Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vega Carpio (Felix Lope de) (suite)

Entre 1630 et 1635, les dernières années de sa vie, Lope, assagi, désabusé, ne laisse pas de sourire et d’amuser, de plaider pour les faibles — pour lui-même —, de séduire et d’enchanter. Sur scène, le duel des rivaux fait place au duo concerté des amoureux ; son deus ex machina se montre compréhensif et, à point nommé, invente une fin heureuse. Lope écrit alors Si no vieran las mujeres, La noche de san Juan, Las bizarrías de Belisa, Contra el valor no hay desdicha, Amar servir y esperar et l’excellent Castigo sin venganza (le Châtiment sans vengeance).

En 1634, il publie coup sur coup un poème héroïco-burlesque sur les chats, La gatomaquia (la Gatomachie) et un recueil de poèmes, Rimas humanas y divinas del licenciado Tomé de Burguillos. En 1635, il meurt la plume à la main. Depuis longtemps, il ne lisait plus. « On ne peut tout faire », disait-il. Il avait perdu le contact avec la nouvelle société. Il laisse tomber le sceptre. Calderón* le recueille.

L’Espagne va peu à peu se couper en deux. D’une part, il y aura le peuple mêlé qui se retrouve dans les corrales : les bourgeois, les lettrés, les fonctionnaires, les clercs, les artisans, qui rêvent d’un monde périmé, d’ailleurs purement imaginaire, où tous étaient égaux, « les uns plus, les autres moins » ; d’autre part, il y a le monde fermé de la Cour, arrogant et distant, qui va, désormais, chercher son image idéale, pour fuir sa réalité, dans les théâtres des palais royaux, où l’on monte de grands spectacles au moyen de machines ingénieuses, de décors peints et, en perspective, de rideaux s’ouvrant et se fermant, d’orchestres et de chœurs.

Une telle production, si liée aux événements, aux courants éphémères de pensée, à la mentalité fluctuante d’une nation à la dérive, aurait dû passer vite de mode. Il n’en est rien. Sa frivolité et sa superficialité l’ancrent profondément dans une humanité éternelle : les classes sociales ne cesseront jamais de se heurter, de se brouiller, de se réconcilier ; les deux sexes ne cesseront jamais de s’affronter, avec de secondes intentions, dans l’enjouement de la jeunesse, les ris et les pleurs ; l’homme convoitera toujours les hochets des honneurs ; il aspirera toujours, en sa faiblesse, au pouvoir et à la force, et, en sa force, au doux répit de la faiblesse. La comédie espagnole, dont Lope de Vega fut le thuriféraire, explore et arpente le domaine poétique du quotidien. L’Espagnol ordinaire l’applaudit et l’applaudira encore deux siècles au moins, refondant selon les besoins de l’heure ses vieilles pièces et celles de ses émules. Maintenant, il parcourt du regard ce vaste champ où plus rien ne pousse avec la satisfaction de l’héritier, pauvre mais fier, et avec de la nostalgie pour ce paradis perdu. L’étranger même, qui aborde l’œuvre immense du poète, succombe à son charme. Lope rêvait et il rêve avec lui. Ce qui reste dans les livres n’est pas lettre morte. Les mots chantent, dansent et jouent.

C. V. A.

 M. Menéndez y Pelayo, Estudios sobre el teatro de Lope de Vega (Madrid, 1919-1927 ; nouv. éd., 1949 ; 6 vol.). / H. A. Rennert et A. Castro, Vida de Lope de Vega (Madrid, 1919). / J. Fernández Montesinos, Estudios sobre Lope (Mexico, 1951). / G. Laplane, Belardo ou la Vie de Lope de Vega (Hachette, 1963). / K. Vossler, Lope de Vega y su tiempo (Madrid, 1963).

végétal

Le règne végétal, qui s’oppose aux règnes animal et minéral, est formé par l’ensemble de la flore mondiale et se distingue grâce à de nombreux caractères.


Il en partage un certain nombre avec la faune et constitue avec elle le monde vivant. L’un et l’autre, en effet, ont l’apanage de la vie*, définie par l’activité physiologique permettant la nutrition*, la respiration*, l’excrétion*, la croissance* et la reproduction* ; le mouvement est plus facile à mettre en évidence chez les animaux, mais certains végétaux en montrent quelques exemples (nasties, tropismes...), et tous possèdent des cytoplasmes animés de mouvements de cyclose.

S’il tombe sous le sens de reconnaître un Mammifère d’une Angiosperme, la distinction entre Protozoaires et Protophytes, voire entre animaux et végétaux inférieurs requiert le recours à des critères scientifiques plus précis. Au niveau cellulaire, la structure est identique par son plan général, mais l’existence de cellulose*, constituant essentiel de la membrane squelettique, est typique du règne végétal, à tel point que sa présence ou son absence permet de classer les cas difficiles. Les plastes et surtout les chloroplastes, qui permettent la photosynthèse*, sont aussi l’indication certaine de l’appartenance au monde végétal, mais certains individus ou même certains groupes végétaux en sont totalement dépourvus (Champignons, Angiospermes parasites ou saprophytes [Melampyrum, Rhinanthus]). L’importance généralement grande du vacuome dans le cytoplasme végétal n’est pas un caractère aussi absolu que les précédents, car quelques cellules animales ont des vacuoles* développées, alors que des cellules végétales (jeunes en particulier) en ont de très discrètes.

Les Bactéries*, longtemps considérées par certains auteurs comme un groupe de végétaux inférieurs, en sont maintenant séparées par la plupart d’entre eux.

Répondent à la définition de végétaux les Champignons*, les Algues*, les Lichens*, les Bryophytes*, les Fougères* et les Phanérogames*. Les premiers sont des êtres hétérotrophes possédant un thalle siphoné (Siphonomycètes) ou cloisonné (Eumycètes). Cette structure cellulaire, souvent incomplète, liée à l’absence de chlorophylle, caractérise ce groupe. Les Algues, végétaux aquatiques, possèdent par contre dans leurs thalles de la chlorophylle accompagnée de pigments surnuméraires qui les rendent autotrophes, capables de se nourrir à partir d’éléments minéraux seulement : eau, sels, gaz carbonique contenu dans l’eau. Les Lichens, symbiose entre deux végétaux, Algue et Champignon, appartiennent à ce double titre au monde végétal. Les Bryophytes, autotrophes, possèdent des feuilles bien reconnaissables, alors que tiges et racines ne présentent pas encore leurs caractères typiques. La reproduction s’y fait par spores (portées par le sporophyte), qui, en germant, donnent un protonéma sur lequel se développent les éléments feuilles sexués (gamétophytes).