Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
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Weimar (république de) (suite)

« La Constitution de Weimar ne se contente pas de sauver l’unité allemande, elle la consacre, la renforce, l’affermit. [...] Il fallait trouver un compromis entre l’énergie unitariste de l’Assemblée et la poussée fédéraliste des Länder et de certains partis. Nous avons résolu la question de manière à mettre fin à la controverse doctrinale entre État unitaire et État fédéral. »

La Constitution, qui sera promulguée le 11 août 1919, est votée le 31 juillet par 262 voix contre 75. Ont voté contre les nationaux-allemands, les populistes et le parti paysan bavarois.


Le traité de Versailles

L’autre problème que connaît l’Assemblée est le traité de paix. Les Alliés ont discuté entre eux, sans convoquer les Allemands. On veut, d’un côté, diminuer la puissance économique du Reich, et, de l’autre, éviter son intégration au système soviétique. En outre, chaque pays a ses propres conceptions. La France souhaite morceler le Reich, lui faire payer de fortes réparations et même lui enlever une partie de la rive gauche du Rhin. La Grande-Bretagne entend maintenir l’équilibre européen, mais réduire la puissance économique de l’Allemagne. Le 7 mai 1919, on remet aux délégués allemands les conditions de paix élaborées par les Alliés. Elles sont fort dures : l’Alsace-Lorraine est rendue à la France, Eupen et Malmédy sont données à la Belgique, la Sarre est placée pour quinze ans sous le contrôle de la Société des Nations et la rive gauche du Rhin sera occupée pendant quinze ans ; à l’est, la Pologne restaurée reçoit la Posnanie et la Prusse-Occidentale, et, par le corridor qu’on lui accorde, sépare la Prusse-Orientale du reste de l’Allemagne. La Haute-Silésie est soumise à référendum comme le Schleswig et les districts de Marienwerder (auj. Kwidzyń) et d’Allenstein (auj. Olsztyn) en Prusse-Orientale. La ville de Dantzig (auj. Gdańsk*), enfin, est dotée d’un statut international sous mandat de la S. D. N., et le territoire de Memel (auj. Klaïpeda) placé sous l’administration des Alliés. L’Allemagne perd ses colonies au profit de la France et de la Grande-Bretagne ; ses troupes sont réduites à 100 000 hommes, et elle n’a plus le droit d’avoir un état-major général, des troupes blindées, des sous-marins et des avions, et d’utiliser les armes chimiques. Enfin, considérée comme responsable de la guerre, elle doit payer des réparations, dont une commission décidera du montant.

Ce traité est extrêmement dur et exacerbe très vite le sentiment nationaliste, d’autant plus que se répand l’idée du « coup de poignard dans le dos » (die Dolchstosslegende) : c’est l’arrière qui a trahi et qui a conduit l’armée à la défaite, théorie que défendront avec succès et non sans une certaine efficacité les militaires et les partis nationalistes.

Le traité de Versailles, ce Diktat comme disent les Allemands, est en définitive trop dur et est ressenti comme un scandale par tous les Allemands. Aussi, quand il s’agira d’éviter une clause du traité, tous seront complices. En fait, le traité sera pendant vingt ans le facteur essentiel de l’idéologie nationaliste.

Il est ratifié non sans difficulté par l’assemblée de Weimar, le 22 juin par 237 voix contre 138 et signé le 28 juin. Le Reich sort alors d’une longue crise, épuisé mais intact. Son unité est même renforcée, et les tentatives autonomistes bavaroises et surtout rhénanes, inspirées par Adam Dorten et Konrad Adenauer*, échouent, car elles se heurtent à l’hostilité des ouvriers et à celle des partis du centre. La paix signée et la Constitution adoptée, la république de Weimar commence réellement son histoire.

L’instauration des nouvelles institutions ne met pas un terme aux troubles de la jeune république allemande. L’agitation politique et sociale va persister longtemps encore, compliquée par une grave crise économique et financière. Il est vrai que la république de Weimar est fortement marquée par la double opposition qui la cerne à gauche et à droite. À l’extrême gauche, les communistes acquièrent une influence grandissante. Dès 1920, aux élections pour le premier Reichstag (6 juin), les socialistes indépendants (qui adhéreront à l’Internationale dès octobre suivant) et les communistes groupent presque autant de voix que le SPD : 5 600 000 et 88 sièges contre 6 100 000 et 102 sièges. À droite, l’opposition au régime n’est pas moins vive. Le corps des officiers, issu dans sa grande majorité de l’ancienne armée impériale, ne cache pas son hostilité à la république.

Les junkers demeurent, bien entendu, fidèles à la monarchie, dont ils ont été longtemps le soutien. De plus, ils craignent une réforme agraire et sont liés familialement soit aux officiers, soit aux cadres supérieurs de la fonction publique. Celle-ci reste aussi attachée à l’Empire que les militaires. C’est le cas non seulement de la fonction publique traditionnelle, mais aussi de l’université.

Quant à la magistrature, elle montre bien son état d’esprit en acquittant ou en condamnant à des peines légères les militants d’extrême droite, tandis qu’elle se montre sévère pour les militants d’extrême gauche. Des « putschistes », comme Kapp ou Hitler, ne connaîtront pas de grandes rigueurs.

Les milieux industriels, enfin, demeurent hostiles au régime. Aussi ne faut-il pas s’étonner des résultats des élections de 1920. Les trois partis de droite groupent 33 p. 100 des suffrages, et l’extrême gauche groupe 20 p. 100 ; les partisans de la démocratique république de Weimar ne rassemblent que 47 p. 100, et l’on peut douter du républicanisme profond de certains électeurs du Centre... et peut-être même du SPD.


Le temps des crises

Or, l’Allemagne connaît une situation économique, financière et sociale très difficile. La guerre a ruiné le Reich, qui doit encore payer des réparations. L’inflation est générale en Europe dans les années 20, mais plus grave en Allemagne qu’ailleurs. Dès 1918, la monnaie accuse une baisse de 40 p. 100 de sa valeur-or. La dette globale est passée de 32 à 185 milliards de mark. La hausse des prix qui avait été contenue par la dictature militaire se développe, l’armistice signé, dans la mesure où l’inorganisation de l’État empêche tout contrôle. En outre, la mauvaise gestion des premiers mois de la république de Weimar entraîne la fuite des capitaux et une circulation fiduciaire multipliée par trois : 27 milliards de billets en circulation en novembre 1918, 80 milliards en janvier 1920. Aussi la monnaie allemande est-elle constamment dépréciée. À la fin de 1920, le mark ne vaut plus que 10 p. 100 de sa parité-or. Cette crise du mark est d’abord d’origine intérieure, mais, bien évidemment, le paiement des réparations au cours de 1920 et de 1921 (5 milliards de francs-or en deux ans) aggrave considérablement la situation. Aussi assiste-t-on dans le courant de 1922 à un effondrement du mark. Le dollar vaut 450 mark en juillet 1922, 2 400 mark en août et 8 000 mark en décembre. Le mark-or suit la même évolution : de 46 mark-papier en janvier 1922, il monte à 4 280 mark en janvier 1923.