Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vaud (suite)

 C. Gilliard, la Conquête du pays de Vaud par les Bernois (Éd. la Concorde, Lausanne, 1936) ; Pages d’histoire vaudoise (Soc. académique vaudoise, Lausanne, 1959). / R. Paquier, le Pays de Vaud, des origines à la conquête bernoise (Libr. Rouge, Lausanne, 1942 ; 2 vol.). / 150 Ans d’histoire vaudoise, 1803-1953 (Payot, Lausanne, 1953). / J.-F. Poudret, Enquêtes sur la coutume du pays de Vaud et coutumiers vaudois à la fin du Moyen Âge (Bâle et Stuttgart, 1967) ; Nouvelles Pages d’histoire vaudoise (Bibl. historique vaudoise, Lausanne, 1967).

vaudeville

Comédie légère, fondée sur la virtuosité technique et sur la mécanique du rire.



« Une pensée qui se métamorphose en machine. »

Petite chanson joyeuse régalant les bonnes gens du xive s., « le vau de vire » va parcourir un long chemin. Les rives de la Vire lui servent-elles vraiment de marraines ? Témoignent-elles seulement des « allées » et « venues » sous forme de mimiques et pantomimes qui l’accompagnent ? On ne sait. Aux œuvres anonymes figurant dans des manuscrits de Bayeux et de Vire du xve s., l’amour aussi bien que l’histoire offrent leurs thèmes parmi tant d’autres ; ces œuvres sont dues peut-être pour certaines au poète Olivier Basselin. Au xviie s., Jean Le Houx (v. 1551-1616) s’illustre dans le genre. Se déformant en « vaudeville », la chanson tourne à l’air bachique, à la satire. Bientôt elle agrémente les pièces de théâtre. Et un jour, de la ritournelle délaissée, celui-ci, au xixe s., ne conservera que le nom. Célèbre et décrié, se survivant toujours, le vaudeville, fondé sur la technique et la rigueur dans la légèreté et, de plus en plus, le rire, triomphe sous le second Empire et la IIIe République.


« Jamais on ne parla tant de mode d’emploi, de plans, de constructions ingénieuses, de recettes infaillibles, de théâtre bien fait. »

Les temps aiment le bel ouvrage. Eugène Scribe (1791-1861) donne le signal, fournissant pour longtemps à la scène française modèle et idéal de la bonne pièce, dont Bataille de dames (1851), par exemple, représente le type parfait. La bourgeoisie triomphante et tyrannique, par qui va vivre le théâtre, se reconnaît en lui et réserve un franc succès tant aux comédies glorifiant le matérialisme qu’aux vaudevilles pathétiques ou comiques, dont elle raffole. Maintenant, la combinaison dramatique ne s’intéresse qu’à elle-même. La virtuosité technique broie tout dans son moule, faits, caractères, personnages. Il ne subsiste que les rouages d’une mécanique impeccable. La venue de l’« Oncle Sarcey » ne contribue pas peu à diriger et à maintenir dans cette direction les goûts du public bourgeois. Journaliste (le Figaro, le Temps), conférencier, critique dramatique, Francisque Sarcey (1827-1899) prononce des oracles sans appel, ne tendant qu’à promouvoir un théâtre technique tenant pour fort secondaires vérité d’observation, profondeur de pensée ou poésie. Le passage se fait donc naturellement du vaudeville à la Scribe à la comédie de mœurs lancée par Alexandre Dumas fils (1824-1895). Entre les mains de ce dernier, les règles du nouvel art dramatique deviennent un instrument pour aborder les questions sociales (Francillon, 1887). Ces règles étroites, ces mécanismes rigoureux, on les retrouve également chez deux auteurs à succès du temps, Émile Augier (1820-1889) et Victorien Sardou (1831-1908). Ceux-ci les emploient avec constance non seulement dans leurs pièces comiques, mais aussi dans leurs comédies sociales, véritables vaudevilles « sérieux », sans réelle profondeur. En cela, ils suivent d’ailleurs la voie tracée par Scribe lui-même avec le Mariage de raison (1826) ou encore le Mariage d’argent (1827). D’Augier, excellent miroir de la bourgeoisie de la mi-siècle, la postérité ne se souvient guère que du Gendre de Monsieur Poirier (1854). Sardou, lui, dramaturge prolixe et académicien, enfant chéri de la gloire bourgeoise, laisse surtout le souvenir de son extraordinaire aptitude à assimiler la technique scribienne sans excepter aucun des procédés multiples d’un métier consommé (Madame Sans-Gêne, 1893). Le théâtre vit à l’heure du divertissement et non de la densité de pensée, du métier et non du génie, des problèmes terre à terre et non de l’inquiétude spirituelle. Vers la fin du siècle pourtant, vers les années 80, se dessine un fort courant contre l’artificiel, l’intrigue pour l’intrigue, l’imbroglio, le mélange des genres. La vérité naturaliste des mœurs et du caractère s’efforce de se frayer un chemin ; la thèse et la psychologie s’évertuent à remplacer les péripéties (Henry Becque [1837-1899], Georges de Porto-Riche [1849-1930], François de Curel [1854-1928]). Zola attaque « cette mécanique théâtrale dont on nous rebat les oreilles [...], ces situations qui réduisent les personnages à de simples pièces d’un jeu de patience [...], indignes d’une littérature honnête ».

Mais l’ombre de Scribe demeure. Le vaudeville tient bon, les seules œuvres d’Eugène Labiche (1815-1888) remplissent dix volumes (1878-79) avec des pièces comme Embrassons-nous Folleville (1850), Mon Isménie ! (1852), l’Affaire de la rue de Lourcine (1857), les Vivacités du capitaine Tic (1861), le Plus Heureux des trois (1870) ou les Trente Millions du Gladiator (1875). Autour d’un thème à peu près constant — celui du mariage —, elles restituent le portrait fidèle et sans indulgence de la classe moyenne du second Empire, héroïne également de trois chefs-d’œuvre : Un chapeau de paille d’Italie (1851), sans cesse rejoué ; le Voyage de M. Perrichon (1860), avec son inoubliable personnage, dont la vanité le dispute à la naïveté ; la Cagnotte (1864), pleine d’alacrité.

Un nouvelliste, ancien rédacteur au ministère de l’Instruction publique, Georges Moinaux, dit Courteline (1858-1929), né à Tours, vient à son tour enrichir le répertoire du vaudeville. Il lui apporte toute une série de personnages nouveaux, hauts en gueule et en couleurs, issus de milieux qu’il possède parfaitement : l’armée et l’Administration. De l’auteur des Gaîtés de l’escadron (1886), du Train de 8 h 47 (1888), de Messieurs les ronds-de-cuir (1893), on connaît au moins le terrible adjudant Flick, persécuteur infatigable de tous les Lidoire, Biscotte et autre Potiron, et le bon et braillard capitaine Hurluret. À travers les satires savoureuses de la bureaucratie, que dans l’Article 330 (1900) dénonce la Brige au nom de Monsieur-Tout-le-Monde persécuté, on découvre également l’avocat Barbemolle (Un client sérieux, 1896), le substitut Boissonnade (Le gendarme est sans pitié, 1899) ou encore Breloc, héros du Commissaire est bon enfant (1899). À côté des exploits des tourlourous ahuris ou facétieux, des zélés autant que stupides représentants de l’Administration prennent place les inévitables aventures ou mésaventures du bon bourgeois fin de siècle, pique-assiette malheureux des Boulingrin (1898), amant trop confiant de Boubouroche (1893) ou mari excédé de la Paix chez soi (1903), toutes œuvres vivantes encore aujourd’hui.