Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Varsovie (pacte de) (suite)

• La première crise intérieure du pacte intervient dès 1956. En Pologne, lors des émeutes de Poznań (juin), le gouvernement fait preuve de fermeté, affirme sa fidélité à Moscou et règle lui-même les incidents. En Hongrie, par contre, le malaise est plus profond ; les insurgés visent un socialisme plus libéral, et le gouvernement d’Imre Nagy se propose de dénoncer le pacte de Varsovie. Devant cette menace, les blindés soviétiques écrasent l’insurrection de Budapest, et le gouvernement Nagy est remplacé par le gouvernement Kádár.

À la suite de ces événements, l’U. R. S. S. signe des accords bilatéraux justifiant le stationnement des troupes soviétiques dans les États socialistes. Le dispositif militaire soviétique en Europe est, cependant, allégé, et la Roumanie est évacuée en 1958. Mais, en 1961, l’Albanie, reprochant à Moscou sa rupture avec la Chine (1960) et le rapprochement soviéto-yougoslave, décide de cesser toute participation active au pacte.

La crise de Berlin (1961) contribue à renforcer la solidarité du camp socialiste, et, la même année, se déroulent les premières grandes manœuvres des forces du pacte, qui se renouvelleront ensuite régulièrement avec une ampleur croissante. Ces manœuvres justifieront la signature, de 1963 à 1967, de nouveaux accords bilatéraux relatifs au statut des forces du pacte en territoire allié. Deux tendances se manifestent alors : Soviétiques et Allemands de l’Est souhaitent une intégration toujours plus poussée des forces du pacte, tandis que les Roumains s’y opposent au nom de leur indépendance nationale. La lutte entre ces deux tendances se matérialise dans la tension soviéto-roumaine, aggravée après 1968 et qui ne s’apaisera qu’après la signature à Bucarest, le 7 juillet 1970, d’un nouveau traité soviéto-roumain d’« amitié, d’assistance mutuelle et de coopération ».

• C’est en 1968, en Tchécoslovaquie que survient la seconde grave crise du pacte de Varsovie. Là encore, il s’agit d’une tentative de libéraliser le régime et de s’affranchir du joug soviétique. Après quelques mois d’expectative et de pression, l’U. R. S. S. intervient militairement le 27 août 1968 et, en quelques jours, occupe le territoire tchécoslovaque avec la participation de ses alliés (à l’exception de l’Albanie et de la Roumanie). Le gouvernement Dubček est remplacé par le gouvernement Husák, et l’unité du camp socialiste est rétablie. Le 16 octobre 1968, un nouvel accord entre Prague et Moscou prévoit l’évacuation de la Tchécoslovaquie par les forces bulgares, allemandes, hongroises et polonaises, mais le maintien « temporaire » de 70 000 hommes des forces soviétiques, qui, en 1977, compteront encore dans ce pays cinq divisions, dont deux blindées. Cette intervention entraîne le retrait définitif du pacte de l’Albanie (qui estime que l’article 8 en a été violé) et aggrave la tension avec la Roumanie, qui craint une opération semblable sur son sol ; Brejnev proclame en effet le droit de l’U. R. S. S. d’intervenir chez ses alliés chaque fois que « le développement du socialisme y serait menacé » (doctrine dite « de la souveraineté limitée »).

En 1969 cependant, le Comité politique consultatif du pacte, réuni à Budapest, apporte à l’organisation de l’Alliance des modifications visant à associer plus étroitement ses membres à l’élaboration des décisions : c’est ainsi que les ministres de la Défense non soviétiques, jusque-là subordonnés au commandant en chef, forment désormais avec lui le « Comité des ministres de la Défense » et que le chef d’état-major du pacte n’est plus directement rattaché au chef d’état-major général des forces armées soviétiques ; enfin, des postes importants d’état-major sont confiés à des généraux non soviétiques (en 1970, les manœuvres du pacte ont été pour la première fois dirigées par le général est-allemand Hoffman). Parallèlement à ces efforts, le commandement soviétique poursuit l’intégration des forces du pacte, dont le matériel est soviétique ou fabriqué sous licence soviétique. Il conserve le monopole absolu en matière d’armes nucléaires et une hégémonie quasi totale dans le domaine de la logistique, notamment dans le transport aérien. Dans le même temps, l’U. R. S. S. s’efforce de compléter les liens du pacte par une intégration économique plus étroite de ses membres dans le cadre du Comecon.

En 1976, les forces du pacte de Varsovie, stationnées en Europe centrale, rassemblent 65 divisions (dont 29 blindées), soit 31 soviétiques, 10 tchécoslovaques, 6 est-allemandes, 13 polonaises et 5 hongroises. À ces forces s’ajoutent, sur le flanc sud de l’Europe, les armées bulgares (5 divisions et 5 brigades) et roumaines (9 divisions), et en réserve en Ukraine environ 60 divisions soviétiques, dont un tiers de blindées et 7 aéroportées.

Sur le plan international, le groupe des États du pacte de Varsovie est intervenu fréquemment en faveur du désarmement et de la coexistence pacifique : en 1958, le Comité politique consultatif appuie la proposition polonaise de dénucléarisation de l’Europe centrale (« plan Rapacki », 1957) ; en 1966, il lance à Bucarest l’idée d’une conférence de sécurité et de coopération européenne, dont il réclame de nouveau la convocation à Budapest (1969), à Berlin (1970) et à Prague (1972). Enfin, périodiquement, Il propose la dissolution simultanée des pactes Atlantique et de Varsovie, dissolution qui laisserait toutefois subsister à l’Est tout le réseau d’accords bilatéraux entre les pays membres et l’U. R. S. S.

B. de B.

➙ Atlantique Nord (traité de l’) / Europe / Stratégie / U. R. S. S.

 K. Grzybowski, The Socialist Commonwealth of Nations. Organization and Institutions (New Haven, Connect., 1964). / R. J. Dupuy et M. Bettati, le Pacte de Varsovie (A. Colin, 1969).