Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Aviz (dynastie d’)

Deuxième dynastie royale du Portugal (1385-1580), du nom du fondateur, Jean Ier, grand maître de l’ordre d’Aviz.



La crise de 1383-1385

La mort du roi Ferdinand, en 1383, n’ouvre pas une simple crise dynastique opposant un candidat portugais, demi-frère du roi défunt, et un candidat castillan, gendre de ce dernier. C’est aussi une crise sociale d’une exceptionnelle gravité : une révolte des petits contre les grands, aboutissant, avec la victoire du candidat populaire, à une gigantesque redistribution des biens.

Le dernier règne de la dynastie de Bourgogne coïncide avec une période de difficultés. Malaise social d’abord : aux jacqueries des salariés agricoles et des bergers correspondent les émeutes populaires dans les villes. Malaise politique aussi : les guerres contre la Castille sont coûteuses et inutiles, elles dressent une bourgeoisie favorable à une expansion maritime contre une noblesse favorable à une politique d’intervention en Espagne.

Les maladresses de la régente suscitent une vive opposition, et le peuple de Lisbonne fait acclamer comme régent et défenseur du royaume le grand maître d’Aviz. Le Portugal se scinde en deux camps. Aux côtés de la régente et de son gendre, le roi de Castille, se dresse la noblesse traditionnelle, fidèle aux serments antérieurs. Dans le camp adverse se regroupent le petit peuple des villes, les gens de métiers et quelques membres de la haute noblesse, tel Nuno Álvares Pereira (1360-1431), qui font passer avant tout le sentiment national. La grande bourgeoisie, lésée dans ses intérêts par la concurrence étrangère, joue la carte nationale. Ce sont les subsides des bourgeois de Lisbonne, Porto ou Coimbra qui ont permis à Jean d’arrêter les envahisseurs castillans, et, finalement, de remporter la victoire.

Les Cortes de Coimbra, dûment chapitrées par le chancelier João das Regras (v. 1340-1404), proclament Jean roi de Portugal, le 5 avril 1385. L’armée castillane, qui s’avançait dans le pays, est écrasée à Aljubarrota, et, dès lors, les opérations militaires se réduisent à des escarmouches frontalières. La position de la nouvelle dynastie est consolidée, tant sur le plan intérieur que sur le plan international, avec le renforcement de l’alliance anglaise.


Politique sociale

Le règne de Jean Ier (1385-1433) ne voit pas une véritable révolution sociale ; les cadres restent intacts, mais des bouleversements affectent la société portugaise. La vieille noblesse, qui a soutenu la cause castillane, disparaît. Ses biens sont confisqués et redistribués aux partisans du nouveau souverain. À la noblesse de sang se substitue une aristocratie nouvelle, dépendant de la faveur royale. Mais il reste toujours une noblesse qui, se heurtant aux mêmes problèmes socio-économiques que la précédente, va réagir de la même façon, et, oublieuse de ses origines, va se dresser contre le pouvoir royal. Jean Ier a toujours réussi à la tenir en bride, ses faibles successeurs ne le pourront pas.

Les débuts de la dynastie ont été une période faste pour le petit peuple. Dès le début de son règne, Jean Ier a pris des mesures en faveur des corps de métiers, leur donnant même un droit de regard sur la gestion municipale. La bourgeoisie voit s’ouvrir largement les rangs de l’administration royale, au détriment de la noblesse. Les dévaluations successives de 1384 à 1435 ont été une aubaine pour les classes populaires (fermiers, débiteurs, locataires), au détriment des grands propriétaires fonciers, dont les revenus s’amenuisent.

Noblesse et clergé retrouvent une partie de leur influence pendant le règne d’Édouard (1433-1438). Après le bref intermède de la régence du prince Pierre, dernière chance de la bourgeoisie, leur victoire sera totale. En 1472, Alphonse V permet de stipuler les contrats en poids de métal précieux et non plus en monnaie sans cesse dévaluée. Assurés de leurs revenus, noblesse et clergé retrouvaient ainsi toute leur puissance. Comme l’ancienne noblesse, celle qui était née après 1385 allait se dresser contre une monarchie qui, pourtant, l’avait créée, posant ainsi de redoutables problèmes politiques.


Montée de l’absolutisme

Avec la dynastie d’Aviz, aidée en cela par les letrados, légistes entièrement dévoués, on assiste à un développement de l’absolutisme royal. Il est vrai que l’État dispose désormais de moyens d’action puissants : ses ressources sont essentiellement assurées non par des impôts directs, qui rentrent mal, mais par les sises, impôts indirects. L’essor du pays ne peut que favoriser l’enrichissement des finances royales.

Renforcement de l’autorité, centralisation et unification sont liés aux noms de trois rois : Jean Ier, Jean II et Manuel Ier.

Jean Ier développe considérablement l’administration royale et tente l’unification des lois. Ce sont les ordonnances Alphonsines, promulguées pendant la minorité de son petit-fils. En réglementant la transmission des biens donnés par la Couronne, il espérait limiter la puissance de certaines familles nobles.

Jean II (1481-1495) brise par la force une noblesse devenue redoutable après les concessions arrachées à Édouard et Alphonse V. Aux Cortes d’Évora, en 1481, les députés du tiers qui dénoncent les abus de pouvoir des nobles reçoivent l’appui du souverain. Menacée, la grande noblesse va jusqu’à envisager l’assassinat du roi. Les conspirations du duc de Bragance, puis du duc de Viseu sont sévèrement réprimées : exécution des meneurs, nobles ou prélats, exil des comparses, confiscation des biens des conjurés. La noblesse se tint coite désormais.

Manuel Ier (1495-1521) complète l’œuvre de ses prédécesseurs. Les ordonnances Manuélines marquent la fin des droits particuliers. Mais, surtout, le souverain limite les privilèges des concelhos (v. Bourgogne [dynastie de]) en multipliant les juizes de fora, nommés et payés par le roi. Jean II avait brisé la noblesse, Manuel Ier réduit les privilèges locaux. Désormais, toutes les classes sont soumises au pouvoir absolu du souverain.