Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Van Ostade (les) (suite)

Van Ostade ne nous montre pas ses paysans au travail : au contraire, ils se divertissent, ripaillent et fument. Souvent, le décor est humble, l’allure dépenaillée, mais tout son petit monde sympathique (camelots, savetiers, ménestrels, paysans, enfants à l’école) respire la joie de vivre. Ses tableaux, bien qu’assez stéréotypés, ont été imités de son vivant en raison de cette note d’humour et de chaleur humaine, à laquelle s’ajoute un sens vif de la composition et de l’harmonie des couleurs.

Entre 1630 et 1640, sous l’ascendant d’Adriaen Brouwer*, le trait est caricatural et les œuvres sont empreintes d’ironie et d’esprit satirique. Des estaminets enfumés, de rustiques chaumières abritent les danses, les beuveries et les bagarres de petits personnages. Quelques rares touches délicates illuminent une ambiance grise et froide ; par la porte entrouverte, un faible rai de lumière éclaire le désordre, le sol en terre battue jonché de brindilles et de cartes à jouer. Sensible à l’influence de Rembrandt*, aux alentours de 1640, Van Ostade adopte une palette plus sombre et plus chaude ; quelques meubles apparaissent dans des intérieurs accueillants. Le clair-obscur élargit l’espace où évoluent des figures plus calmes et un peu plus grandes, vêtues avec un certain raffinement. Une note spirituelle succède dans ces compositions aux bousculades et à l’entassement des débuts ; toujours entourés de marmots et d’animaux, les villageois, mieux individualisés, partagent leurs réjouissances avec une tranquille bonhomie.

C’est entre 1650 et 1670 que l’artiste atteint sa pleine maturité ; narrateur bienveillant des joies populaires, il campe parfois ses protagonistes en plein air (Paysans jouant aux boules, coll. priv., Amsterdam ; la Kermesse au grand arbre, dessin, coll. F. Lugt, Inst. néerlandais, Paris). Durant la dernière période, les tonalités sont fraîches et la lumière plus vive, mais l’organisation devient théâtrale et les scènes perdent leur caractère authentique. Le peintre influence nombre de ses contemporains, parmi lesquels Jan Steen (1626-1679), Michiel Van Musscher (1645-1705), ses élèves Cornelis Bega (1620-1664), Cornelis Dusart (1660-1704) et son frère Isaac.


Isaac Van Ostade

(Haarlem 1621 - id. 1649). Lors de ses débuts, il peint des intérieurs de tavernes et de chaumières, nous fait souvent assister à la « saignée du cochon ». Buveurs et mangeurs sont moins débraillés que ceux de son maître Adriaen, l’éclairage aussi est plus délicat et la palette plus raffinée. Devenu membre de la gilde de Haarlem en 1639, c’est après 1642 qu’Isaac se dégage de l’emprise de son aîné.

Les cabarets sont avenants ; les paysans y font de paisibles haltes. Isaac intègre ses personnages à l’environnement naturel et sait rendre la transparence de l’air, la diversité de la lumière. Les paysages d’hiver, animés de patineurs et de lourds traîneaux, rendus en dégradés de gris argentés, sont peut-être le meilleur de son œuvre.

A. Z.

 A. Rosenberg, Adriaen und Isack Van Ostade (Bielefeld et Leipzig, 1910). / L. Godefroy, l’Œuvre gravé de A. Van Ostade (l’auteur, Paris, 1930).

Van Scorel (Jan)

Peintre néerlandais (Schoorl, Hollande-Septentrionale, 1495 - Utrecht 1562).


Il poursuit des études humanistes à Alkmaar et, après un premier apprentissage de la peinture à Haarlem, entre pour trois ans dans l’atelier de Jacob Cornelisz (v. 1470-1533) à Amsterdam. En 1518, il entreprend un grand voyage qui le conduit à Nuremberg, où il rencontre Dürer, puis s’arrête en Carinthie et arrive enfin à Venise (1520). De là, il s’embarque avec un groupe de pèlerins pour la Terre sainte (1520-21), où il réalise d’innombrables croquis et dessins à la plume. Lors de son retour, il visite Chypre, Rhodes et la Crète avant de se rendre à Rome.

Il est le premier maître hollandais qui fasse le voyage d’Italie ; à Rome, il dessine les ruines, étudie Raphaël* et Michel Ange*. Le nouveau pontife, Adrien VI, originaire d’Utrecht, lui confie en 1522 le poste de conservateur des collections d’antiques du Belvédère, resté vacant après la disparition de Raphaël, poste qu’il occupe jusqu’à la mort du pape (septembre 1523). Il rentre alors aux Pays-Bas, séjourne quelques années à Haarlem, puis s’installe, en qualité de chanoine de l’église Sainte-Marie, à Utrecht. De caractère indépendant, il refuse de s’affilier à la gilde des peintres de la ville.

Le triptyque conservé dans l’église Saint-Martin d’Obervellach en Carinthie est sa première œuvre connue, réalisée en 1520 pour la chapelle du château de Falkenstein. Le panneau central représente la Parenté de la Vierge. Seule la Vierge à l’Enfant est idéalisée, ses parents (véritables portraits de la famille du donateur) sont groupés autour d’elle sur le fond sombre d’une place villageoise ; au sommet de ce paysage ascendant se détache le château de Falkenstein, demeure du donateur. Le traitement du paysage et de la lumière révèle l’influence des maîtres du sud de l’Allemagne, alors que la composition, le rendu précis et la richesse des costumes, les couleurs chatoyantes sont d’essence nordique et confèrent à l’ensemble une fraîcheur naïve.

Le triptyque du Dimanche des Rameaux (musée central d’Utrecht), exécuté entre 1525 et 1527 pour le doyen de la cathédrale d’Utrecht, Herman Van Lochorst, est bien différent. L’artiste n’ignore plus l’apport des Vénitiens, notamment de Giorgione* et de Palma le Vieux (v. 1480-1528). Le panneau central (l’Entrée du Christ à Jérusalem) est une scène dynamique, la foule exubérante se précipite vers le Christ. Le peintre adopte désormais la structure vénitienne de l’espace, ordonné en trois plans successifs. Quantité de figures peuplent le paysage artificiel, éclairé d’une lumière bleutée et agrémenté de rochers aux contours irréels, mais où la cité de Jérusalem se profile avec une extrême précision, grâce certainement aux croquis de voyage de l’artiste. Les figures nues ou à peine voilées (Sainte Agnès, volet gauche du triptyque Lochorst ; Saint Sébastien, 1542, musée Boymans, Rotterdam) sont révélatrices de ce maniérisme* que Van Scorel pratique maintenant avec talent.