Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
W

Witz (Konrad) (suite)

Witz s’exprime par des formes amples, simples et solides. Les figures, en général peu nombreuses, confèrent à chaque panneau une valeur monumentale et une grande lisibilité pédagogique. Sans étude anatomique poussée ni individualisation, elles font sentir leur présence sculpturale, d’une force sommaire, au sein de compositions dont la clarté achève d’élever la narration à un niveau de tension spirituelle et dramatique (César et Antipater, Esther et Assuérus, Bâle). Le coloris de Witz est saturé, souvent fondé sur de forts contrastes (Église et Synagogue) ; dans les extérieurs, les détails sont rendus par des tons plus nuancés, ainsi pour la surface de l’eau ou les jeux de l’ombre et de la lumière dans la Pêche miraculeuse, tableau considéré comme le prototype du paysage dans la peinture germanique.

A. Z.

 J. Gantner, Konrad Witz (Vienne, 1942). / G. Schmidt, Konrad Witz (Königstein im Taunus, 1962).

Wolf (Hugo)

Compositeur autrichien (Windischgrätz [auj. Slovenjgradec, Slovénie] 1860 - Vienne 1903).


Un état pathologique qui se détériore progressivement et conduit Wolf à la folie et à la paralysie générale, une instabilité et une indiscipline qui provoqueront son renvoi du conservatoire de Vienne (1877) et conditionneront toute sa vie, des périodes d’exaltation succédant à des périodes de dépression influenceront ce créateur qui composera peu en quantité et très irrégulièrement.

Il a laissé notamment un quatuor à cordes (1878-1884), le poème symphonique Penthesilea (1883-1885), la Sérénade italienne (1892), l’opéra Der Corregidor (1895) et deux cents lieder environ, écrits, pour la plupart, en quatre années, et qui représentent l’essentiel de son message : cinquante-trois Mörike-Lieder (1888), vingt Eichendorff-Lieder (dont treize en 1888), cinquante et un Goethe-Lieder (1888-89), quarante-quatre Spanische Lieder (1889-90), quarante-six Italienische Lieder, en deux livres (Livre I, 1890-91 ; Livre II, 1896), trois Michelangelo-Lieder (1897).

Wolf considère la poésie comme la source même de la musique. Il accorde la primauté au texte, dont il sait rendre toutes les subtilités. Très rarement, il emploie la forme de la chanson à couplets ; l’immense majorité de ses lieder épouse un développement libre. Leur longueur, déterminée par celle du poème, comporte quelques mesures ou s’étend sur plusieurs pages.

Si Wolf a subi l’influence des idées wagnériennes, il a su conserver son originalité et il n’a jamais imité son aîné. Il transpose dans le lied le principe de la déclamation continue. Sa mélodie se situe entre le récitatif arioso de Wagner et le futur Sprechgesang de Schönberg. Comme l’orchestre chez Wagner, le piano tient chez Wolf un rôle essentiel et se voit confier toute l’expression ; de vastes préludes ou postludes encadrent souvent le texte chanté. À sa manière, le lied wolfien se réclame de la notion wagnérienne d’art total. Les hardiesses rythmiques et harmoniques donnent une saveur personnelle à son style. Parti du chromatisme de Tristan, Wolf aboutit à une liberté et à une mobilité tonales annonciatrices de l’atonalisme.

D’une variété infinie, les lieder de Wolf excellent dans l’expression de sentiments contradictoires et font de son auteur, après Schubert et Schumann, le plus grand représentant de ce genre à la fin du xixe s.

Y. de B.

➙ Lied.

 C. Rostand, Hugo Wolf (Seghers, 1967).

Wolfe (Thomas Clayton)

Écrivain américain (Asheville, Caroline du Nord, 1900 - Baltimore, Maryland, 1938).


Avec sa volonté prométhéenne de « tout dire » et son lyrisme immature, Thomas Wolfe apparaît comme un écrivain américain un peu isolé, caractéristique du romantisme attardé du Sud. Il eut l’ambition de tout décrire de l’Amérique. Il a seulement écrit l’une des plus vastes autobiographies de la littérature. Car, sous le pseudonyme de son héros Eugène Gant, on reconnaît Wolfe lui-même, comme sa ville natale d’Asheville sous Altamont. Ses quatre grands romans n’ont qu’un héros : lui-même ; une seule manière : le monologue lyrique ; et un seul thème : le conflit du héros et de la société. Ses outrances, ses répétitions, son lyrisme naïf et rhétorique peuvent lasser. Mais le romantisme tumultueux des années 60 croit reconnaître en Wolfe un précurseur.

Thomas Wolfe est né dans le Sud, à Asheville. Chez un écrivain aussi autobiographique, plus encore que Proust, il faut connaître la vie pour comprendre l’œuvre à clés : on indiquera ici, entre parenthèses, les noms attribués dans l’œuvre aux personnes réelles. Son père, William Oliver (Old Gant), était tailleur de pierre, idéaliste agité et excentrique. Sa mère, Julia Elizabeth (Eliza), dominait, intelligente mais dure et âpre au gain. Pour subvenir aux besoins, elle fit de sa maison une pension de famille (Dixieland), qui fut le calvaire de l’enfance de Thomas. Il détestait la pension faux foyer, se sentant le domestique des clients. Il souffre tôt d’un complexe d’infériorité, mais se renferme dans une sorte d’incompréhension géniale de romantique déclassé. Il est le benjamin de sa famille, né après ceux qui seront les personnages principaux de l’œuvre : Eiffie (Daisie Gant), Frank (Steve), Mabel (Helen), Fred (Luke) et les deux jumeaux Grover et Benjamin, dont il garde les noms dans l’œuvre. Le nom de la famille Gant est celui d’une station de chemin de fer de Caroline du Sud. À l’école, ses maîtres, les Roberts (Leonard), prévoient son génie littéraire précoce, mais le mettent en garde contre sa prolixité. En 1916, il entre à l’université de Caroline du Nord, où il apprend le latin, le grec, l’anglais et les mathématiques. Il commence à écrire, publie des vers dans le journal de l’université, s’éprend de Clara Paul (Laura James) et, sous l’influence des professeurs Edwin Greenlaw (Randolph Ware) et Horace Williams (Vergil Weldon), écrit plusieurs courtes pièces de théâtre, jouées à l’université.