Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Venise

En ital. Venezia, v. d’Italie, capit. de la Vénétie* ; 366 000 hab. (Vénitiens).


Un site exceptionnel

Ville aux fonctions multiples, elle est aujourd’hui menacée dans son existence même par son lent affaissement dans la lagune.

Au fond de la mer Adriatique, au point de départ des routes vers l’Europe centrale, Venise a une situation favorable. Mais elle est surtout célèbre par l’utilisation d’un site exceptionnel. Venise est construite au milieu d’une lagune, sur un archipel de 120 petites îles, parcourues par 177 canaux. Elle se trouve à 4 km de la terre ferme, à laquelle elle est réunie par un pont ferroviaire et routier (pont de la Liberté). Elle est à 2 km de la mer, dont elle est séparée par un long cordon littoral (cordons de Pellestrina, du Lido de Venise, de Cavallino). Fondée au vie s. apr. J.-C., Venise a connu très tôt une étonnante prospérité. Dès le Moyen Âge, l’aspect actuel de l’urbanisme vénitien est fixé, au moins pour la vieille ville. La cité est divisée en deux parties inégales par le Grand Canal (Canal Grande ou Canalazzo), le long duquel se pressent de magnifiques palais avec portiques et loggias. On distingue, dans le paysage urbain, une ville byzantine (symbolisée par la basilique Saint-Marc), une ville gothique (palais des Doges), une ville de la Renaissance (tour de l’Horloge), dans un lacis de ruelles enjambant les canaux par de nombreux petits ponts et par trois grands ponts au-dessus du Grand Canal (de l’Académie, du Rialto, des Scalzi). Le joyau de l’ensemble est la place Saint-Marc, mais on compte près de 400 palais dignes d’intérêt. Toutefois, ce n’est là qu’une partie de Venise (7 km2). Devant le manque d’espace, diverses activités ont été transférées sur d’autres îles ou cordons littoraux : à Chioggia, à Burano, à Malamocco pour la pêche, à Murano pour l’industrie du verre, à Sottomarina pour les cultures maraîchères. Après l’ouverture du pont ferroviaire (1841-1846), Venise s’est encore étendue : le Lido est devenu le haut lieu du tourisme de luxe. Le pont routier a accéléré le développement sur la terre ferme de la fonction de résidence à Mestre avec, non loin, l’aéroport de Venise. Enfin, à partir des années 1923-1926, il y a eu l’essor industriel de Porto Marghera, au sud-ouest de Mestre ; de vastes zones industrielles ont été créées d’abord avec prédominance du secteur métallurgique (travail des métaux non ferreux notamment), puis passage affirmé à la grande industrie chimique. Celle-ci a nécessité la construction d’un port pétrolier doublant à Porto Marghera le port de voyageurs (24 Mt et 300 000 passagers). Les fonctions de Venise sont donc diverses. Outre une fonction administrative, le tourisme émerge ; c’est l’activité la plus célèbre. Le tourisme attire chaque année plusieurs millions de visiteurs, mais il y a aussi une très intense fréquentation balnéaire sur le Lido et les autres cordons littoraux (Iesolo notamment). L’activité commerciale qui en découle est très vive, depuis le magasin de souvenirs jusqu’aux nombreuses embarcations (vaporetto ou gondole) assurant le trafic sur les canaux. Le rôle culturel de Venise est notable, par ses manifestations internationales (Biennale internationale d’art, festival du Film) et par ses instituts universitaires (Ca’ Foscari). C’est pourtant l’industrie qui occupe désormais le plus grand nombre de personnes (44 000 emplois).

C’est d’elle aussi que viennent tous les problèmes. La pollution et le tassement du sol lié à l’exploitation de puits artésiens accélèrent la dégradation des maisons et l’affaissement de Venise dans sa lagune. Les remous engendrés par les embarcations à moteur ajoutent leurs effets néfastes : 60 p. 100 des maisons doivent être rénovées et la mer envahit la place Saint-Marc au moment des grandes marées. La Venise historique est menacée de mort ; une loi spéciale de sauvegarde a été votée en Italie, mais l’aide des organisations internationales est indispensable. Dans l’immédiat, c’est sur la terre ferme que Venise grandit. La vieille ville est abandonnée par ses résidents, surtout les jeunes. En dix ans, la commune s’est accrue de 17 000 habitants seulement, alors que le croît naturel a été de 28 000 personnes. C’est là le signe d’un malaise économique évident, d’une contradiction entre le passé glorieux et l’avenir incertain.

E. D.

➙ Vénétie.


L’histoire de Venise


La naissance de Venise


La fuite dans les lagunes

Fuyant les Lombards, les habitants d’Aquilée, de Padoue et d’Altino se réfugient, avant la fin du vie s., sur les îlots qui parsèment les lagunes des bouches de l’Isonzo à celles du Reno, où vivent de misérables pécheurs, transporteurs et sauniers : les Venetici. Ces réfugiés ne reconnaissent que la seule autorité de l’exarque byzantin de Ravenne.


Le temps de Grado et d’Eraclea

Au viie s., le plus important groupement de réfugiés est celui des Frioulans, établis au nord entre l’Isonzo et la Piave, là où s’élèvent les centres religieux et politiques de la Vénétie byzantine : Grado, refuge de l’archevêque d’Aquilée ; Eraclea (appelée aussi Cittanova), ville nouvelle où l’empereur Héraclius établit son représentant, le magister militum.

Vers la fin du viie s. ou le début du viiie s., le pouvoir passe à un magistrat élu, le doge (dux). La personnalité des deux premiers doges — Paoluccio Anafesto (697-717 [qui ne serait autre que l’exarque de Ravenne Paul ?]) et Marcello Tegalliano (717-726 [peut-être encore un magister militum ?]) — reste obscure. Le troisième doge, Orso Ipato (726-737), porte, en revanche, un nom indigène. Son assassinat, qui provoque le retour du gouvernement des magistri militum de 737 à 742, est suivi du coup d’État vengeur de Deodato Ipato en 742. La domination byzantine, déjà ébranlée par la crise iconoclaste, sort affaiblie de ces années de troubles.


Le transfert à Malamocco (742-810)