Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vesaas (Tarjei) (suite)

Vesaas suggère plus qu’il ne raconte ; sa prose même est souvent si lyrique qu’on ne s’étonne pas dé le voir aussi publier des recueils de poèmes. Le premier, les Sources (1946), reste traditionnel quant aux formes de la langue, mais, avec le Jeu et la foudre (1947), Bonne Chance aux voyageurs (1949), le Pays des feux cachés (1953) et enfin Rêve, renouvelle-toi (1956), il fait figure de pionnier en introduisant les tendances les plus modernistes dans la poésie norvégienne. Il passe de l’idylle à l’angoisse la plus déchirante, use d’un style parfois excessivement simple ou au contraire fort complexe, mais il a le don de rester toujours original.

Si ses romans portent volontiers la marque du drame, une pièce de théâtre comme la Brise matinale (1947) est d’un lyrisme tel qu’il est presque impossible de la porter à la scène. Par contre, la technique de ses pièces pour la radio est irréprochable : il sait dégager une atmosphère, jouer de sous-entendus et d’allusions, se servir au mieux des répliques à voix basse et des silences.

Le roman intitulé les Oiseaux (1957), un des sommets de sa création littéraire, est l’histoire de Mattis, l’idiot du village, qui en fait possède un don que les autres ont perdu : celui de s’émerveiller devant les choses de la nature, leur beauté, leur poésie. Il se rend compte qu’il est à la charge de sa sœur quand celle-ci tombe amoureuse : il s’éloigne à la force des rames et défonce sa barque. Le Palais de glace (1963) donne un aperçu de ce qui peut remuer le cœur des adolescents. Attirée par l’éclat envoûtant d’une cascade gelée, une jeune fille s’y perd et les efforts pour la retrouver restent vains ; sa meilleure amie s’isole, mais elle sera sauvée par le contact de ses camarades, tandis que le printemps fait fondre la glace dans la nature. Ce sont aussi les rapports entre des jeunes filles qui font l’objet de cet autre roman, les Ponts (1966) ; Aud et Torvil découvrent le corps d’un bébé que sa mère a tué, et celle-ci est aussi décidée à se donner la mort ; elles réussiront à lui faire reprendre goût à la vie. Les ponts sont ici le symbole des contacts humains. Le Feu (1961), de forme purement surréaliste, révèle un auteur ouvert aux influences nouvelles de la littérature. L’action se déroule dans un monde de rêve dont les aspects sont tirés de la réalité, mais qui ne prête pas pour autant à une interprétation allégorique. Il s’agit de l’échec du héros, qui ne parvient ni à arracher les hommes à leur isolation, ni même à sortir de la sienne. Son dernier roman, le Bateau du soir (1968), qui tient en partie de l’autobiographie, rassemble tous les grands thèmes déjà abordés : l’amour naissant, rempli d’appréhensions ; le monde des enfants dressé contre celui des adultes ; le conflit entre le besoin de vie en commun et de solitude ; la lutte entre les forces destructives et créatrices de l’univers.

Tarjei Vesaas meurt le 15 mars 1970, laissant une œuvre riche et variée, empreinte d’émotion et de mystique. Ses romans, dont des pages entières sont de véritables poèmes en prose, ont pour la plupart un fond de tragédie ; les personnages se révèlent de façon plus intense dans la souffrance et dans la peine que dans la joie simple et totale.

J. R.

 R. Skrede, Tarjei Vesaas (en norvégien, Oslo, 1947). / T. Brostrøm, le Monde symbolique de Vesoos (en norvégien, Oslo, 1955). / E. Steen, Tarjei Vesaas (en norvégien, Oslo, 1956). / J. E. Vold, Tarjei Vesaas (en norvégien, Oslo, 1964). / K. G. Chapman, Traits principaux de la poésie de Tarjei Vesaas (en norvégien, Oslo, 1971).

Vespasien

En lat. Titus Flavius Vespasianus (près de Reate [auj. Rieti] 9 apr. J.-C. - Aquae Cutiliae, près de Rieti, Sabine, 79), empereur romain de 69 à 79.


C’était, de par son lieu de naissance, un Italien, bien qu’originaire d’une région, la Sabine, peu éloignée de Rome et assimilée de longue date, une région réputée d’ailleurs pour les vertus de ses habitants. Dans sa famille, de condition moyenne, l’usage voulait que l’on fît carrière aux armées et dans l’administration. Son père, Flavius Sabinus, était banquier et publicain. Sa mère était sœur d’un sénateur. Son frère, T. Flavius Sabinus († 69), devint préfet de Rome (62-69).

Vespasien fut d’abord tribun militaire en Thrace, questeur en Crète et Cyrénaïque, édile, préteur. Il épousa la fille d’un chevalier, dont il eut deux fils, Titus* et Domitien*, tous deux futurs empereurs et qui, avec leur père, forment la dynastie des Flaviens (69-96). Il commanda une légion en Germanie en 43-44, puis en Bretagne, où il joua un rôle brillant en s’emparant de l’île de Wight. En 51, il fut consul suffect, et entre 62 et 65 proconsul d’Afrique : il s’y montra odieux, selon Tacite, et tout à fait honnête selon Suétone. Il fut un moment disgracié et faillit même être mis à mort pour s’être endormi tandis que Néron chantait sur scène. Mais les choses s’arrangèrent puisqu’il accompagna Néron en Grèce et reçut en 66 le commandement de la guerre de Judée. Les Juifs avaient chassé la garnison romaine de Jérusalem ; Vespasien rétablit la discipline dans l’armée déroutée et reconquit une grande partie de la province, d’abord la côte, puis le nord, enfin les abords de Jérusalem, qu’il encercla (66-68). La rumeur proclamait que de ces régions viendrait le futur maître du monde, et Vespasien, qui était très superstitieux, se fit à l’idée que les prédictions le concernaient. Dûment soutenu par Tiberius Julius Alexander, préfet d’Égypte, et par Mucien (Caius Licinius Mucianus, † 77), le gouverneur de Syrie, il se fit proclamer empereur à Alexandrie et en Judée en 69. Il ne se risqua pas à guerroyer contre l’empereur Vitellius, le dernier d’une brève série de monarques éphémères et qui disposait des troupes d’Occident. Mais les troupes des régions danubiennes, avec le général Antonius Primus, s’étant ralliées à sa candidature, marchaient sur l’Italie et battaient Vitellius à Bedriac (Betricum), près de Crémone. La prise de Rome se déroula dans l’acharnement et la confusion des combats de rues. Le frère de Vespasien, le préfet, fut massacré par la foule, puis ses partisans se rendirent enfin maîtres de la ville, Vitellius fut tué et Vespasien fut reconnu empereur par le sénat. Pendant ce temps, il était demeuré à Alexandrie, où il avait trouvé l’appui du préfet d’Égypte. Il y fréquentait les astrologues et opérait des guérisons miraculeuses, pour confirmer les esprits dans sa destinée supérieure et faire oublier ses origines modestes. Il y surveillait aussi l’embarquement du blé à destination de Rome, qu’il activa une fois sa victoire assurée. Une proclamation assura aux Romains que les lois néroniennes seraient abolies. Alors, en 70, il fit son entrée solennelle à Rome.