Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Villa-Lobos (Heitor) (suite)

Sa notoriété devint bientôt si grande dans son pays qu’on lui alloua une subvention d’État afin de lui permettre d’aller à Paris, où il arriva en 1923, déjà en pleine possession de son génie, et où il s’imposa rapidement. Florent Schmitt* et Edgard Varèse* furent parmi ses premiers amis et admirateurs. Le séjour à Paris de Villa-Lobos, séjour durant lequel naquit la majeure partie du cycle grandiose des Chôros, se prolongea jusqu’en 1930, coupé de voyages au Brésil, au cours desquels le compositeur révélait, comme chef d’orchestre, les œuvres de l’école française moderne. Jusqu’à la fin de sa vie, Villa-Lobos devait demeurer fidèle à la France, y séjournant et y dirigeant chaque année.

De retour au Brésil (1930), il fut mis à la tête de la Surintendance de l’Éducation musicale et artistique à Rio et mena à bien un gigantesque programme de formation musicale populaire, « musicalisant » toute une nation, rédigeant d’innombrables recueils pédagogiques, dirigeant des concerts en plein air regroupant des milliers de chanteurs et d’instrumentistes, (jusqu’à 40 000 !), faisant entendre pour la première fois au Brésil les Passions de Bach ou la messe en «  » de Beethoven, tout en continuant à composer sans relâche. Après la Seconde Guerre mondiale, les États-Unis s’ouvrirent à leur tour à sa musique, et Villa-Lobos y effectua de fréquentes tournées, toujours comme chef d’orchestre. Une grave crise de santé, nécessitant une importante opération, intervint en 1948, mais ne freina nullement ses activités débordantes, qui se poursuivirent jusqu’à sa mort, à soixante-douze ans, à la suite d’une crise d’urémie.

L’œuvre de Villa-Lobos défie tout inventaire exhaustif, car elle dépasse le millier de compositions. Si ce compositeur assimila les principales conquêtes de langage de Debussy, puis de Stravinski, ce fut pour les fondre au creuset de sa personnalité inimitable. La stylisation des musiques populaires du Brésil, aux origines si diverses (africaines, indiennes, portugaises, etc.) lui a dicté des audaces novatrices dans le domaine du rythme, de l’harmonie, de l’orchestration, demeurant toujours parfaitement naturelles, parce que spontanées.

Homme de fresque, Villa-Lobos manie avec aisance les plus gigantesques masses chorales et orchestrales, et Olivier Messiaen se plaît à saluer en lui l’orchestrateur le plus génial de notre siècle. Mais les quatuors, les mélodies, les pièces pour piano ou pour guitare illustrent la variété de l’inspiration de Villa-Lobos. Au centre de la carrière créatrice du musicien se situent les deux cycles monumentaux des quatorze Chôros (précédés d’une Introduction et suivis de deux Chôros bis) et des neuf Bachianas brasileiras, comportant chacun des pages de dimensions et de formations très diverses, de la miniature pour piano à la fresque d’une heure pour chœurs et orchestre. Les Chôros (1920-1929) sont, au dire de l’auteur, « une nouvelle forme de composition musicale, synthétisant les différentes modalités de la musique brésilienne, indienne et populaire ». Cette synthèse s’effectue également, sous une forme plus ramassée et d’autant plus convaincante, dans des pages très originales unissant voix et instruments, comme le Quatuor (1921) et le Nonette (1923). Dans les Bachianas brasileiras (1930-1945), Villa-Lobos effectue une synthèse de la musique brésilienne et du style de Bach, dont il considérait l’œuvre comme un « folklore universel ». Chorals et fugues, écrits d’une plume très sûre, y parlent brésilien !

Douze symphonies, dix-sept quatuors, d’importants poèmes symphoniques, des ballets, des opéras, des œuvres chorales complètent le catalogue de ce créateur généreux et infatigable. Si ce catalogue révèle des inégalités flagrantes, inévitables, il contient suffisamment d’œuvres maîtresses pour assurer la survie d’une œuvre dont le rayonnement traverse actuellement, du moins en Europe, une éclipse certainement passagère.

Les œuvres principales de Villa-Lobos

• Orchestre. 12 symphonies (1916-1957) : no 3 à 5 forment un cycle (Guerre-Victoire-Paix, avec fanfares et chœurs, 1919-20) ; no 10, Sume Pater patrium, est un vaste oratorio avec solos et chœurs (1952) ; Chôros nos 6, 8, 9, 12, 13 (1925-1929) ; Bachianas brasileiras nos 2, 4, 7, 8 (1930-1944); Descobrimento do Brasil (1937 : 4 suites, la dernière avec chœurs) ; poèmes symphoniques : Myremis (1916), Naufrágio de Kleônicos (1916), Amazonas (1917), Uirapuru (1917), O papagaio do moleque (1932), Madona (1945), Erosão (1950), Odisséia de uma raça (1953); 3 Danças características africanas (1914); Caixinha de boas-festas (1932) ; Alvorada na floresta tropical (1953) ; 2 sinfoniettas (1916 et 1947) ; 2 suites (1959) ; 4 ballets : Ruda (1951), Genesis (1954), Emperor Jones (1956) ; film : Green Mansions (1958) ; orchestre de violoncelles : Bachianas brasileiras nos 1 (1930) et 5 (avec soprano, 1938-1945), Fantaisie concertante (1953) ; orchestre à vent : Fantaisie en forme de Chôros (1958), Concerto grosso (1959), etc.

• Concertos. Piano : 5 concertos (1945-1957) ; Momoprecoce (1929) ; Chôros no 11 (1928) ; Bachianas brasileiras no 3 (1938). Violon : Martirio dos Insetos (1925) ; Fantasia de movimentos mistos (1922). Violoncelle : 2 concertos (1913-1953) ; Fantaisie (1945) ; concertos pour guitare (1951), harpe (1953), harmonica (1955-56) ; fantaisie pour saxophone (1948) ; etc.

• Chœurs avec orchestre. Chôros nos 10 et 14 (1926-1928) ; Vidapura (1919) ; Mandu-Çarará (1940) ; Magnificat-Alleluia (1958) ; chœurs a cappella : Messe de saint Sébastien (1937) ; Bachianas brasileiras no 9 (1945) ; Bendita sabedoria (1958) ; etc.

• Opéras. Izaht (1913) ; Magdalena (1947) ; Yerma (1955-56) ; Amenina das nuvens (1957-58).

• Mélodies. Historietas (1920) ; Poème de l’enfant et de sa mère (1923) ; 3 Poemas indígenas (1926) ; Canções típicas brasileiras (1919-1935) ; Serestas (1923-1943) ; Modinhas e Canções (2 vol., 1933-1943) ; Poema de Itabira (1943) ; etc.