Esthétique musicale qui, dans le théâtre lyrique de la fin du xixe s., accorde la prédominance aux sujets réalistes et à des éléments de style violents et colorés, au détriment même du bel canto, pour atteindre à une vérité dramatique plus intense.
En dépit de son origine littéraire, le vérisme musical est né, en Italie, du désir de réaction contre l’esprit wagnérien et de l’évolution des conditions de vie attirant au théâtre un public de plus en plus étendu, sinon plus éclairé, qui pouvait voir d’un mauvais œil l’importance croissante accordée au commentaire symphonique au détriment du chant.
Comme Giovanni Verga* l’avait tenté dans ses Nouvelles paysannes (1883) et dans Cavalleria rusticana (1884), les compositeurs se sont alors donné pour objectif d’évoquer les drames de la vie courante. Plus de sujets historiques ou légendaires, mais des « tranches de vie » dans lesquelles les personnages, chevaliers sans couronne et sans armures, ont des passions aussi ardentes que celles des « grands ». La musique y est mise au service de la violence dramatique sans qu’aucune préoccupation de style nuance le retour du bel canto, qu’elle se propose non plus comme un divertissement de prince, mais comme un moyen d’atteindre des auditeurs plus ou moins insensibles aux transpositions de l’art.
Le triomphe de la Cavalleria rusticana (1890) de Pietro Mascagni (1863-1945) consacra d’emblée cette esthétique, qui pouvait, dans une certaine mesure, se réclamer de Carmen et de La Traviata, et ouvrit les portes au Paillasse (1892) de Ruggero Leoncavallo (1858-1919), exemple de jeu tragique italien et qui fait du vérisme le sujet même du drame.
Après La Wally (1892) d’Alfredo Catalani (1854-1893) et Mala vita (1892) d’Umberto Giordano (1867-1948), qui tentaient, la même année, un compromis entre le romantisme de Verdi* et les formules nouvelles, Manon Lescaut (1893) de Puccini* désignait cependant une tendance à exploiter l’émotion plus que la violence et révélait l’artiste de classe, dont la Bohème (1896), Tosca (1900) et Madame Butterfly (1904) allaient faire le plus grand musicien dramatique de sa génération. Encore faut-il remarquer que Puccini, parti du légendaire Villi (1884) pour aboutir à la légendaire Turandot (1926), s’est borné à traverser le vérisme en le chargeant, instinctivement, de tout le wagnérisme possible (notamment dans Tosca) et que, très souvent, dans ses opéras, la fantaisie, l’esprit et le sens du pittoresque (servis par une grande richesse harmonique et une brillante orchestration) rachètent certaines effusions mélodiques un peu trop capiteuses. À partir de La Fanciulla del West (1910), son écriture vocale évoluera, du reste, vers le parlando et réservera de moins en moins d’importance aux manifestations militantes du bel canto.
Le vérisme n’a pas survécu à la Première Guerre mondiale, et les opéras de U. Giordano (André Chénier, 1896 ; Fedora, 1898), de Francesco Cilea (1866-1950) [l’Arlésienne, 1897 ; Advienne Lecouvreur, 1902], et de Ricardo Zandonai (1883-1944) [Conchita, 1911 ; Roméo et Juliette, 1922], ont été rarement appréciés en dehors de leur pays d’origine. Seul un Gian Carlo Menotti (né en 1911), vériste attardé intégré à l’école américaine et dont The Medium (1946), The Telephone (1947) et The Consul (1950) connaissent une audience mondiale, a pu retrouver, au milieu du xxe s., certains principes des successeurs de Verdi et leur conférer une valeur universelle d’expression.
A. G.