Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vosges. 88 (suite)

Le tourisme est une ressource importante. Gérardmer peut s’enorgueillir de posséder le plus ancien syndicat d’initiative de France, fondé en 1874. Le département compte près de 6 000 chambres d’hôtels avec plus d’un million de nuitées, dont 12 p. 100 à mettre au compte des étrangers. Les stations touristiques sont nombreuses : Gérardmer, Saint-Dié, La Bresse, Bussang, Longemer, Corcieux, Bruyères, etc. La route des crêtes permet au touriste d’avoir une vue panoramique sur le massif vosgien et la plaine d’Alsace. Les cols sont relativement élevés, accentuant l’aspect montagneux des hautes surfaces (col de Bussang 731 m, mais col de la Schlucht 1 139 m). Les villes d’eaux s’ajoutent aux points d’attraction touristiques. Contrexéville, Vittel, Plombières-les-Bains et Bains-les-Bains sont des stations thermales fréquentées sans doute depuis l’époque romaine. D’une manière générale, cependant, le potentiel touristique est encore insuffisamment exploité. La plus grande ville touristique, administrative et industrielle est Épinal (42 810 hab.). Sur 516 communes, environ 400 comptent moins de 500 habitants et une quinzaine seulement plus de 5 000 habitants : c’est montrer le caractère dispersé des principales activités. De 389 000 habitants en 1836, la population s’est élevée à 433 000 en 1911, mais est encore au-dessous de 400 000 en 1975. Ces chiffres expriment en raccourci l’évolution industrielle du département.

F. R.

➙ Lorraine.

Vouet (Simon)

Peintre français (Paris 1590 - id. 1649).


Vouet a exercé une influence considérable sur la peinture française de son temps, qu’il orienta sur les traces du Caravage* en lui faisant dépasser la tradition maniériste. Très célèbre en Italie, où il vécut longtemps, il en rapporta un style nouveau, qu’il transmit aux artistes de la génération de Le Brun*, dont il fut le maître. On a fait autrefois de lui le seul responsable de l’introduction de l’italianisme en France ; l’étude récente des écoles régionales du xviie s. montre qu’on avait exagéré son rôle ; cependant, son retour de Rome eut une importance plus que symbolique.

Fils de Laurent Vouet, « maître-peintre », Simon eut un talent précoce. À quinze ans, il serait allé en Angleterre faire le portrait d’une dame « fort considérable par la naissance ». Vrai ou faux, cet épisode lui attribue déjà des aptitudes au portrait. Son propre visage nous est connu par de remarquables autoportraits, dont ceux des musées d’Arles (v. 1620) et de Lyon (1627 ou 1628). La carrière officielle de Vouet commença par un voyage à Constantinople, dans la suite de l’ambassadeur de France, en 1611 et en 1612. Vouet y réussit l’exploit de portraiturer le Sultan de mémoire après une audience, malgré l’interdiction formelle. Il passa ensuite un an à Venise, où il travailla beaucoup, étudiant surtout le Véronèse*. Il s’installa enfin à Rome, où les registres de sa paroisse font état de sa présence en 1615. Pensionné par le roi de France, il était en relations avec plusieurs mécènes romains, parmi lesquels le célèbre Cassiano Dal Pozzo (1589 ou 1590-1657), protecteur du Valentin*, puis de Poussin*. Il passa les années 1620 et 1621 à Gênes, où le réclamaient les Doria. Il y fut très impressionné par la Circoncision de Rubens*. Son David, que conserve le Palazzo Bianco, se situe, lui, très nettement dans la suite du Caravage — comme toute une partie de la peinture génoise de l’époque.

Au début des années romaines se pose le problème controversé des influences réciproques du Valentin et de Vouet. Des tableaux comme l’Autoportrait de Vouet (Arles) et le Tricheur du Valentin montrent en tout cas la parenté de leurs manières à ce moment. D’autres influences sont reconnaissables sur les œuvres de la période romaine : celle de Bartolomeo Manfredi (la Diseuse de bonne aventure de la Galerie nationale d’Ottawa), celle de Giovanni Lanfranco (la Psyché du musée des Beaux-Arts de Lyon) et celle des peintres bolonais (v. académisme), que soutenait à Rome leur concitoyen le pape Grégoire XV. La position de Vouet à Rome était brillante ; il y fut appelé à la fonction de « prince », c’est-à-dire directeur, de l’académie de Saint-Luc, qu’il assuma avec diligence. La commande la plus importante qu’il y ait reçue fut sans conteste celle de l’Adoration de la Croix, retable pour la chapelle des chanoines de la basilique Saint-Pierre, aujourd’hui détruit.

En 1626, ordre fut donné à Vouet de regagner Paris. Il s’arrêta en chemin à Venise, où il peignit une Apothéose de saint Théodore. À Paris, Louis XIII, s’essayant au pastel, le prit comme professeur, et lui demanda de nombreux portraits de courtisans. L’artiste déploya une grande activité dans le domaine de la décoration : Richelieu l’employa au Palais-Cardinal (Palais-Royal) et à Rueil, et le surintendant Bullion à son hôtel parisien ; Vouet décora aussi la volière du château de Wideville, deux galeries et une chapelle à l’hôtel Séguier. De tout cela, il ne reste presque rien. On peut juger du style de la maturité de l’artiste par des tableaux des années 1637-1641, comme le Martyre de saint Eustache (pour l’église du même nom), la Présensation au Temple (Louvre) ou l’Allégorie de la Richesse (ibid.) qui faisait sans doute partie d’une suite perdue. On perçoit dans ces œuvres un amour de la couleur qui doit sans doute beaucoup à Venise, une manière assez théâtrale, des procédés de composition artificiels. De son temps, on reprochait à Vouet de donner à ses têtes « un certain agrément général qui ne veut rien dire ». Pourtant, cette peinture assez facile séduit par la souplesse des lignes et le charme de la lumière.

Une quarantaine d’élèves — parmi lesquels Le Brun*, Le Sueur*, Le Nôtre* — fréquentèrent l’atelier de Vouet, dont le rayonnement fut considérable, même si la gloire de Poussin* lui porta quelque ombrage.

E. P.

 W. Crelly, The Painting of Simon Vouet (New Haven-Londres, 1962).
CATALOGUE D’EXPOSITION : Valentin et les Caravagesques français (Éd. des Musées nationaux, 1974).