Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
W

Wilson (Harold) (suite)

Après être passé par l’école communale et le lycée, il obtient une bourse pour Oxford, où il étudie la science politique et l’économie. Il décroche les meilleures notes et se fait remarquer par W. H. Beveridge (1879-1963), qui l’engage dans son équipe de recherches sur les problèmes du chômage. En même temps, il est chargé de cours à l’université d’Oxford. Car ce « méritocrate » ambitieux — son but est déjà clairement défini : le pouvoir — est un bûcheur. Tout naturellement, ses sympathies le poussent vers le travaillisme, mais sous la forme d’un socialisme graduel et libéral : il n’a rien d’un rouge, se méfie des révolutionnaires et même se vante de n’avoir pas lu le Capital « au-delà de la page deux ». Pendant la Seconde Guerre mondiale, il est appelé à servir comme expert dans la haute administration à Londres et, à la fin des hostilités, il occupe le poste de directeur du bureau des statistiques au ministère de l’Énergie.

C’est alors que commence sa carrière politique : élu député de Ormskirk en 1945, il représente à partir de 1950 une autre circonscription du Lancashire, Huyton, qui l’a constamment réélu. Tout de suite attaché au cabinet du ministre des Travaux publics, il connaît une promotion spectaculaire puisqu’il est nommé à trente et un ans, à l’automne de 1947, ministre du Commerce et de l’Industrie (président du Board of Trade), poste qu’il conserve pendant quatre ans et où il fait son apprentissage gouvernemental, mais dont il démissionne par un coup d’éclat en avril 1951 en se solidarisant avec la rébellion d’Aneurin Bevan (1897-1960).

Ce geste lui vaut les faveurs de l’aile gauche du parti, mais au bout de peu de temps il se sépare des bevanistes et regagne une position plus centriste. Néanmoins, au cours des années 1950, il continue de se ménager de nombreuses sympathies à gauche en prenant position en faveur du désarmement nucléaire et contre l’abandon du programme de nationalisations : appui qui, malgré l’échec de 1960, se révèle un atout décisif pour succéder en 1963 à la tête du parti à Hugh Gaitskell (1906-1963), emporté par la maladie.

Alors qu’il n’est que le leader de l’opposition, son talent de tacticien est déjà manifeste (on a dit de lui qu’il « pratique une politique de droite avec un langage de gauche »). Il y ajoute des dons remarquables de debater, l’art des formules qui font mouche et une maîtrise étonnante à la télévision, arme qu’il sait habilement utiliser à son profit. De plus, il réussit à insuffler confiance à son parti, jusque-là découragé par treize années dans l’opposition et ravagé par des querelles intestines. Il propose en effet un nouvel objectif qui refait l’unité du « labour » : « la révolution scientifique », c’est-à-dire la modernisation et la démocratisation du pays, en faisant appel aux ressources du savoir et de la technique et en se lançant dans une politique de croissance économique et de justice sociale. Grâce à l’élan ainsi créé, grâce également à l’affaiblissement des conservateurs, les travaillistes obtiennent la majorité aux élections d’octobre 1964, et Wilson est nommé Premier ministre. Sans doute ne dispose-t-il que d’une majorité très mince, mais il sort victorieux des nouvelles élections qu’il provoque en mars 1966, avec cette fois une marge confortable de sièges à la Chambre des communes.

À vrai dire, l’expérience du pouvoir d’octobre 1964 à juin 1970 apparaît singulièrement décevante par rapport aux ambitions travaillistes et aux objectifs de Wilson. Sur le plan économique, la priorité a beau être donnée à la croissance, les obstacles s’amoncellent : l’équilibre de la balance des paiements n’est pas rétablie avant 1969, et, après avoir décidé de défendre la livre sterling coûte que coûte, il faut se résigner à la dévaluer en novembre 1967 : coup sensible porté au prestige du gouvernement, qui par ailleurs ne parvient point à faire faire des progrès notables au taux de croissance de l’économie nationale.

Sur le plan extérieur, la politique de décolonisation est poursuivie, par exemple en Guyane et à l’île Maurice, mais elle rencontre de graves difficultés à Aden et surtout en Rhodésie, où les colons blancs font sécession en 1965 et proclament leur indépendance contre les autorités de Londres ; la Grande-Bretagne doit renoncer d’autre part à la plupart de ses positions stratégiques lointaines et s’appuie de plus en plus sur l’alliance américaine, tandis que la demande d’adhésion à la Communauté économique européenne, reprise par H. Wilson à son propre compte, se heurte en 1967 au veto français.

Sur le plan intérieur, quelques points du programme travailliste font l’objet de mesures effectives (nationalisation de l’acier, législation sur le logement, lutte contre la discrimination raciale), mais l’écart avec les promesses prodiguées est si grand et les replis tactiques du Premier ministre sont si nombreux qu’ils provoquent une opposition de plus en plus vive de la gauche travailliste (qui taxe H. Wilson d’opportunisme), en même temps qu’une désaffection profonde dans l’opinion.

À partir de 1969 s’ajoutent de nouveaux déboires : d’abord les événements sanglants d’Irlande du Nord, puis l’échec de la tentative de Harold Wilson et de Barbara Castle pour réglementer les relations industrielles en limitant les grèves « non officielles » ; devant la levée de boucliers qui se manifeste dans le monde syndical, le gouvernement doit reculer piteusement en retirant le projet.

Aux élections de juin 1970, contrairement aux espoirs du Premier ministre, qui se montre très sûr de lui tout au long de la campagne, les travaillistes sont battus, et Wilson redevient leader de l’opposition. En dépit des critiques dont il est l’objet au sein du parti, il parvient à maintenir une position d’équilibre entre la gauche et la droite, et, à la suite des élections de février 1974, il est de nouveau nommé Premier ministre. Mais il ne peut former qu’un fragile gouvernement de minorité. Harold Wilson s’attache tout d’abord, non sans succès, à apaiser les conflits sociaux ; parallèlement, il s’engage dans une renégociation des conditions d’adhésion de la Grande-Bretagne au Marché commun. Cependant il doit procéder à de nouvelles élections à l’automne de 1974. Celles-ci ne donnent au parti travailliste qu’une faible majorité, mais permettent à Wilson de rester à la tête du gouvernement jusqu’en mars 1976, date de sa démission brutale et inattendue.

F. B.

➙ Grande-Bretagne / Travailliste (parti).