Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

végétation (suite)

On voit les inconvénients, mais aussi les avantages d’une telle approche du tapis végétal. La démarche reste surtout qualitative, traitant de grands ensembles, de l’extérieur en quelque sorte. Mais ces définitions structurales et physionomiques rendent une telle classification applicable à toute la planète, mettant en évidence les grands contrastes bioclimatiques, qui sont d’abord zonaux. On a beaucoup parlé de la loi de zonalité formulée par Vassili Vassilievitch Dokoutchaïev (1846-1903) pour les sols du monde : ce fut en quelque sorte l’acte de naissance de la pédologie. Il existe une loi analogue pour la végétation, entrevue par A. von Humboldt* et formulée par Wilhelm Philipp Schimper (1808-1880). À la suite de Pierre Dansereau, on peut en donner l’énoncé suivant : « Les régions terrestres où règne le même climat développeront la même structure de végétation, même si elles n’ont entre elles aucune affinité floristique. »

Aussi comprend-on que la classification des types physionomiques et structuraux de la végétation ait tenté beaucoup d’auteurs, qui ont essayé d’affiner et de préciser les distinctions établies presque d’emblée par le sens commun. Et, malgré les réserves qu’appelle toute généralisation, malgré l’insuffisance d’une telle classification lorsqu’il s’agit d’aborder les faciès régionaux, il est remarquable que le comité spécialisé de l’Unesco se soit, à plusieurs reprises (1964, 1965, 1971), intéressé à son élaboration.


Les classifications des formations végétales

Depuis plus d’un siècle, deux grands critères semblent avoir présidé à l’élaboration des diverses classifications qui ont été proposées : le degré de recouvrement du sol par la végétation ; la hauteur de la formation (l’épaisseur de la biosphère dans sa partie aérienne et la distinction entre les arbres et les herbes, les végétaux ligneux et les autres). Certaines classifications avancent au premier rang le second de ces critères : la coupure principale se situe entre les forêts, c’est-à-dire des formations élevées, à arbres, et les prairies, les savanes, les pelouses, c’est-à-dire des formations plus basses, à herbes. D’autres classifications distinguent d’abord des groupements végétaux fermés et des groupements végétaux ouverts, opposant ainsi forêts fermées et savanes, d’une part, à forêts ouvertes et steppes, d’autre part.

Certains autres critères importants sont toujours pris en considération dans ces classifications : on distingue des formations toujours vertes (ou sempervirentes) et des formations à feuilles caduques (ou tropophiles ou décidues). Des critères structuraux peuvent être retenus, tels que les strates forestières, la hiérarchie des tailles et des formes dans les systèmes ouverts à boqueteaux. Enfin, on associe fréquemment à ces critères physionomiques et structuraux certaines particularités des conditions de milieu qui peuvent être appréhendées par une observation immédiate : c’est ainsi que l’on parle de formations forestières marquées par la fréquence des nuages (ou Nebelwälder), de forêts « humides » ou « sèches », en signifiant par-là que leurs habitats sont plus humides ou plus secs que le cas général... Avant d’examiner les grandes formations végétales du monde, il est important de bien définir les critères de distinction proposés.


Formations forestières et formations herbacées

Dans la plupart des manuels, la distinction n’est pas abordée en tant que telle, comme si elle allait de soi, chacun distinguant immédiatement un arbre d’une herbe.

Une herbe est une plante dont la tige, molle et verte, meurt chaque année. La croissance de son organe le plus élevé, repartant à zéro chaque année, ne lui permet pas d’atteindre la taille des grands arbres. D’autre part l’absence d’aoûtement et de tissu de soutien oppose les herbes à toutes les autres plantes ligneuses, chez lesquelles la croissance de la tige a un caractère cumulatif d’une année sur l’autre, même lorsqu’il s’agit de plantes de très petite taille.

Ce premier caractère des plantes herbacées est parfaitement réalisé dans les plantes annuelles, ou thérophytes (plantes de la belle saison), qui accomplissent tout leur cycle végétatif, de la graine à la graine, en moins d’un an, parfois en quelques semaines. La formation végétale correspondante est en conséquence éphémère, même si elle est dense. C’est le cas de certaines formations herbacées des régions semi-désertiques.

Par contre, la formation appelée prairie, steppe ou pelouse correspond à des plantes herbacées vivaces (ou, à la rigueur, bisannuelles) et hémicryptophytes. Ce dernier terme désigne des plantes herbacées à demi cachées, qui ont leurs bourgeons dormant au ras du sol, la plupart du temps entourés de feuilles protectrices actives ou sèches. Dans les trois grands types biologiques distingués par Christen Raunkiaer pour les plantes herbacées, thérophytes, cryptophytes (dont géophytes, hélophytes, hydrophytes) et hémicryptophytes, seul ce dernier groupe assure toute l’année à la formation herbeuse un minimum de feuilles vertes persistantes et une couverture minimale du sol pendant la mauvaise saison. Seul un tapis neigeux peut en faire disparaître le spectacle. D’ailleurs, ce qui est vrai de la prairie ou de la steppe vaut également pour les pâtures hivernales ou d’arrière-saison, ainsi que pour les gazons décoratifs.

Dans tous les cas, la croissance de la biomasse des formations herbacées est rapide. Dans le cas des plantes annuelles, les graines peuvent être grosses, et les réserves importantes qu’elles contiennent permettent un déploiement rapide de l’appareil assimilateur ; ou alors les graines sont très nombreuses (comparativement à un arbre par exemple) et permettent, plus lentement que dans le cas précédent, il est vrai, un tapis herbacé serré. Dans le cas des vivaces, la croissance des tiges et des feuilles caulinaires est également rapide grâce à l’utilisation des réserves contenues dans un appareil souterrain développé, bulbe, rhizome, racine pivotante de fort diamètre...

Tels sont les principaux caractères habituellement retenus pour qualifier les herbes et les formations herbacées. Ils sont quelquefois insuffisants, comme on le verra plus loin.