Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

Avignon (suite)

La population

L’agglomération avignonnaise dépasse 160 000 habitants et croît rapidement ; le gain entre les deux derniers recensements (1962-1975) approche 25 000 habitants. Cet essor rapide s’est accentué en raison d’un bilan migratoire positif qui a conduit près de 18 000 personnes vers l’agglomération. Les immigrants étrangers sont des ouvriers agricoles espagnols, des maçons italiens. La démographie n’a pas été toujours favorable ; le chiffre de population a seulement doublé pour la ville entre 1851 et 1962. L’essor d’Avignon reste un phénomène récent, et le rythme d’accroissement de l’agglomération est supérieur à celui de la ville.


Les fonctions urbaines

Lorsque Paulin Talabot obtient la concession de la voie ferrée dont les travaux débutent en 1846 (tronçon Avignon-Marseille), une nouvelle orientation s’amorce pour la ville ; peu à peu, les mariniers et débardeurs qui assuraient une grande part de ses activités disparaissent. En 1852, l’ouverture de la ligne Avignon-Valence accélère le déclin. La fin du xixe s. se caractérise par une série d’échecs ; ruine de la batellerie, abandon de la sériciculture devant les ravages de la pébrine et l’arrivée des cocons asiatiques ; utilisation des colorants chimiques, qui réduit à néant la culture de la garance ; extension du phylloxéra, qui détruit le vignoble. Mais la huerta comtadine va assurer la prospérité de la ville. L’orientation vers les productions légumières donne un visage nouveau aux campagnes : haies de cyprès contre le mistral, irrigation de petites parcelles minutieusement cultivées. Avignon assure le conditionnement et l’expédition des primeurs, fournit engrais et machines agricoles, prête ses services bancaires. En 1852, on compte 1 550 ha de cultures maraîchères, près de 6 000 en 1914 et 8 750 en 1930. Avignon est devenue le marché du Comtat, et ses activités industrielles restent liées aux productions du monde rural. Après la spéculation sur la soie, la garance, le vignoble, la ville a trouvé sa voie dans la huerta, au milieu d’une constellation de bourgs actifs.


Les campagnes

Le Comtat se caractérise par une prolifération de marchés ruraux, tels que Pernes-les-Fontaines ou L’Isle-sur-la-Sorgue, et de centres sous-régionaux (Carpentras, Orange, Cavaillon) qui assurent des fonctions administratives et commerciales. La production horticole, intensive, nécessite un réseau serré d’expéditeurs, et demande une main-d’œuvre considérable, d’où la présence de fortes densités de population. Avignon constitue une agglomération multicommunale qui regroupe les centres industriels du Pontet (produits réfractaires) et de Sorgues (papeterie et poudrerie). Les Angles et Villeneuve, sur la rive droite, gardent leur caractère résidentiel. Malgré son marché-gare aménagé en 1960, Avignon n’est plus le grand centre d’expédition du Comtat ; la ville est désormais distancée par Cavaillon et Châteaurenard, mais elle reste le centre commercial et de prestations de services des pays du bas Rhône, dans l’aire de commandement de la métropole marseillaise.

Avignon, ville d’art

Du passé lointain, à peu près rien ne subsiste : rien de la station préhistorique située sur le rocher des Doms, admirable belvédère et défense naturelle face au fleuve ; rien de la petite ville romaine, puis carolingienne, qui se greffe autour des Doms ; rien, sinon la nef romane de la cathédrale Notre-Dame, de la commune indépendante née au xiie s. à l’époque des républiques italiennes.

Le rôle de point de passage de la ville s’affirme quand, de 1177 à 1185, la confrérie des frères pontifes (c’est-à-dire des « faiseurs de ponts ») lance le fameux pont Saint-Bénezet, long à l’origine de 900 m, sur les deux bras du Rhône. La rive droite est royaume de France, la rive gauche terre d’Empire. Seules quatre arches sont encore debout, isolées dans le courant, et l’on n’y danse plus. Sur l’une des piles, un double sanctuaire superposé : la chapelle Saint-Nicolas.

Les papes du xive s., après avoir occupé provisoirement l’ancienne résidence épiscopale, prennent l’initiative de se construire un palais forteresse. Bâti sur le roc, hérissé de tours à mâchicoulis hautes d’une cinquantaine de mètres, c’est un spécimen exceptionnel d’architecture à la fois militaire, civile et religieuse, où le style gothique méridional s’unit à celui de l’Île-de-France. Il est sans équivalent tant par ses dimensions (15 000 m2) que par la qualité de son décor. Deux parties distinctes mais accolées s’élèvent l’une après l’autre autour de deux cours d’honneur : le Palais-Vieux, au nord, plus proche de la cathédrale, est l’œuvre de Benoît XII ; le Palais-Neuf est dû à Clément VI. Chacun d’eux reflète le tempérament de son fondateur. Autant le premier, moine cistercien rigide, est ennemi du luxe, autant le second, fastueux jusqu’à la prodigalité, entend mettre le mécénat au service de sa haute conception de prince de l’Église.

L’ensemble répond aux fonctions diverses d’un gouvernement temporel et spirituel, aux exigences d’une vie officielle comme à celles de l’existence personnelle du pontife. Autour du cloître de Benoît XII s’ordonnent la chapelle, la salle du Consistoire pour la haute administration, surmontée du grand Tinel, qui est la salle des Festins ; puis l’aile des Conclaves, où s’enferment les cardinaux pour l’élection du pape, et l’aile dite « des Familiers ». Les appartements pontificaux, chambre de Parement, chambre à coucher, studium (étude), trésorerie, tour des Anges, complètent ce premier palais. Clément VI y ajoute deux ailes en équerre : celle des Grands Dignitaires en façade, et, en retour, la majestueuse Grande Audience pour les procès soutenus devant le tribunal de la rote. À l’étage, l’architecte Jean de Loubières (ou de Louvres) a dessiné le plan de la chapelle dite « Clémentine », de proportions grandioses.

Clément VI a fait appel pour la décoration intérieure aux meilleurs peintres italiens du trecento. L’illustre Siennois Simone Martini* a orné à fresque, vers 1341, le portail de la cathédrale Notre-Dame-des-Doms. La dépose de la fresque par l’Inspection des monuments historiques, en 1962, a permis de mettre au jour des « sinopie », ou esquisses préparatoires, qui sont parmi les plus beaux dessins de l’art italien. L’un des élèves de S. Martini, Matteo Giovannetti, est chargé de diriger une équipe internationale d’artistes : les fresques échappées au vandalisme des militaires du xixe s. dans la chambre et la garde-robe (v. 1343), aux délicates scènes de chasse et de pêche, celles des chapelles Saint-Martial (1344) et Saint-Jean (1346-1347), les prophètes de la voûte de la Grande Audience (1352) témoignent de l’invention et de la puissance créatrice d’un maître encore insuffisamment connu.

Autour du palais forteresse, la ville se développe (églises Saint-Didier, Saint-Pierre, Saint-Agricol) et s’entoure d’une enceinte continue de remparts pour se mettre à l’abri des troupes de routiers.