Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

vorticisme

Mouvement artistique anglais.


La peinture anglaise conserve au début du xxe s. sa position insulaire : elle ne prend connaissance qu’avec retard des mouvements d’avant-garde qui se développent sur le continent, qu’il s’agisse de l’impressionnisme, accepté vers 1905 seulement, ou des mouvements postérieurs, introduits grâce à l’exposition des Grafton Galleries à Londres, en 1910, et à l’action de critiques comme Roger Fry (1866-1934).

En 1911, le Camden Town Group, réuni autour de l’atelier de Walter Sickert (1860-1942), reflète l’assimilation de ces courants avec une prédilection pour les sujets de Degas et le synthétisme de Gauguin, mais une méconnaissance de Cézanne et du cubisme*. Dans ce contexte, le futurisme* italien va jouer le rôle de catalyseur et engendrer un véritable groupe d’avant-garde. Le poète Marinetti (1876-1944) fait une conférence en 1910 dans son style provocateur habituel, puis de nouveau en 1911 et en 1913. Severini expose en 1911 à la galerie Marlborough, et, en 1912, l’ensemble des peintres futuristes sont montrés à la galerie Sackville. Une réaction immédiate se manifeste chez certains artistes : Percy Wyndham Lewis (1884-1957), qui a fait partie du Camden Group, Christopher N. Nevinson (1889-1946), converti au cubisme à Paris en 1911-12, William Roberts (né en 1895), David Bomberg (1890-1957), Edward Wadsworth (1889-1949), le Français émigré Henri Gaudier-Brzeska (1891-1915), le sculpteur Jacob Epstein (1880-1959).

Le Rebel Art Center regroupe la plupart de ces noms ainsi que les poètes Thomas Ernest Hulme (1883-1917) et Ezra Pound*. En juin 1914 paraît dans l’Observer, à l’instigation de Marinetti, le manifeste du futurisme anglais, intitulé Vital English Art. Il est repris le mois suivant, à Florence, dans la revue Lacerba. Mais la direction de Marinetti est immédiatement récusée, et peu de temps après paraît le premier fascicule de la revue Blast, dirigée par P. W. Lewis. Il s’agit, cette fois, de se démarquer du futurisme italien, stigmatisé comme dernier avatar de l’impressionnisme, comme trop soumis aux aspects du monde visible, comme « sentimentalisant » la machine et y cherchant des prétextes d’évasion. L’esprit anglais et nordique est exalté. Mais surtout l’accent est mis sur la volonté de modernisme et l’expression du dynamisme vital, concrétisé dans l’image du vortex. Ezra Pound est à l’origine du choix poétique de ce terme, évoquant un mouvement rapide et tourbillonnaire.

Le vorticisme n’a eu qu’une seule exposition de groupe, à la Doré Gallery en 1915. Il n’a pas suscité d’œuvres de première importance, car aucun des artistes n’avait la personnalité d’un Duchamp, d’un Léger ou d’un Boccioni. Mais, grâce à quelques-unes de leurs compositions, la peinture anglaise abordait les domaines de la non-figuration. Ces débuts prometteurs ne devaient pas avoir de suite, et les protagonistes du mouvement allaient suivre des voies divergentes et contradictoires.

Les activités de Lewis se dispersent : il est non seulement peintre et dessinateur, mais aussi romancier (Tarr, 1918) et critique très actif. Sa production change radicalement au début des années 20 : aux toiles abstraites (Révolution, 1917) succèdent des œuvres figuratives qui ne se souviennent du cubisme que par une certaine stylisation des formes (Portrait d’Edith Sitwell). Nevinson a été avec Marinetti le corédacteur du manifeste Vital English Art. Dans ses sujets de guerre du début, il est très proche des futuristes, mais revient ensuite à une figuration traditionnelle. Bomberg évolue vers l’expressionnisme. L’influence de Léger* se mêle à celle des futuristes, surtout chez Roberts et Wadsworth. En sculpture, celle des arts africains et océaniens ainsi que celle du cubisme dominent dans le Rock Drill (1913) d’Epstein et chez Gaudier-Brzeska, artiste doué, mort au front à vingt-quatre ans.

Le vorticisme ne devait pas survivre à la guerre malgré une tentative de Lewis en 1920 pour le relancer. Il a représenté, malgré son existence éphémère, un moment d’intense assimilation des courants contemporains ainsi qu’une occasion de contacts fructueux entre les peintres et les poètes. T. S. Eliot* publie des poèmes dans le second (et dernier) numéro de Blast. En 1921, à Paris, Ezra Pound fait connaître James Joyce* à Lewis et à Eliot.

M. E.

 E. Pound, Gaudier-Brzeska : a Memoir (Londres et New York, 1916 ; nouv. éd., 1939). / H. Brodzky (sous la dir. de), Henri Gaudier-Brzeska (Londres, 1933). / C. H. Read, The Art of Wyndham Lewis (Londres, 1951). / W. H. Pritchard, Wyndham Lewis (New York, 1968). / E. Crispolti, Correnti contemporanei della pittura inglese (Milan, 1970).

Vos (de)

Nom porté aux xvie et xviie s. par plusieurs peintres flamands, dont les principaux sont Marten, les frères Cornelis et Paul ainsi que Simon, élève de Cornelis, mais dont on ignore s’il lui est apparenté.



Marten de Vos

(Anvers 1532 - id. 1603.) Fils d’un peintre d’origine néerlandaise, il est l’élève de Frans Floris* de Vriendt. En 1558, il rentre à Anvers*, après un long séjour en Italie, où il a travaillé dans l’atelier du Tintoret*. Son œuvre est abondante : il a pratiqué tous les genres et fourni quantité de dessins aux graveurs, tant pour des estampes indépendantes que pour l’illustration de livres, souvent imprimés par Christophe Plantin.

Marten est de ces Flamands qui, éblouis par les grands peintres de la Renaissance italienne, perdront à peu près toute leur originalité dans l’aventure. Recherchant un style héroïque, il aboutit à l’emphase. Il abandonne peu à peu les harmonies de couleurs vénitiennes ; sa palette devient plus froide et soutient bien faiblement l’esprit souvent tourmenté de ses compositions. Malgré une certaine raideur, ses portraits, par contre, révèlent de solides qualités. Artiste de transition, Marten fait partie de cette génération de maniéristes* « romanistes » qui prépare le triomphe du baroque.