Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Varsovie (suite)

Remise en 1795 aux Prussiens en vertu du troisième partage de la Pologne, capitale du grand-duché de Varsovie, créé le 7 juillet 1807, la ville devient en outre, le 22 juillet, le chef-lieu de l’un des six départements du nouvel État et est dotée à ce titre d’une cour d’appel. Elle est occupée temporairement par les Autrichiens le 19 avril 1809 ; bientôt libérée par Jan Henryk Dąbrowski (1755-1818), elle est reconquise en février 1813 par les Russes, qui en font la capitale du nouveau royaume de Pologne. Résidence du vice-roi (le grand-duc Constantin), qui représente, au palais du Belvédère, le souverain (le tsar de Russie) en vertu des conventions du 3 mai 1815, elle connaît un important essor industriel à partir de 1817 (métallurgie, draperie, lin), essor soutenu, à partir de 1828, par la banque de Pologne, alors fondée dans cette ville. Mais sa population supporte impatiemment la présence russe. La Société des amis des sciences de Varsovie, créée en 1800 par Tadeusz Czacki (1765-1813), la Maison d’éducation, constituée au temps du grand-duché, enfin l’université et l’École polytechnique, fondées respectivement en 1816 et en 1825, font de Varsovie le grand centre de la vie intellectuelle polonaise et donc de l’opposition à l’occupant russe. Stimulée par la condamnation, le 30 juin 1828, des membres de la Société nationale patriotique, qui ont soutenu en 1825 la conspiration des décabristes, cette opposition est le fait surtout des militaires et encore plus des universitaires, qui s’unissent en décembre 1828 pour la défense de la Constitution à l’initiative de Piotr Wysocki (1797-1874), instructeur à l’École des enseignes d’infanterie de Varsovie. Le couronnement, dans cette ville, de Nicolas Ier comme roi de Pologne le 24 mai 1829 n’arrête pas l’action révolutionnaire : le soulèvement du 29 novembre 1830 a pour objet d’empêcher une utilisation éventuelle de l’armée polonaise contre la monarchie de Juillet, fille de la révolution de 1830. Siège du gouvernement provisoire, puis du gouvernement national, constitué le 30 janvier 1831, acceptant dès le 5 décembre 1830 le régime dictatorial du général Józef Chłopicki (1771-1854), qui brise à Grochów, aux portes de la capitale, l’assaut des Russes le 25 février 1831, Varsovie est menacée dès juillet par les forces russes. La Société patriotique, fondée en décembre 1830 par les rouges, s’oppose alors au gouvernement national, qui doit se retirer le 17 août 1831 au profit du général Jan Krukowiecki (1772-1850), nommé dès le 15 gouverneur de la capitale par les émeutiers, qui ont massacré les détenus soupçonnés d’espionnage. Mais, attaquée le 6 septembre, la ville capitule dans la nuit du 7 et est réoccupée le 8 au matin par les Russes, dont l’action explique la célèbre déclaration du comte H. F. Sebastiani de la Porta à la Chambre des députés le 16 : « L’ordre règne à Varsovie. » En fait, celui-ci est durement maintenu par le vainqueur, le général Ivan Fedorovitch Paskevitch (1782-1856), nommé en 1832 gouverneur du royaume et prince de Varsovie. L’université est fermée dès le 9 novembre 1831, la Société des amis des sciences est dissoute le 6 avril 1832, et la Bibliothèque publique est dépouillée de 150 000 volumes ; Nicolas Ier fait ériger la citadelle (1832-1834) pour prévenir une nouvelle insurrection dans la capitale. En partie pour apaiser l’ardeur nationaliste des étudiants de l’école des beaux-arts et de l’Académie de médecine, fondées respectivement en 1844 et en 1857, Alexandre II annonce le 23 mai 1856 à Varsovie sa volonté de maintenir l’ordre établi par son père et il y reçoit en octobre 1860 François-Joseph Ier d’Autriche et le prince Guillaume, régent de Prusse, provoquant des incidents d’abord sans gravité. Mais, le 25 février 1861, une procession est organisée pour célébrer l’anniversaire de la bataille de Grabów, suivie le 27 par une manifestation, au cours de laquelle cinq polonais sont tués. A. M. Gortchakov doit accepter la création d’une Délégation civique, qu’Aleksander Wielopolski (1803-1877) dissout le 4 avril suivant. La Société agricole subit le même sort le 6 avril. Manifestant sur la place du château (Zamek) le 8, deux cents Varsoviens sont tués, plusieurs milliers sont blessés et leur ville est mise en état de siège.

Un moment apaisés par le rétablissement de l’université de Varsovie sous le nom d’École centrale en octobre 1862, les habitants se révoltent dans la nuit du 22 au 23 janvier 1863 à la suite de l’arrestation de nombreuses jeunes recrues polonaises dans les maisons de la capitale dans la nuit du 14 au 15. La répression s’abat impitoyablement. Le chef des insurgés, Romuald Traugutt (1826-1864), est exécuté le 5 août 1864 sur les glacis de la citadelle ; en 1869, l’université est russifiée, puis une cathédrale orthodoxe est édifiée au cœur de la capitale.

Favorisé par la jonction des réseaux ferroviaires européens, à écartement normal à l’ouest et à écartement large à l’est, l’essor industriel de Varsovie entraîne une forte progression de sa population (276 000 habitants en 1872 ; 797 300 en 1911).

Varsovie participe activement à la révolution de 1905-1907. Des grèves ouvrières et scolaires éclatent dès janvier 1905, et des réformes constitutionnelles, qui permettent un certain réveil de la vie intellectuelle, sont consenties. Siège d’un Comité national constitué en 1914, Varsovie est occupée le 5 août 1915 par les Allemands, qui y établissent Hans Hartwig von Beseler (1850-1921) comme gouverneur général. L’Allemagne, qui polonise l’université et procède le 12 septembre 1917 à l’établissement d’un Conseil de régence, accepte l’installation de Piłsudski* à Varsovie le 10 novembre 1918.

Le grand-duché de Varsovie

À l’exception de Dantzig (Gdańsk), érigée en ville libre, et du cercle de Białystok, donné à la Russie, cet État est constitué avec les provinces polonaises enlevées à la Prusse aux termes des traités franco-russes de Tilsit des 7 et 9 juillet 1807. Confié à l’Électeur de Saxe Frédéric-Auguste Ier, dont la Constitution du 3 mai 1791 avait déjà fait un roi héréditaire de Pologne, le nouveau grand-duché de Varsovie compte 2 400 000 habitants, répartis sur 100 000 km2. Le 22 juillet 1807, Napoléon Ier le dote d’un Statut constitutionnel, dont il dicte lui-même les 89 articles. Résidant à Dresde, le grand-duc, secondé par six ministres, détient le pouvoir exécutif et partage le pouvoir législatif avec la Diète, composée d’un Sénat et d’une Chambre des nonces (députés), qui siège quinze jours tous les deux ans. L’égalité des citoyens devant la loi est proclamée ; le servage est aboli ; le code Napoléon est adopté ; le territoire est divisé en six départements ; enfin, une armée active de 30 000 hommes est constituée par le prince Józef Poniatowski (1763-1813) et doit se joindre, en cas de guerre, aux forces de la Confédération du Rhin. La remise en état des routes, la régularisation du cours de la Vistule, l’augmentation de 150 à 1 100 du nombre des écoles primaires, la création, en 1807, d’une Maison d’éducation et, en 1808, d’une École de droit à Varsovie favorisent le réveil économique et intellectuel de la principauté.