Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Vauban (Sébastien Le Prestre de) (suite)

Plus tard, cet urbanisme s’affirme dans la conception de villes militaires comme Longwy, Neuf-Brisach, Mont-Dauphin, etc. Dans le même temps, la variété des problèmes que posent l’aménagement des voies d’accès, l’établissement des ponts et des digues, l’alimentation en eau, le creusement des égouts, etc., montrent l’ingéniosité du maître et sa science de l’hydraulique. Vauban dirige notamment la construction du canal des Deux-Mers ; Louis XIV fait appel à lui pour le problème que pose l’approvisionnement de Versailles en eau.

Tant de mérites auraient dû valoir à Vauban le bâton de maréchal bien avant 1703. Vauban n’obtient cependant cette distinction que trois ans avant d’être contraint à quitter le service du roi. Ce dernier lui a sans doute manifesté une certaine froideur, car les conseils de Vauban n’étaient pas toujours bienvenus... Des mémoires (tels ceux qui avaient été adressés au roi pour s’opposer à la révocation de l’édit de Nantes, celui qui définissait l’« intérêt présent des États de la chrétienté » [1701], sans parler du célèbre rapport de janvier 1673, qui proposait la transformation de la frontière du Nord en un précarré) démontraient que Vauban avait le sens de la politique, mais de tels écrits ne plaisaient pas toujours au roi et à son entourage.

À soixante-treize ans, Vauban se retire donc en faisant valoir des raisons de santé. On ne le retient pas, car il a eu déjà la déception de se voir refuser la direction du siège de Turin (1706), puis d’apprendre l’échec de cette entreprise. Resté dans sa demeure, Vauban rédige son Projet d’une dîme royale, où il se révèle un précurseur en économie ; il y propose d’établir un impôt proportionnel, frappant le revenu de tous les citoyens. Vauban avait déjà publié plusieurs opuscules, comme son mémoire sur l’impôt de capitation (1695) et les célèbres Oisivetés (publiées en 1842-43).

Le vieux maréchal connaîtra pourtant le chagrin de voir le Projet d’une dîme royale, ouvrage qui avait produit une émotion considérable, saisi par décision judiciaire le 14 février 1707. Ce signe d’une disgrâce complète précipitera peut-être sa fin, car il ne résistera point à une fluxion de poitrine et mourra le 30 mars.

P. R.

➙ Fortification / Louis XIV.

 P. Lazard, Vauban (Alcan, 1934). / A. Rébelliau, Vauban (Fayard, 1962). / R. Mousnier, la Dîme de Vauban (C. D. U., 1968). / M. Parent et J. Verroust, Vauban (Freal, 1971).

Vaucluse. 84

Départ. de la Région Provence*-Côte d’Azur ; 3 566 km2 ; 390 446 hab. Ch.-l. Avignon*. S.-pr. Apt et Carpentras.


Le comtat Venaissin (capit. Carpentras) et le territoire d’Avignon étant restés terres pontificales de 1274 à 1791, la région a été rattachée tardivement au territoire national ; le département a été créé par adjonction, à cette dernière date, d’une partie de la Provence et de la principauté d’Orange.

Le milieu physique, nettement contrasté, peut se ramener à deux ensembles essentiels. À l’est, des chaînons et des plateaux calcaires d’orientation ouest-est composent un paysage « provençal » et multiplient les sites d’habitat perché avec l’anticlinal crétacé du Luberon, sur une soixantaine de kilomètres, et les monts de Vaucluse (1 242 m au signal Saint-Pierre). Mais le sommet du Ventoux, qui culmine à 1 912 m, monumental dans son isolement, est déjà un avant-poste alpin. À l’ouest, dans l’angle formé par le Rhône et la Durance* s’insère le Comtat, une plaine alluviale remblayée par le fleuve et ses affluents alpestres. Parfois encombré de galets (crau) ou mal égoutté (palud), le Comtat reste pour l’essentiel une huerta soigneusement cultivée, première région maraîchère et légumière de France avec le Roussillon.

Il présente un paysage très humanisé dans une campagne élaborée, avec son habitat dispersé, ses haies de cyprès, de cannes de Provence et de peupliers délimitant des parcelles sur lesquelles se succèdent plusieurs récoltes. Sous le soleil méridional, sa richesse est due à la maîtrise de l’eau (endiguement et régularisation des fleuves) et aux techniques d’irrigation. Celles-ci sont anciennes, les premières concessions connues remontant à l’époque médiévale : canal de Saint-Julien, dû à l’évêque de Cavaillon en 1171 ; canal de l’Hôpital, attribué à l’initiative des consuls d’Avignon en 1227. Mais c’est la Durance qui fournit l’eau ; seule la région d’Orange bénéficie des apports rhodaniens par le canal de Pierrelatte, et l’essentiel de l’irrigation date du xixe s. grâce au creusement du canal de Carpentras et à la mise en place d’un système faisant pendant à celui du canal des Alpilles septentrionales au sud de la Durance.

La région la plus opulente s’inscrit dans un triangle délimité par les centres de Cavaillon, de Carpentras et de Châteaurenard (dans le département voisin des Bouches-du-Rhône). Au total, le département produit 300 000 t de légumes et 350 000 t de fruits, dont près de la moitié en pommes et le tiers en raisins ; il reste le premier centre de production du pays pour la tomate, la pomme et le melon, et il conserve un rang honorable pour la fraise, le chou-fleur. Toutefois, si les maraîchages de plein champ et les vergers se répandent largement, il reste à rappeler la survivance d’une polyculture vivrière et d’herbages ainsi que la présence d’un vignoble important. En effet, en 1970, le Vaucluse a produit 2 Mhl de vin, dont 850 000 hl d’A. O. C. (appellation d’origine contrôlée). Entre les vallées de l’Eygues et de l’Ouvèze, les surfaces occupées par la vigne dépassent les 90 p. 100 de la surface agricole utile (Sainte-Cécile-les-Vignes). Une production de qualité de vins capiteux (rasteau, gigondas, muscats de Beaumes-de-Venise) est dominée par le châteauneuf-du-pape, au bouquet incomparable (90 000 hl).