Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Veuillot (Louis) (suite)

Si Louis Veuillot ne témoigne pas de regret de la chute du régime de Juillet, bourgeois et voltairien, il exige de la république de 1848 la liberté et le respect pour l’Église : en cela, il rejoint les positions de Montalembert*, réconcilié avec lui. Comme Montalembert, il rejette la république démocratique et sociale, stigmatisant, après les journées de Juin, les violences socialistes (l’Esclave Vindex, 1849 ; le Lendemain de la victoire, 1850) tout comme l’anticléricalisme primaire des bourgeois (les Libres Penseurs, 1848). Il soutient naturellement dans l’Univers l’expédition française (1849) destinée à rétablir Pie IX* sur son trône et toutes les initiatives réactionnaires de la IIe République*, mais il se brouille de nouveau, et définitivement, avec Montalembert et les catholiques libéraux à propos de la loi Falloux (15 mars 1850), qu’il considère comme un compromis douteux qui laisse à l’Université détestée toute son influence au détriment de l’Église (v. catholicisme libéral).

Quand éclate le coup d’État du 2 décembre 1851, non seulement Louis Veuillot s’incline, mais il invite à se rallier au régime bonapartiste, puis à l’Empire* — qui se pose en protecteur de l’Église — la masse des catholiques français et du bas clergé, auprès de qui l’influence de l’Univers prévaut de plus en plus sur celle des évêques.

Au fil des années, Veuillot est amené à combattre, à découvert, sur deux fronts : celui de l’Empire libéral et celui du catholicisme libéral, le rude lutteur trouvant dans le soutien constant et l’affection de Pie IX (et aussi des évêques intransigeants, en tête Mgr Pie, évêque de Poitiers) une aide de poids.

Avec les catholiques libéraux, dont Montalembert est le chef (depuis sa rupture avec le régime bonapartiste [1852]), la lutte s’intensifie quand celui-ci redonne vie en 1855 au Correspondant, qu’il oppose à l’Univers. Les deux organes catholiques ne se ménagent pas, les libéraux reprochant violemment à Veuillot son ralliement à un régime ambigu et une intransigeance doctrinale louchant au fanatisme, Veuillot accablant de ses sarcasmes les « temporisateurs endormis... », ces libéraux qui « biaisent avec le symbole catholique » (l’Illusion libérale, 1866).

Après avoir exalté l’Empire (« l’Empire est l’expression la plus haute de la civilisation... »), Veuillot rompt avec lui quand Napoléon III, à partir de 1859, s’engage dans la campagne d’Italie*. Les attaques de l’Univers deviennent telles que le journal est supprimé en 1861 et remplacé par le Monde, où il est interdit à Louis Veuillot d’écrire. Celui-ci emploie alors ses loisirs forcés en voyages et aussi à la composition de nombreux ouvrages (Çà et là, 1859 ; le Fond de Giboyer, 1863 ; Satires, 1863 ; le Parfum de Rome, 1865 ; les Odeurs de Paris, 1866...) où, chrétien, ami, poète, polémiste, il tire parti, avec un bonheur digne des plus grands écrivains, d’une palette extraordinairement variée.

Le 16 avril 1867, Louis Veuillot reprend la tête de l’Univers ; son zèle ultramontain s’exalte avec l’approche du premier concile du Vatican* ; en même temps, sa verve atteint aux limites de la férocité dans les polémiques avec les catholiques libéraux, et notamment avec Mgr Dupanloup, adversaire d’une définition prématurée de l’infaillibilité pontificale, et surtout avec Montalembert, que ses traits accompagneront presque jusqu’à la mort du noble comte (1870). Cependant, au lendemain de la mort de Montalembert, Veuillot, adversaire loyal, rendra un solennel hommage à celui qui, dans une autre optique, fut lui aussi un vaillant défenseur de l’Église.

L’Empire tombé (1870), Louis Veuillot se pose rapidement en adversaire acharné de la république laïque et aussi des catholiques libéraux (Albert de Broglie notamment), dont la politique italienne fait le jeu, selon lui, des ennemis du pape. Aussi l’Univers est-il suspendu deux mois au cours de l’année 1874.

La mort de Pie IX (1878) coïncide avec les premières atteintes chez Louis Veuillot d’une maladie — lente paralysie cérébrale — qui va l’obliger à abandonner peu à peu l’Univers à son frère Eugène (1818-1905). Il meurt le 7 mars 1883, ayant incarné un christianisme fervent, mais intransigeant, et par là intolérant et donc dangereux. Au cours de sa longue carrière, il suscita autant d’admirations que de haines : s’il mérita les unes, il ne fit rien pour adoucir les autres. Avec le recul du temps, Louis Veuillot, par la hauteur de ses idées, la fécondité et les ressources infinies de sa plume, apparaît cependant comme l’un des tout premiers journalistes et polémistes du xixe s.

P. P.

➙ Catholicisme libéral / Montalembert / Pie IX.

 E. Veuillot, Louis Veuillot (Lethielleux, 1899-1914 ; 4 vol.). / E. Tavernier, Louis Veuillot, l’homme, le lutteur, l’écrivain (Plon, 1913). / H. Talvart, Louis Veuillot et la monarchie (Millon, 1927). / J. Morienval, Louis Veuillot (Lethielleux, 1941). / E. M. M. Gauthier, le Génie satirique de Louis Veuillot (Vitte, 1953). / L. Christophe, Louis Veuillot (Wesmaël-Charlier, 1967).

viande (industrie de la)

La transformation et la commercialisation de la viande sont encore essentiellement en France du domaine de la tradition, le maillon principal étant le boucher, artisan indépendant, ravitaillé souvent directement par l’abattoir* en viande fraîche présentée sous forme de demis ou de quartiers.


On assiste cependant à une rationalisation de la production et de la distribution mettant progressivement en œuvre une véritable industrie.


Découpe et conditionnement de la viande destinée à la consommation à l’état frais

La découpe et le conditionnement industriels de la viande font partie de l’activité de deux sortes de firmes : les unes, qui assurent une fonction d’abattage privé et livrent aux grandes surfaces ou aux collectivités des pièces de viande prédécoupées (viandes conditionnées) ; les autres, dont la fonction principale est la distribution et qui mettent sur pied des centres annexes de découpe et d’emballage (viandes préemballées, viandes en barquettes).