Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Aztèques (suite)

Tous les enfants, quelle que fût leur origine, recevaient une éducation relevant d’un des deux systèmes en vigueur : pour les enfants du peuple, les telpochcalli, collèges de préparation à la vie pratique et à la guerre ; pour ceux de l’aristocratie, mais aussi pour ceux des négociants et pour les enfants « plébéiens » que l’on destinait à la prêtrise, les calmecac, monastères-collèges qui dépendaient des temples. Dans ces derniers, on enseignait l’histoire traditionnelle, la religion et les rites, l’écriture pictographique, la lecture des livres sacrés, la musique et le chant. Il existait d’ailleurs des écoles de chant ouvertes aux jeunes gens de la classe populaire.

Reliée à la classe dirigeante par de multiples liens familiaux, mais distincte d’elle, influente à coup sûr dans les affaires publiques mais non mêlée directement à la gestion de l’État, la classe sacerdotale était nombreuse et respectée. À la tête de la hiérarchie se trouvaient les deux grands-prêtres égaux appelés Serpents à plumes, assistés d’un « vicaire général », lui-même entouré de deux coadjuteurs. Groupés en collèges au service de telle ou telle divinité, ou répartis dans les quartiers comme simples desservants, les prêtres avaient à leur charge non seulement le culte, mais l’éducation supérieure et les hôpitaux destinés aux pauvres et aux malades. Le clergé disposait d’immenses richesses en terres et en marchandises de toute sorte, qu’administrait un trésorier général.

La vie des Aztèques était dominée par la religion, que caractérisaient un panthéon foisonnant, une riche mythologie, un rituel complexe fertile en épisodes dramatiques et sanglants mais aussi en cérémonies grandioses et en émouvante poésie. La civilisation aztèque avait réalisé la synthèse des divinités astrales des tribus nordiques (Huitzilopochtli, Tezcatlipoca), des dieux agraires adorés par les anciennes populations sédentaires (Tlaloc, Chalchiuhtlicue, etc.), des dieux étrangers tels que Xipe Totec (Oaxaca) ou Tlazolteotl (déesse de l’Amour chez les Huaxtèques).

Les sacrifices humains, très fréquents, correspondaient à deux conceptions distinctes. Tantôt le sang et le cœur des victimes étaient offerts aux dieux, plus particulièrement au Soleil, afin d’assurer la marche régulière de l’univers ; tantôt les victimes incarnaient le dieu et mimaient son drame mythique, jusqu’au moment où leur sacrifice transférait leur force vitale à la divinité représentée. Les sacrifiés, de même que les guerriers tombés au combat et les femmes mortes en couches étaient promis à une éternité bienheureuse, tandis que les morts ordinaires, pensait-on, devaient subir quatre années d’épreuves dans le royaume souterrain de Mictlantecuhtli (le Pluton aztèque) avant de disparaître dans le néant. Mais les morts que Tlaloc avait « distingués » en les appelant à lui (par noyade, hydropisie, affections pulmonaires, etc.) devaient jouir dans l’au-delà d’une vie paisible dans l’abondance du paradis (Tlalocan).

Enfin l’existence de chacun était régie par le tonalpoualli, le « compte des destins », système extrêmement complexe de divination fondé sur un calendrier rituel de 260 jours divisé en 20 séries de treize. Chacun de ces jours était désigné par un chiffre et un signe — « 1, crocodile », « 2, vent », « 3, maison », etc. —, que les prêtres spécialisés, les « compteurs de destins », interprétaient à l’occasion des naissances, mariages, départs en voyage, expéditions militaires.

Quelques divinités du panthéon aztèque

Chalchiuhtlicue, « celle qui a une jupe de pierres vertes », déesse de l’Eau douce, compagne de Tlaloc.

Cihuateteo, « femmes-déesses », femmes mortes en couches et divinisées ; elles prennent au zénith le relais des guerriers morts au sacrifice pour accompagner le Soleil dans son voyage.

Coatlicue, « celle qui a une jupe de serpents », vieille déesse de la Terre, qui enfanta miraculeusement le dieu des Mexica, Huitzilopochtli.

