Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Valois (suite)

Le retour des apanages à la Couronne

Ayant contribué à mettre en cause la survie même de la monarchie, la cohésion institutionnelle des apanages, démarquée de celle du royaume, facilite par contre leur réincorporation au domaine royal lorsque leurs bénéficiaires meurent sans héritiers mâles ou sont appelés à monter sur le trône.

Bénéficiaire du premier apanage d’Orléans, Philippe de Valois, second fils de Philippe VI, meurt en effet sans enfants dès 1375, et il en est de même du duc Jean de Berry en 1416. Faute d’héritiers mâles, les apanages de Bourgogne et d’Anjou font retour à la Couronne en 1477 et en 1481 à la suite de la disparition de leurs titulaires respectifs : Charles le Téméraire et Charles du Maine. Quant aux apanages d’Orléans et d’Angoulême, constitués respectivement en 1392 et en 1407, ils sont réincorporés au domaine royal grâce à l’avènement de leurs chefs au trône de France : Louis XII (1498-1515) et François Ier (1515-1547). En frappant durement et précocement la dynastie, la mort permet donc à l’institution monarchique de ne recourir qu’exceptionnellement à la contrainte juridique pour récupérer un apanage, le cas le plus notable étant à cet égard celui du connétable Charles de Bourbon, dont les biens sont confisqués pour trahison en 1527 à la suite d’un procès engagé dès 1522 devant le parlement de Paris dans le but réel d’abattre un prince trop puissant.


Les Valois et les organes de la monarchie

Ces organes recrutent leurs membres au sein d’une petite noblesse et d’une bourgeoisie imbues de droit romain. Ils mettent le service de l’État (la res publica) avant celui du prince qui l’incarne et auquel ils reconnaissent une autorité absolue qui doit assurer le bien commun de ses sujets, sous peine de devenir tyrannique ainsi que le soutient Raoul de Presles (v. 1270 - v. 1330), idée que l’on trouve également dans le Somnium Viridarti (le Songe du Vergier), traité de droit dont la traduction est attribuée à Philippe de Mézières (v. 1327-1405). Compétents car spécialisés, ils se font tout naturellement les garants de l’unité territoriale du royaume ainsi que des droits et prérogatives du souverain, qu’ils veulent prémunir même contre ses faiblesses. Les circonstances de l’avènement de Philippe VI contraignent d’ailleurs ce dernier à tenir compte de leur avis. Maintenant habilement en place les membres de l’équipe de Charles le Bel qui ne se sont pas opposés à son arrivée au pouvoir, mais leur adjoignant des membres de sa propre équipe, sauf à la Chambre des comptes, dont les effectifs ne se modifient pas, le nouveau roi et ses successeurs prennent en charge tout l’héritage capétien. Le Conseil, qui recrute une partie de ses membres parmi les gens de l’Hôtel, reste l’organe essentiel du gouvernement. Aussi les factions s’en disputent-elles le contrôle, que les bourgeois réformateurs tentent de leur enlever dans les périodes de crise : révolution parisienne dirigée par Étienne Marcel entre octobre 1356 et février 1357 ; révolution cabochienne de 1413. Après l’élimination des Angevins, Charles VII y appelle des nobles et bourgeois dévoués : Jean Bureau († 1463), Guillaume Cousinot (1400-1484), Jacques Cœur* ; à son avènement, Louis XI promet d’y admettre 6 bourgeois, 6 membres du parlement et 6 membres de l’université. Parallèlement, la Chambre des comptes joue un rôle considérable, n’hésitant pas, à partir de 1337 et avec l’assentiment du souverain, à s’opposer à ses complaisances ruineuses, notamment en refusant d’entériner certaines lettres de finances trop dispendieuses, et même à transformer ce droit de contrôle en droit de remontrance. Pourtant, dès le règne de Charles V, la Chambre des comptes est surclassée par une autre cour souveraine, qui est l’organe judiciaire du gouvernement central : le parlement*. Outre la charge de juger les grandes affaires politiques ou criminelles intéressant l’État du xive au xvie s., cette institution s’attribue un droit de remontrance sur toutes les ordonnances et actes officiels dont le roi lui confie l’enregistrement. Surtout son personnel, formé de juristes très compétents, est un vivier où le roi puise les membres les plus efficaces et les plus sûrs de son Conseil, tels les chanceliers Jean († 1373) et Guillaume († 1373) de Dormans ou Pierre d’Orgemont (v. 1300-1389) au temps de Charles V.

Les officiers, qui représentent le roi dans ses provinces, facilitent plus encore la permanence et même le renforcement de son autorité. Les principaux sont les baillis (27 en 1460), les sénéchaux (15 en 1461) et le prévôt de Paris, qui remplissent les fonctions essentielles de justice, de police et de finances avec l’aide, par circonscription, d’un lieutenant général, de lieutenants particuliers, de procureurs et d’avocats du roi. Leur rôle est particulièrement important dans les bailliages et sénéchaussées limitrophes des grandes principautés féodales, car ils s’efforcent d’évoquer en appel devant leurs tribunaux les causes jugées en première instance par ceux des grands barons du royaume. Ainsi se crée une tradition qui incite les vassaux de ces derniers à faire appel directement devant le roi en son parlement des décisions de leur seigneur direct, tels le comte Jean Ier d’Armagnac et le sire d’Albret, qui refusent en 1368 de lever sur leurs terres un fouage établi par le Prince Noir. Dès lors, le souverain dispose du moyen juridique pour entamer la reconquête de la Guyenne sans susciter l’hostilité de ses vassaux directs, dont la solidarité avec le duc d’Aquitaine, roi d’Angleterre, se trouve ainsi brisée.


L’œuvre des Valois

Malgré les graves bouleversements qui se produisent du xiv au xvie s., les Valois poursuivent et perfectionnent, notamment sur le plan institutionnel, l’œuvre entreprise par les Capétiens. En dépit des crises qui affectent la monarchie de 1340 à 1360, de 1380 à 1430 et de 1559 à 1589 du fait de la peste noire (1347-1349), des défaites (Crécy, 1346 ; Poitiers, 1356 ; Azincourt, 1415), de la faiblesse des souverains (Jean II le Bon, 1350-1364 ; Charles VI, 1380-1422) ou des guerres de Religion (1559-1589), le pouvoir royal s’affirme grâce à l’action continue de ses agents. Mais cette dernière connaît une incontestable accélération en trois temps privilégiés par la personnalité des souverains régnants : 1360-1380, correspondant pour l’essentiel au règne de Charles V (1364-1380) ; 1430-1483, années au cours desquelles se succèdent Charles VII (1422-1461) et Louis XI (1461-1483) ; 1515-1559, années marquées par le règne du roi chevalier François Ier (1515-1547) et par celui de son fils Henri II (1547-1559).