esthétique du roman et du théâtre. En avril 1878 paraît Une page d’amour, roman psychologique dont l’action se déroule dans les appartements cossus de Passy et dont Paris, avec l’océan de ses toitures, « est un des personnages, quelque chose comme le chœur antique ». Le 6 mai, Zola fait jouer un vaudeville, le Bouton de rose, au Palais-Royal ; à partir du 18 janvier 1879, l’Ambigu représente un drame tiré de l’Assommoir par William Busnach et Octave Gastineau. Nana, publié d’abord en feuilleton dans le Voltaire, puis chez Charpentier en mars 1880, déclenche un nouveau tapage. La critique, pudibonde et envieuse, s’insurge, mais Flaubert trouve à Zola « du génie ». Il mourra deux mois plus tard, au grand chagrin de Zola. Cependant, celui-ci commence à réunir les études critiques qu’il a publiées depuis cinq ans à Paris et à Saint-Pétersbourg, et publie chez Charpentier le Roman expérimental (1880), les Romanciers naturalistes (1881), le Naturalisme au théâtre (1881), Nos auteurs dramatiques (1881), Documents littéraires (1881). De septembre 1880 à septembre 1881, il mène une campagne hebdomadaire dans le Figaro, sur des thèmes tantôt politiques (critique du système parlementaire) et tantôt littéraires (défense du naturalisme, à travers ses propres œuvres et celles de Céard, de Huysmans, d’Alexis, de Maupassant). Le recueil de ses articles paraît en janvier 1882 sous le titre d’Une campagne. Le 29 janvier 1881, Nana, pièce en cinq actes adaptée du roman par William Busnach, connaît le succès à l’Ambigu. En avril 1882 paraît Pot-Bouille, chronique grinçante des mœurs bourgeoises. En novembre, le Capitaine Burle recueille une partie des nouvelles données au Messager de l’Europe. Au Bonheur des dames (mars 1883), roman des grands magasins, apparaît, par son principal personnage, Octave Mouret, comme une suite de Pot-Bouille. Un second recueil de nouvelles, Naïs Micoulin, paraît en novembre. Le 13 décembre, première, à l’Ambigu, de Pot-Bouille, pièce en cinq actes de W. Busnach.

Du 23 février au 3 mars 1885, Zola séjourne à Anzin, où il visite les corons, descend au fond de la mine pour préparer Germinal. En mars, il publie la Joie de vivre, dont le héros, Lazare Chanteau, lui doit beaucoup de ses angoisses, de ses tristesses, de ses superstitions même, mais où, malgré tout, il tente de combattre les thèses du pessimisme contemporain. En août 1884 et en août 1885, les Zola séjournent au Mont-Dore, d’où l’écrivain rapporte des notes pour un roman sur les villes d’eau, qui ne sera jamais écrit. Germinal, qui dépeint la vie et les luttes des mineurs du Nord et raconte la préparation, le déroulement et l’issue tragique d’une grève, paraît en mars 1885. L’adaptation du roman à la scène se heurte à la censure, que Zola stigmatise, en octobre-novembre, dans le Figaro.