Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Van Loo (les) (suite)

Son œuvre, considérable, éclectique au possible, n’est pas moins inégale : c’est la peinture brillante et creuse d’un « fa presto » — dessinateur agile et sûr, mais un peu mou —, d’un coloriste agréable, encore qu’un peu sec. Adoré de ses élèves, il est avant tout un excellent praticien, inhabile à s’exprimer verbalement et incapable de se renouveler. Grimm et Diderot exagèrent sans doute en le disant « fort bête » — « il ne savait faire que de beaux tableaux » —, mais ils n’ont pas tort de dénoncer l’absence de vie, d’action, de caractère de ses compositions religieuses (églises Saint-Sulpice et Notre-Dame-des-Victoires à Paris), héroïques ou amoureuses (le Sacrifice d’Iphigénie, Potsdam ; l’Éducation de l’Amour, Aix-en-Provence). Ces dernières n’approchent pas de la gentillesse de Boucher : on déplore la lourdeur des figures féminines comme la « touche trop douce et uniforme ». Carle nous intéresse plus aujourd’hui comme décorateur des demeures royales et peintre de genre agréable (Chasses à l’ours, au sanglier... pour le cabinet du roi à Versailles, musée d’Amiens), comme inventeur de « turqueries » peintes pour Mme de Pompadour (le Concert du Sultan, Dame turque prenant le café, musée des Arts décoratifs) ou d’« espagnolades » inspirées par Mme Geoffrin (la Conversation espagnole, la Lecture espagnole, Ermitage), et aussi comme portraitiste, qui n’est pas seulement celui de Louis XV, de Marie Leszczyńska, de Mme de Pompadour, mais a laissé également des portraits familiers, pleins de bonhomie et de sensualité.

La génération suivante prolonge le sillage des Van Loo en l’élargissant à d’autres domaines. Jean-Baptiste eut trois fils peintres : l’aîné, François, qui semblait le plus doué, mourut très jeune d’un accident de cheval en Italie. Mais le puîné, Louis Michel (Toulon 1707 - Paris 1771), à peine plus jeune que Carle, obtint le prix de Rome aussitôt après lui et partit avec son oncle en 1727. Admis en 1735 à l’Académie, déjà renommé comme portraitiste, il fut appelé à Madrid par Philippe V pour remplacer son peintre de la Chambre, Jean Ranc (1674-1735). Il y demeura de 1736 à 1752 et joua un rôle important dans la fondation de l’Académie de San Fernando, dont il fut le premier directeur. Son œuvre maîtresse est le portrait de la Famille de Philippe V à La Granja (Prado, étude à Versailles), œuvre d’apparat brillante et un peu froide, dont Goya prendra le contre-pied dans sa Famille de Charles IV. Mais, outre les portraits officiels, il en peignit de plus amènes et familiers, comme celui de l’écrivain Mayans y Siscar (1748), type nouveau en Espagne de portrait « intellectuel » à la française (collection Traumann, Madrid). Dans sa seconde période parisienne, il exécuta de nombreux et excellents portraits de grands personnages (le Marquis de Marigny, Besançon), de parents, de collègues, d’amis (Diderot, 1767, Louvre), dont il a fixé des images vivantes et cordiales.

Quant au dernier frère, Charles Amédée (Rivoli, Piémont, 1719 - Paris 1795), qui expose au Salon à partir de 1747, c’est en Prusse qu’il devait faire carrière, comme premier peintre du roi. En dehors de ses portraits officiels, il a laissé d’estimables tableaux d’histoire (le Vœu de Jephté, Dijon) et de genre (Fête campagnarde, Potsdam).

Enfin le fils de Carle, Jules César (Paris 1743 - id. 1821), prolongea la dynastie jusque sous la Restauration : abordant un genre négligé par ses aînés, il fut un bon paysagiste mineur, d’un goût nettement préromantique (Église gothique sous la neige, Fontainebleau).

P. G.

Vannes

Ch.-l. du départ. du Morbihan ; 43 507 hab. (Vannetais).


Pendant longtemps petite ville de province, préfecture, ville de garnison, Vannes connaît aujourd’hui un grand essor démographique et spatial, un dynamisme remarquable.

Dans une situation géographique très favorable, au fond du golfe du Morbihan, Vannes est depuis l’Antiquité un grand carrefour breton. Ancienne place forte vénète, fondée sur un très vieux site néolithique (promontoire escarpé dominant au sud un chenal marécageux), résidence favorite des ducs de Bretagne au Moyen Âge, Vannes connut au xviie s. son apogée : l’activité portuaire y fut grande, tant sur le plan commercial que sur celui de la construction navale ; la ville s’enrichit de somptueux hôtels particuliers lors de l’exil du parlement, tandis que se fondèrent de nombreux monastères qui ceinturèrent la cité intra-muros de leurs grands parcs. Mais devant la concurrence de Lorient, Vannes déclina ; le calme xixe s. la dota bien d’une garnison de 5 000 hommes, mais, au milieu du xxe s., la ville, qui avait seulement crû de 10 000 habitants en un siècle et qui était dépourvue d’industries, stagnait dans un immobilisme bourgeois de bon aloi, peuplée essentiellement de fonctionnaires civils et militaires et de retraités.

Le réveil est dû aux efforts développés pour diversifier les activités économiques et surtout à l’implantation, de 1962 à 1964, d’une usine Michelin de fabrication de câbles d’acier pour pneus à carcasse radiale qui constitue aujourd’hui, avec 1 600 employés et 110 t d’acier traitées chaque jour, la première entreprise du Morbihan. La zone industrielle, qui a, par ailleurs, accueilli de petites entreprises de confection, de plastique et d’alimentation, offre environ 2 500 emplois.

Cette industrialisation, discrète mais efficace, a eu d’heureux retentissements sur la ville et sa région, dont elle a arrêté l’hémorragie démographique. Devenue pôle d’attraction, Vannes s’est accrue de plus de 20 p. 100 entre 1962 et 1968 (3,3 p. 100 par an mais moins vite de 1968 à 1975) et constitue avec les communes suburbaines, où se recrute une grande partie des ouvriers de Michelin, une agglomération de 60 000 habitants.

L’afflux de population (bilan migratoire positif de 6 500 personnes de 1954 à 1968), le rajeunissement (taux de natalité de 21 p. 1 000) ont provoqué une urbanisation galopante ; 7 000 logements ont été construits en vingt ans, en majorité des H. L. M. Mais l’expansion spatiale ne va pas sans problèmes. Les contraintes tiennent au site (coupure du port au sud), au passé historique, qu’il faut sauvegarder (noyau intra-muros et remparts, demeures anciennes, jardins publics), mais aussi à l’urbanisme spontané et désordonné des deux derniers siècles (emprise des casernes, de l’arsenal, des hôpitaux au centre, de la voie ferrée au nord, de la zone industrielle à l’est). L’agglomération moderne, que la circulation de transit évite désormais, se développe, selon un « urbanisme en grappes », par la construction de nouvelles cités à l’ouest (Kercado) et au nord-ouest (Menimur), qu’un programme de rocades et de pénétrantes doit relier au centre.