Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Westphalie (royaume de) (suite)

S’il est faux, historiquement, de parler de la constitution d’un « parti allemand » et d’un « parti français », il n’en reste pas moins que l’introduction de ces pays dans le moule napoléonien ne s’opéra pas sans quelques grincements. Durant la campagne d’Autriche (1809), une insurrection éclata dans plusieurs villages proches de la capitale, sous le baron Wilhelm von Dörnberg (1768-1850) ; puis le major Ferdinand von Schill (1776-1809) tenta, contre Magdeburg, en ralliant quelques centaines de soldats westphaliens, une équipée malheureuse. Napoléon exigea une punition exemplaire : vingt-cinq officiers et soldats rebelles furent exécutés. Incidents violents, localisés, brefs. Il ne convient pas non plus d’exagérer le sens de la fermeture des universités de Rinteln et de Helmstedt : les « grandes », Marburg, Göttingen, Halle, ne furent pas touchées.

Le problème essentiel n’était pas celui de l’obéissance des sujets, mais celui de la capacité du souverain à remplir le beau programme de 1807. Napoléon faisait surveiller son frère par Jollivet et par son ambassadeur Karl Friedrich Reinhard (1761-1837), dont les Mémoires apportent un éclairage assez cru. Il stimulait directement le roi, le bousculant souvent : « Votre trésor et votre administration, lui écrivait-il le 11 février 1809, vont fort mal. C’est une suite des mesures que vous avez prises et du luxe qui règne chez vous. » « L’inexpérience [...], des passions trop ardentes et un penchant irrésistible à la prodigalité » caractérisaient, il est vrai, le comportement de Jérôme, que les maîtresses, dont la comtesse de Löwenstein, distrayaient trop souvent.


La « protection » de l’Empereur

Mais Napoléon se montrait un protecteur trop exigeant. Il avait retenu ou revendiqué un lot de créances sur le royaume, héritées du passé, c’est-à-dire de ses prédécesseurs, ou de la conquête, et Bülow ne réussit un moment (1810) à équilibrer le budget présenté aux deuxièmes états qu’en en écartant les dépenses extraordinaires. Les dépenses militaires pesaient lourdement. L’armée westphalienne devait atteindre le niveau de 25 000 hommes. En fait, elle oscilla entre 10 000 et 16 000 hommes, conscrits et engagés volontaires, compte non tenu de la garnison française de Magdeburg, à la charge du trésor royal. Cette armée sous commandement allemand, où naît un patriotisme westphalien, Napoléon la mit à rude épreuve : il engagea en Espagne toute une division qui, forte de 5 800 hommes au départ, n’en comptait guère plus de 1 400 en 1810. Le contingent de 16 000 soldats reconstitué et fourni pour la campagne de Russie devait y fondre presque entièrement, après y avoir fait bonne figure, comme l’attestent les 81 Légions d’honneur accordées. Autre exigence : Napoléon reprochait vivement à son frère une application molle du Blocus continental ; il était question, en octobre 1809, « de plus de trois cents voitures de marchandises anglaises escortées... par des gendarmes westphaliens et des paysans armés » et qui franchissaient la ligne des douanes.

Jérôme, de son côté, ressassait ses plaintes. « La Westphalie ne peut exister sans la France, mais aussi la Westphalie peut être d’une très grande utilité au système politique de Votre Majesté » (19 juill. 1809). Par conséquent l’Empereur devrait tempérer ses exigences et donner à la Westphalie de nouveaux moyens, en particulier en l’agrandissant. Effectivement, la cession du Hanovre accroît la population et surtout accorde une zone maritime importante entre l’Elbe et la Weser. Le traité du 14 janvier 1810 place ainsi le royaume en tête de tous les États de la Confédération du Rhin. Jérôme, quittant Kassel et la résidence de Napoleonshöhe, inspecte la côte, célèbre la fête de l’Empereur, ensuite, à Hanovre. Mais, dès octobre, Napoléon se ravise : ne s’en rapportant qu’à lui-même pour faire appliquer le Blocus continental, il annexe pratiquement à l’Empire non seulement la Hollande, mais encore les embouchures des fleuves allemands (13 déc.), et du coup il ramène la Westphalie à son état de royaume purement continental. La déception éprouvée n’encourageait évidemment pas Jérôme à changer de conduite, à faire une politique d’austérité, à moins de se retrancher dans un petit cercle.

En septembre 1813, il tentera de défendre Kassel, qui est occupée par le général Tchernychev le 30, se repliera sur Wetzlar, reviendra dans sa capitale, l’abandonnera définitivement le 26 octobre. C’est la date de la mort du royaume de Westphalie, après une courte vie de six années. On a trop vite dit qu’il s’agissait d’une création purement artificielle, plaquée et non enracinée. Si l’historiographie allemande en a longtemps omis l’examen, c’est peut-être parce que, en réalité, l’entreprise avait eu des chances de réussite, en dépit de la tutelle napoléonienne et du despotisme indispensables au premier stade de la « régénération ». H. O. Sieburg estime, en 1970, que la faiblesse principale de la construction westphalienne a été l’abus de la conscription...

F. L.

➙ Allemagne / Confédération du Rhin.

 A. Kleinschmidt, Geschichte des Königreichs Westfalen (Berlin, 1893).

Weygand (Maxime)

Général français (Bruxelles 1867 - Paris 1965).


On ne peut retracer la vie du général Weygand, dont le destin exceptionnel épousera durant trois quarts de siècle celui de l’armée française, sans évoquer le problème de sa filiation. Si, comme l’écrit son fils, Jacques Weygand, beaucoup des hypothèses avancées « gravitent autour de la cour de Bruxelles », aucune ne peut être retenue avec certitude, et dans une note laissée à ses enfants le général déclare : « La question de ma naissance, sur laquelle je n’ai jamais fait de confidences à personne, reste un mystère pour moi. » Cette blessure d’un enfant qui n’a pas connu de mère demeurera toujours présente aux moments les plus graves de son existence.