Coyolxauhqui, « celle qui est parée de grelots », sœur aînée de Huitzilopochtli, tuée par lui, ainsi que ses frères, les 400 étoiles au Sud, au moment de sa venue au monde. Elle symbolise les ténèbres, vaincues par le jeune Soleil triomphant.

Eecatl, Quetzalcóatl sous sa forme de dieu du Vent. Représenté avec un masque en forme de bec de canard, ou sous la forme d’un singe soufflant.

Huitzilopochtli, « le colibri de gauche », jeune dieu de la tribu aztèque, qu’il avait guidée dans sa migration. Il symbolise le Soleil triomphant, au zénith.

Mayahuel, déesse du Maguey, qui avait été la plante nourricière des Aztèques au temps de leur migration. Elle est généralement représentée comme plurimammaire.

Mictlantecuhtli, le « Seigneur du lieu des morts », dieu des Enfers, représenté sous la forme d’un cadavre décharné.

Nanauatzin, petit dieu pustuleux ou syphilitique, autre forme de Quetzalcóatl. À l’origine des temps, il s’était sacrifié en se jetant dans un brasier allumé à Teotihuacán, pour faire naître le Soleil.

Ometecuhtli et Omecihuatl, « le Seigneur et la Dame de la dualité ». D’après certaines sources, c’est le couple primordial qui aurait enfanté tous les autres dieux et les humanités. Leur culte semble être tombé en désuétude chez les Aztèques, et n’être resté vivant que chez certains rameaux nahuas émigrés dès le xiie s., comme les Pipils du Guatemala.

Quetzalcóatl, « serpent-plumes précieuses ». Sans doute la figure dominante du panthéon aztèque. Inventeur des arts, des techniques et de la pensée philosophique.

Tezcatlipoca, « miroir qui fume », dieu du Nord, du Ciel nocturne et de la Guerre, patron des jeunes guerriers. Vainqueur de Quetzalcóatl par ses sortilèges.

Tlaloc, vieux dieu de la Pluie, l’un des plus importants du panthéon, honoré dans tout le Mexique. Caractérisé par ses yeux entourés de serpents formant comme des lunettes et par sa bouche ornée de crocs, comme les autres dieux de la Pluie des peuples voisins ou antérieurs : le Cocijo des Zapotèques, le Chac des Mayas, etc.

Tlazolteotl, « déesse de l’Immondice », déesse de l’Enfantement et de l’Amour charnel, des Bains lustraux. Originaire sans doute de la Huaxteca, région connue pour sa « frivolité », elle avait le pouvoir d’effacer, par la confession, les offenses à la morale sexuelle.

Toci, « notre aïeule », nommée aussi Teteo innan, « la mère des dieux ». C’est son culte qui était célébré sur la colline où devait apparaître la Vierge de Guadalupe, faisant de celle-ci, par un phénomène de syncrétisme, une Vierge pleinement nationale.

Tonatiuh, le Soleil, représenté au centre du célèbre monument « la Piedra del sol », tirant la langue pour réclamer sa nourriture, le sang humain.

Xipe Totec, « notre Seigneur l’écorché », dieu peut-être originaire de l’actuel État du Guerrero. Il représente le Renouveau de la végétation. Les prêtres se revêtaient en son honneur de la peau des sacrifiés, qui, en jaunissant, évoquait une feuille d’or : il est aussi le dieu des orfèvres.

Xiuhtecuhtli, « le Seigneur du feu », également nommé Huehueteotl, « le vieux dieu ». Vieux dieu du Feu et des puissances volcaniques, représenté généralement comme un vieillard ridé dont la tête supporte un brasero.

Xolotl, autre forme de Quetzalcóatl. Lors du sacrifice qu’avaient décidé tous les dieux à Teotihuacán pour faire vivre le Soleil, il fut le seul à s’enfuir et à tenter de se cacher. Il devint le dieu des Monstres, et de tout ce qui est double : double épi de maïs, double maguey, jumeaux...

M. S.-A.