Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
A

aviation (suite)

Après une première période où les qualités du missile* l’ont fait apparaître comme une arme absolue, la mise au point continue, notamment depuis 1962, des systèmes antimissiles et le perfectionnement technique des avions de bombardement* ont conduit à reconsidérer le problème. Les chances ou le rôle de ces derniers résultent des qualités qui leur sont propres, telles que leur capacité de charge (10 charges mégatonniques pour un avion contre une pour un missile), leur possibilité d’attaque successive de plusieurs objectifs, leur précision plus grande et indépendante de la portée et enfin leur faculté permanente et immédiate de compte rendu.

L’avion a, en outre, conservé toutes ses possibilités dans les conflits limités de type classique, ainsi qu’en témoignent notamment les bombardements effectués depuis 1965 au Viêt-nam par l’aviation américaine.

À ces missions s’ajoutent, sur le plan stratégique, celles, devenues souvent déterminantes, de l’aviation de transport*, qui doit faire face à un net accroissement de ses missions. Au transport proprement dit de troupes et de matériels s’ajoutent, surtout depuis les performances des ponts aériens de Berlin (1949) et du Viêt-nam, les missions d’ordre logistique. Les progrès considérables dont bénéficient les avions de transport dans les domaines de la vitesse et de la capacité d’emport permettent désormais de transférer en un minimum de temps des effectifs importants à des milliers de kilomètres, comme l’ont prouvé les opérations de type Big Lift, réalisées en 1963 et renouvelées en 1969 entre les États-Unis et l’Allemagne. On notera que la productivité du « C-5 A Galaxy » américain de 1970, mesurée en tonnes de charge par kilomètre et par heure, dépasse cinquante fois celle d’un « Constellation » de 1945.

• 1945-1970 : évolution de l’aviation tactique. Dans l’immédiat après-guerre, la généralisation de l’emploi du moteur à réaction, apparu sur les chasseurs de la Luftwaffe en 1944 (« Me-262 »), améliorait considérablement les performances de vol, tandis que les problèmes de navigation se trouvaient transformés par les progrès du radar et des aides électroniques. Mais si l’armement des avions de combat s’était déjà nettement renforcé par l’emploi des roquettes, la possibilité de les équiper d’armes nucléaires allait donner à l’aviation tactique un potentiel beaucoup plus efficace encore dans ses missions d’appui aux forces terrestres. Aux « Vampire » britanniques et aux « Sabre » américains succéderont les « Super-Sabre » F-100, puis le « F-104 », armés de missiles air-sol et air-air à courte portée.

Le problème capital de cette aviation tactique nucléaire est de pouvoir réagir sans délai à toute attaque et surtout de pouvoir effectuer sa mission quelles que soient les circonstances atmosphériques. En 1970, les avions tactiques de frappe nucléaire « F-105 », « Mirage III-E » et leurs équivalents soviétiques sont devenus des appareils tout-temps naviguant au radar, volant à deux fois la vitesse du son et techniquement si évolués que les dépenses exigées par leur conception et leur construction en limitent impérativement le nombre. Ces considérations, qui s’appliquent à l’ensemble du matériel aérospatial, expliquent par ailleurs le désir des États constructeurs d’abaisser les prix de revient unitaires en accroissant, par des ventes à l’étranger, le volume des séries.

En dehors des secteurs de guerre froide entre les deux blocs soviétique et américain, l’aviation tactique non nucléaire conserve toute sa valeur. Elle a été employée dans la longue série des conflits limités (Corée, Moyen-Orient, Viêt-nam) qui se sont succédé sans répit depuis 1945. Les pays engagés se sont d’abord contentés d’utiliser dans ces guerres les appareils dont ils disposaient par ailleurs. Mais les conditions de mise en œuvre de ceux-ci (limitations d’ordre politique, formes particulières de guerre, etc.) ont contribué à diminuer singulièrement leur efficacité. On se tourna alors vers l’emploi de matériels déclassés (avions-écoles ou avions à hélices) et surtout des hélicoptères*, dont la vitesse lente s’accommode bien d’un genre de combat souvent caractérisé par l’absence d’ennemis aériens ; on modifia des avions de transport en les armant de mitrailleuses et de projecteurs, et on conçut même quelques appareils (COIN « A-37 ») spécialement destinés aux conflits limités, tandis que le procédé de bombardement* en tapis était appliqué au Viêt-nam par des « B-52 » à l’appui des troupes au sol. Toutes les ressources du radar, de la télévision, de l’infrarouge furent mises à profit pour tenter de découvrir un adversaire particulièrement exercé au camouflage, et, dans certains conflits (surtout au Viêt-nam), les opérations ont conduit à des combats de type inconnu en 1945 entre chasseurs à réaction ou entre avions et missiles sol-air. Les combats ont aussi permis d’apprécier l’efficacité des contre-mesures électroniques (brouillage) sur les radars de repérage ou de tir.

• Rôle et possibilités militaires de l’avion piloté. Au cours des années 1955-1960, on put croire que la généralisation des missiles allait entraîner rapidement la quasi-disparition de l’avion militaire. On lui reprochait de devenir terriblement vulnérable aux missiles sol-air, d’accomplir ses missions beaucoup moins bien que le missile stratégique et pour un prix beaucoup plus élevé...

Nous avons vu que ces prévisions pessimistes avaient été largement démenties dans les faits par l’emploi toujours aussi efficace de l’avion tactique dans des conflits comme ceux du Viêt-nam et du Proche-Orient, notamment depuis la guerre israélo-arabe de 1967. Ces guerres ont prouvé, en outre, qu’en opérations l’efficacité attendue des missiles antiaériens est très inférieure aux prévisions. Ce qui rend une arme désuète, c’est moins sa vulnérabilité que l’apparition d’un engin nouveau qui remplit la même fonction dans de meilleures conditions. Or, s’il est vrai, sur le plan stratégique, que le missile balistique est une meilleure arme de bombardement anti-cité que l’avion, il reste qu’il ne sert qu’une fois, qu’il est aveugle et qu’il manque de précision.

L’avion sera plus avantageux s’il s’agit d’une utilisation en arme classique à renouveler fréquemment. Il le sera aussi si l’objectif doit être découvert avant d’être atteint ou s’il exige une grande précision de visée.