Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Valmy (bataille de) (suite)

Avant de partir à l’assaut de la butte de Valmy, Brunswick ordonne de faire une préparation d’artillerie : cinquante-quatre canons crachent boulets et mitraille ; le sol détrempé évite les ricochets et les pertes du côté français ne sont pas considérables, mais jusqu’à 2 heures la canonnade qui fait rage finit par impressionner les troupes de Kellermann. Ce dernier, pour interdire tout flottement et toute panique, se précipite en tête des lignes, les fait mettre en colonnes comme s’il allait ordonner l’attaque, puis, brandissant au bout de son sabre le chapeau surmonté du plumet tricolore, il crie : « Vive la Nation » et les soldats lui font mille fois écho : « Vive la Nation, vive la France ! » Certains entonnent l’air des sans-culottes, bientôt suivi du chant des Marseillais. Cette attitude déconcerte les forces ennemies, qui ont d’autre part à souffrir des coups bien ajustés de l’artillerie française. Par deux fois, Brunswick devra arrêter et replier ses colonnes d’attaque. L’armée de Dumouriez, qu’il sait derrière la colline, l’inquiète et, à la fin de la journée, il recommande à son roi de suspendre l’opération.

Les Prussiens sortent démoralisés de l’« affaire ». Certes, leurs pertes, pas plus que celles des Français, ne sont excessives (184 Prussiens, 300 Français hors de combat), mais leurs chefs leur avaient affirmé qu’une fois de plus la « porcelaine bleue », pour faire allusion à l’uniforme français, ne saurait pas aller au feu. L’armée de savetiers, dont hier encore on se gaussait, a tenu et peut à tout moment fondre sur une armée sans pain et sans munition, en proie à la dysenterie produite par l’excès de consommation des raisins verts. Les jours suivants, les coalisés battront en retraite et quitteront bientôt le sol français.

Mais cette victoire est-elle une vraie victoire ? Ne masque-t-elle pas une entente qui, réalisée entre des francs-maçons (Brunswick et Dumouriez), devait permettre au général français de se retourner vers Paris et d’y exiger la libération du roi ? N’a-t-elle pas été achetée par Danton avec les bijoux de la Couronne volés au garde-meuble ? Ces thèses et bien d’autres encore, qui aboutissent toutes à minimiser le rôle du peuple en révolution, ont été imaginées dès l’époque révolutionnaire et reprises en 1943 par des hommes plus soucieux de politique que de recherche historique. À leur appui, il n’y a aucune preuve.

Par contre, ce que sait l’historien, c’est qu’il y a à Valmy et autour de ce village tout un peuple levé pour la défense de ce qui est indissociable à ses yeux : la patrie et la Révolution. Sur la butte, il y a certes plus de régiments du ci-devant roi que de bataillons de volontaires, mais, quand on analyse la composition de ces régiments « blancs », on s’aperçoit qu’il y a là de jeunes recrues que la misère des arrière-saisons a conduites vers les camps et qui, paysans et sans-culottes mêlés, savent pourquoi elles se battent. Les motifs de leur combat — la liberté, l’égalité avec la ruine de la féodalité — sont encore inscrits dans l’hymne national de la France. Ces soldats ont été puissamment soutenus par les habitants des villes et des campagnes ; certains d’entre eux ont mené contre les Prussiens une guerre de « partisans », fusillant dans les chemins de l’Argonne les escouades ennemies isolées ; d’autres ont refusé d’aider l’ennemi et leurs alliés, les aristocrates français, et pour cela on a brûlé leur maison et leur récolte.

À Valmy, il y a debout et pour la première fois victorieuse la démocratie en armes. Goethe ne s’y est pas trompé, lui qui, témoin de la bataille, dira : « De ce lieu et de ce jour date une nouvelle époque de l’histoire du monde. » La Révolution niveleuse et demain conquérante faisait basculer l’Europe des rois et de la « féodalité » dans les temps contemporains.

J.-P. B.

 J.-P. Bertaud, Valmy, la démocratie en armes (Julliard, coll. « Archives », 1970).

Valois

Dynastie qui régna plus de deux siècles et demi sur la France (1328-1589).



L’avènement d’une dynastie

Au terme de plus de trois siècles de succession masculine directe, la dynastie des Capétiens directs s’éteint le 1er février 1328 à la mort du dernier d’entre eux : Charles IV le Bel.

En appelant au trône les frères du roi défunt Louis X le Hutin : Philippe de Poitiers en 1316-17, puis Charles de la Marche en 1322, l’assemblée des princes, pairs, prélats et barons du royaume avait, à deux reprises, placé la monarchie hors de pair, décidant, en l’absence de tout précédent, d’écarter les femmes du trône.

Inaptes à régner, les femmes sont-elles pour autant inaptes à transmettre la couronne à leur fils ? Rien ne permet alors de l’affirmer. Fils d’Isabelle de France, petit-fils de Philippe IV le Bel, neveu des trois derniers souverains, le jeune roi d’Angleterre, Édouard III*, peut donc légitimement réclamer la couronne de France, que prétendent ceindre également Philippe de Valois et, plus subsidiairement, Louis d’Évreux († 1319), qui ne sont que les cousins germains de Charles IV le Bel. Une nouvelle fois, l’assemblée de prélats et barons, réunie en un « grant conseil » à Saint-Germain-en-Laye, doit trancher en avril 1328. Étendant l’inaptitude de la femme à la transmission de la couronne, l’assemblée rejette les prétentions d’Édouard III. En fait, elle se refuse à proclamer roi de France le roi d’Angleterre, craignant en outre que celui-ci ne soit que le prête-nom d’Isabelle de France et de son amant Roger Mortimer et que son avènement ne puisse susciter les réclamations de fils à naître des filles de Louis X, Philippe V et Charles IV.

Régent de France et de Navarre grâce au consentement des barons depuis février et peut-être même par la volonté de Charles IV le Bel depuis janvier 1328, Philippe, comte de Valois, est, dans ces conditions, reconnu roi de France par l’assemblée d’avril. Il dispose en effet en son sein d’un parti comprenant les seigneurs les plus puissants du royaume : Philippe d’Évreux, en raison de l’octroi pour lui et pour sa femme Jeanne de la couronne de Navarre ; les ducs de Bretagne Jean III le Bon (1312-1341) et de Bourbon Louis Ier (1327-1342), beaux-frères du régent, à la cause duquel ils sont d’autant plus attachés qu’ils ne peuvent à aucun titre prétendre au trône ; le duc de Bourgogne Eudes IV (1315-1349), financièrement désintéressé de ses prétentions à la Navarre ; le comte de Flandre Louis de Nevers (1322-1346), à qui est promis un actif soutien militaire contre ses sujets révoltés de Bruges et de Flandre maritime ; Mathilde ou Mahaut d’Artois (1302-1329) ; le comte de Hainaut Guillaume Ier et le comte d’Artois Robert III, etc.

L’intervention décisive de ces princes rappelle donc à tous que la monarchie, en France, avant d’être héréditaire, est d’abord élective. Souches de deux lignées de rois, Hugues Capet et Philippe VI doivent en effet leur avènement au libre choix des barons, choix que seul le sacre rend ensuite irrévocable.