Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

vent (suite)

Le vent établi entre une aire de hautes pressions et une aire de basses pressions s’écoule d’autant plus rapidement (force du vent) que la différence est plus grande entre ces pressions par unité de longueur, mesurée à l’horizontale, c’est-à-dire que le gradient barométrique (ou gradient de pression) est plus fort. Ce gradient résulte donc de la valeur relative des hautes et des basses pressions et de la distance qui les sépare. C’est le gradient de pression qui, combiné à la densité de l’air, suscite la force du gradient de pression (G).


Vent et force de Coriolis

La loi de l’inertie veut qu’un objet en mouvement rectiligne garde sa direction aussi longtemps qu’une force n’intervient pas pour qu’il en change. Cette loi se vérifie à partir de coordonnées absolues, c’est-à-dire, pour toute manifestation relevée à la surface du globe, référence faite à des repères fixes extra-terrestres (étoiles fixes). C’est dire que tout mouvement absolu, rectiligne, ne l’est plus pour un observateur terrestre, car celui-ci est impliqué dans le mouvement tourbillonnaire de la Terre sur elle-même. Ainsi, pour cet observateur, une trajectoire absolue, rectiligne, deviendra courbe. Le mathématicien Gaspard-Gustave de Coriolis (1792-1843) a fixé le principe de cet effet de déviation apparente, en mettant en évidence ce que l’on appelle force de Coriolis. Il ne s’agit pas d’une véritable force puisque le flux ne subit aucune modification de trajectoire absolue et que l’effet de déviation n’est qu’une apparence, résultant d’une observation effectuée depuis le sol.

Le phénomène global est facile à comprendre. Il suffit de se situer sur un globe terrestre fixe, puis sur un globe en rotation (fig. 2). Plaçons à cet effet dans l’hémisphère Nord un observateur terrestre stationné en A, de telle sorte qu’il regarde, au 50e parallèle, dans le sens de l’écoulement d’un vent venu du pôle Nord. Cet observateur tourne le dos au pôle et fait face au sud, du côté de l’aval-écoulement. Il a l’ouest à main droite. Sur le globe supposé fixe, soit donc une particule d’air issue du pôle Nord et à trajectoire absolue rectiligne ; elle part à l’heure H en direction de l’observateur, qu’elle atteindra à H + T (T = temps d’écoulement pour aller du pôle au 50e parallèle). Dans ce cas, l’observateur constate que le mouvement est rectiligne. Ce mouvement relatif à la Terre se confond avec le mouvement absolu. Les choses changent si, au moment où le flux quitte le pôle, la Terre tourne sur elle-même, avec entraînement vers l’est. Entre H et H + T, l’observateur terrestre demeure en A. Mais A se déplace vers l’est pendant que le flux, en toute indépendance et selon sa trajectoire absolue rectiligne, atteint le 50e parallèle. Cette atteinte se fait nécessairement en un point situé à l’ouest de celui où est alors l’observateur. C’est dire que celui-ci a le sentiment que le flux, au fur et à mesure de sa progression vers le sud, s’éloigne vers la droite. Le même raisonnement appliqué à l’hémisphère Sud aboutirait à la déflection apparente du flux vers la gauche.

On voit que la force de Coriolis (C) dépend de la vitesse de rotation de la Terre sur elle-même (ω = vitesse angulaire), de la vitesse du vent (V) et de la latitude du lieu d’observation (φ), d’où la formule C = 2ωV sin φ. La vitesse angulaire de la Terre est constante. Supposons constante celle du vent. On voit aussitôt, le sinus de la latitude étant maximal au pôle et nul à l’équateur, que la force de Coriolis est négligeable aux basses latitudes et qu’elle impose son maximum d’effet aux latitudes extratropicales et plus encore dans les régions polaires.


Vent et force de frottement

La force de frottement (R) ne doit être prise en considération que sous 1 000 m d’altitude (les régions de montagnes étant mises à part). C’est, en effet, dans la couche laminaire des 1 000 premiers mètres qu’interviennent les rugosités du sol, les arbres, les maisons, etc. R, très faible sur mer, prend de l’importance sur terre, au point qu’au ras du sol elle l’emporte sur la force de Coriolis.


Le vent et la combinaison des forces qui le conditionnent

Nous avons négligé la pesanteur, qui joue un rôle dans la composante verticale du mouvement de l’air. Ce sont les forces du gradient (G), de Coriolis (C) et de frottement (R) qui imposent le comportement du vent à l’horizontale (à quoi, sous certaines conditions [trajectoires curvilignes], il faut ajouter la force centrifuge).

• En atmosphère libre.
Le vent géostrophique. Envisageons un mouvement atmosphérique horizontal permanent et sans accélération. Cette situation implique que la force de Coriolis, qui s’applique par définition perpendiculairement au déplacement du flux et sur sa droite (hémisphère Nord), est exactement équilibrée par la force du gradient de pression. Le vent ne subit ainsi de déviation ni à droite ni à gauche. Rectiligne, il est parallèle aux isobares, elles-mêmes rectilignes, parallèles et aussi équidistantes. Si les forces du gradient et de Coriolis ne se compensaient pas, il interviendrait dans le flux une accélération contraire à l’hypothèse de départ. Ce flux est le vent géostrophique. Il s’écoule en laissant sur la droite les hautes pressions et sur la gauche les basses pressions (hémisphère Nord) [fig. 3].


Le vent du gradient. Le vent peut souffler, toujours uniformément, parallèlement à des isobares curvilignes et plus précisément circulaires et concentriques, que le mouvement s’opère par enroulement autour de basses ou de hautes pressions (dans l’hémisphère Nord, le vent circule toujours le long des isobares en laissant à droite les anticyclones et à gauche les dépressions ; l’inverse se produit dans l’hémisphère Sud). Dans ce cas, qui est celui d’un flux à trajectoires courbes, intervient, à côté des forces du gradient et de Coriolis, la force centrifuge. Celle-ci s’applique toujours sur le côté extérieur des courbes. Compte tenu du fait que la force de Coriolis agit du côté des hautes pressions et celle du gradient à l’opposé, on arrive à des combinaisons différentes de ces forces selon les figures de pressions considérées. En courbure cyclonique, c’est la force du gradient qui, à elle seule, équilibre la force de Coriolis et la force centrifuge. En courbure anticyclonique, la force de Coriolis s’oppose à la force centrifuge et à celle du gradient. Le vent qui correspond à ces dispositions est appelé vent du gradient (fig. 4).

Dans la nature, vents géostrophique et du gradient ne se rencontrent pas, car les formes des isobares sont beaucoup plus complexes que celles qu’ils postulent. Le vent du gradient est cependant plus proche de la réalité que le vent géostrophique.