Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Volta (Alessandro, comte) (suite)

En 1779, il est nommé professeur à l’université de Pavie, qu’il ne va plus quitter et où son renom attire nombre de disciples. Puis, de 1780 à 1782, il va, en compagnie du chirurgien Antonio Scarpa (1752-1832), visiter les capitales de l’Allemagne, de la Hollande, de la Grande-Bretagne et de la France, pour se mettre en rapport avec des savants tels que Georg Christoph Lichtenberg, Martinus Van Marum, Priestley, Laplace et Lavoisier.

Il collabore avec ces deux derniers dans une étude de l’électricité atmosphérique.

Devenu célèbre, il revient à Paris en 1801, sur l’invitation du Premier consul, pour répéter ses expériences sur la pile et le courant électrique, devant une commission de l’Institut. Bonaparte le pensionne et le comble de faveurs et, en 1802, il devient l’un des huit associés étrangers de l’Académie des sciences. En 1810, Napoléon l’élève à la dignité de sénateur du royaume de Lombardie et lui octroie le titre de comte.

Mais, en 1819, Volta, fatigué, quitte Pavie pour se retirer dans sa ville natale et vivre à l’écart du monde savant. Il s’y éteint à l’âge de quatre-vingt-deux ans.


Premières recherches

À l’époque où Volta commence ses travaux personnels, on ne connaît l’électricité que sous forme statique. C’est dans ce domaine qu’il imagine en 1775 l’électrophore, appareil permettant de produire par influence et d’accumuler des charges électriques, puis l’électroscope condensateur.

L’année suivante, ses recherches sur la nature et la composition du gaz des marais (méthane), qu’il recueille lors d’une promenade en barque le long des rives du lac Majeur, lui suggèrent l’idée de l’eudiomètre et du pistolet électrique.

Aux environs de 1780, Volta découvre la relation quantitative qui relie la charge, la capacité et le potentiel dans un conducteur isolé. Simultanément, il entreprend une étude de la métrologie électrique et propose la standardisation des électromètres. Il indique que l’on peut mesurer à l’aide de la balance la force d’attraction qui s’exerce entre deux plateaux métalliques électrisés.


La pile électrique

C’est vers 1792 que Volta commence son étude de la singulière observation, faite par Luigi Galvani (1737-1798), des mouvements engendrés dans les membres d’une grenouille dépouillée par l’interposition d’un arc métallique entre deux parties différentes du tronc. L’école de Bologne, dont Galvani est le chef, soutient que ce phénomène est dû à un fluide d’origine animale. L’école de Pavie, à la tête de laquelle est Volta, ne lui voit pas d’autre cause que l’électricité statique, dont relèvent tous les autres phénomènes connus. Entre les deux écoles italiennes s’engage une longue et mémorable controverse, à laquelle s’intéressent les savants de tous les pays.

Volta remarque que les mouvements convulsifs de la grenouille ne s’obtiennent que grâce à un arc composé de métaux hétérogènes, et il établit en 1793 sa « série des tensions » pour les différents métaux. Il empile des disques de cuivre et de zinc alternés, dont les paires sont séparées par des rondelles de drap imbibées d’eau salée. L’appareil ainsi constitué, semblable à un condensateur qui se rechargerait perpétuellement de lui-même, lui permet d’obtenir, pour la première fois, un courant électrique continu. C’est ainsi qu’au début de 1800 Volta invente la « pile » électrique, ouvrant à la science et à l’industrie, dès les premières années du xixe s., le vaste domaine de l’électrocinétique.

« Cette masse en apparence inerte, cet assemblage bizarre est, quant à la singularité de ses effets, le plus merveilleux instrument que les hommes aient jamais inventé. » Ainsi s’exprimait Arago* en parlant de la pile de Volta.

R. T.

 C. Volpati, Alessandro Volta (Milan, 1927).

Voltaire (François Marie Arouet, dit)

Écrivain français (Paris 1694 - id. 1778).



Une vie de volonté et de passion

La vie et l’œuvre de Voltaire sont inséparables. Chacun de ses ouvrages a été pour lui un combat où il s’est tellement engagé que même les luttes les plus désintéressées — son intervention en faveur de l’amiral Byng, sa défense de Calas — ont paru à ses contemporains des moyens qu’il utilisait pour se mettre personnellement en valeur. Sans méconnaître sa complexité et ses contradictions, on peut le considérer comme l’un des meilleurs représentants de la bourgeoisie riche, entreprenante, qui avait besoin de libertés politiques pour assurer son pouvoir économique en s’appuyant sur les grands. Ainsi s’explique le double aspect qu’il présente : d’une part luttant pour les libertés de pensée, d’expression, de commerce, champion de la tolérance et des lumières, hardi contre les préjugés ; d’autre part possessif, égoïste, entêté dans ses partis pris jusqu’à la mauvaise foi, dur pour ses ennemis, impitoyable pour ses créanciers, défiant envers « la canaille ». Voltaire fut non seulement grand écrivain et philosophe, mais manufacturier, propriétaire foncier, spéculateur qui amassa une grosse fortune et put prêter à intérêt à plusieurs princes de l’Europe ; il voulut, il crut être aussi homme politique, et les puissants se servirent et se jouèrent de lui. De tous les écrivains du xviiie s., il est de nos jours à la fois l’un des plus connus et celui que nous avons le plus de peine à comprendre : son esprit libre refusait de s’enfermer dans aucun système et se réservait le droit à toutes les feintes et à toutes les volte-face. Le voltairianisme du xixe s. a donné de lui une image infidèle, au service d’une politique hypocrite qui unissait le scepticisme, le désir d’ordre et la recherche du profit ; cette image n’est pas complètement effacée. Voltaire, précurseur du capitalisme libéral, passe encore parfois pour celui du capitalisme oppressif et de l’antisémitisme. Même écartée cette caricature, un effort de compréhension objective fait voir en lui quelqu’un qui était dans le vrai sens de l’histoire par son cosmopolitisme, son appel au progrès technique et à l’enrichissement, son sens des affaires, son action sur l’opinion publique, mais l’avenir qu’il préparait est maintenant du passé et les valeurs qu’il défendait, productivité, expansion économique, libre entreprise, luxe, sont liées à un ordre politique et social condamné, dont les tenants même n’iraient plus demander de leçons à Voltaire. Si on le définit par l’esprit critique, la liberté presque absolue du jugement, on lui reprochera de ne croire en rien et de ne pas avoir compris la gravité des luttes sociales. Même l’écrivain est moins admiré qu’autrefois : la nouvelle critique, qui s’est beaucoup intéressée à Diderot et à Rousseau, n’a encore presque rien dit de Voltaire, bien que les études d’histoire littéraire, d’histoire des idées, les éditions de ses textes, les recherches biographiques le concernant n’aient jamais été aussi nombreuses. Ce n’est pas sa faute s’il nous paraît inactuel ; c’est nous qui ne pouvons égaler sa prodigieuse puissance de refus et de dérision en face de tout ce qui aliène ou mystifie les hommes.