Van Loo (les) (suite)
Son œuvre, considérable, éclectique au possible, n’est pas moins inégale : c’est la peinture brillante et creuse d’un « fa presto » — dessinateur agile et sûr, mais un peu mou —, d’un coloriste agréable, encore qu’un peu sec. Adoré de ses élèves, il est avant tout un excellent praticien, inhabile à s’exprimer verbalement et incapable de se renouveler. Grimm et Diderot exagèrent sans doute en le disant « fort bête » — « il ne savait faire que de beaux tableaux » —, mais ils n’ont pas tort de dénoncer l’absence de vie, d’action, de caractère de ses compositions religieuses (églises Saint-Sulpice et Notre-Dame-des-Victoires à Paris), héroïques ou amoureuses (le Sacrifice d’Iphigénie, Potsdam ; l’Éducation de l’Amour, Aix-en-Provence). Ces dernières n’approchent pas de la gentillesse de Boucher : on déplore la lourdeur des figures féminines comme la « touche trop douce et uniforme ». Carle nous intéresse plus aujourd’hui comme décorateur des demeures royales et peintre de genre agréable (Chasses à l’ours, au sanglier... pour le cabinet du roi à Versailles, musée d’Amiens), comme inventeur de « turqueries » peintes pour Mme de Pompadour (le Concert du Sultan, Dame turque prenant le café, musée des Arts décoratifs) ou d’« espagnolades » inspirées par Mme Geoffrin (la Conversation espagnole, la Lecture espagnole, Ermitage), et aussi comme portraitiste, qui n’est pas seulement celui de Louis XV, de Marie Leszczyńska, de Mme de Pompadour, mais a laissé également des portraits familiers, pleins de bonhomie et de sensualité.
La génération suivante prolonge le sillage des Van Loo en l’élargissant à d’autres domaines. Jean-Baptiste eut trois fils peintres : l’aîné, François, qui semblait le plus doué, mourut très jeune d’un accident de cheval en Italie. Mais le puîné, Louis Michel (Toulon 1707 - Paris 1771), à peine plus jeune que Carle, obtint le prix de Rome aussitôt après lui et partit avec son oncle en 1727. Admis en 1735 à l’Académie, déjà renommé comme portraitiste, il fut appelé à Madrid par Philippe V pour remplacer son peintre de la Chambre, Jean Ranc (1674-1735). Il y demeura de 1736 à 1752 et joua un rôle important dans la fondation de l’Académie de San Fernando, dont il fut le premier directeur. Son œuvre maîtresse est le portrait de la Famille de Philippe V à La Granja (Prado, étude à Versailles), œuvre d’apparat brillante et un peu froide, dont Goya prendra le contre-pied dans sa Famille de Charles IV. Mais, outre les portraits officiels, il en peignit de plus amènes et familiers, comme celui de l’écrivain Mayans y Siscar (1748), type nouveau en Espagne de portrait « intellectuel » à la française (collection Traumann, Madrid). Dans sa seconde période parisienne, il exécuta de nombreux et excellents portraits de grands personnages (le Marquis de Marigny, Besançon), de parents, de collègues, d’amis (Diderot, 1767, Louvre), dont il a fixé des images vivantes et cordiales.
Quant au dernier frère, Charles Amédée (Rivoli, Piémont, 1719 - Paris 1795), qui expose au Salon à partir de 1747, c’est en Prusse qu’il devait faire carrière, comme premier peintre du roi. En dehors de ses portraits officiels, il a laissé d’estimables tableaux d’histoire (le Vœu de Jephté, Dijon) et de genre (Fête campagnarde, Potsdam).
Enfin le fils de Carle, Jules César (Paris 1743 - id. 1821), prolongea la dynastie jusque sous la Restauration : abordant un genre négligé par ses aînés, il fut un bon paysagiste mineur, d’un goût nettement préromantique (Église gothique sous la neige, Fontainebleau).
P. G.