Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
V

Valence (suite)

La ville

Valence (654 000 hab.), si elle reste un grand marché agricole, est devenue aussi un centre industriel notable : 37 p. 100 de sa population active travaillent dans le secteur secondaire, 25 p. 100 dans le commerce et les transports. Cette double activité se reflète dans le trafic de son port, El Grao, où sont expédiées en moyenne 650 000 t de produits agricoles et débarqués de 2,5 à 3 Mt de produits pondéreux nécessaires à l’agriculture (engrais) et plus encore à l’industrie (charbon, carburants, bois, pâte à papier...). Mais Valence est aussi une capitale régionale placée à la tête du réseau urbain de tout le Sud-Est espagnol : ses fonctions administratives, bancaires, culturelles, religieuses et militaires occupent 23 p. 100 de sa population active.

La ville s’est établie sur le lobe convexe d’un méandre du río Turia, là où la route littorale (la via Herculea romaine) franchit le fleuve à 3 km de son embouchure, laquelle offre le meilleur site portuaire du golfe de Valence. Communiquant aisément avec la Catalogne et le Sud-Est par la route littorale, et avec Saragosse par Teruel, Valence se trouve aussi au débouché de la route la plus courte joignant Madrid à la mer ; mais les obstacles du relief rendent les relations avec la capitale difficiles et lentes, surtout par chemin de fer. Cette position néanmoins remarquable, autant que la richesse de la huerta, explique la fortune de Valence, dont porte témoignage le patrimoine architectural conservé dans la vieille ville. Celle-ci est caractérisée par un tissu urbain dense, à rues étroites et sinueuses, qu’aèrent dans sa partie sud quelques grandes avenues et une grande place triangulaire ouvertes au contact de la ville nouvelle. La ville n’a débordé ses murailles médiévales que dans la seconde moitié du xixe s. : deux quartiers à plan géométrique se sont établis au sud, de part et d’autre de la voie ferrée, axés sur deux grandes avenues perpendiculaires : la Gran Vía de Fernando el Católico à l’ouest, départ de la route de Madrid, et la Gran Vía Marqués del Turia à l’est. La ville a aussi débordé sur la rive nord du Turia, particulièrement le long de la grande avenue du Port, où a été construite la nouvelle université. Les quartiers industriels se sont établis à l’arrière du port et dans les faubourgs situés à l’ouest de la ville, dont l’extension est gênée par la valeur considérable des terres de la huerta.

R. L.


L’histoire

D’origine sans doute grecque ou phénicienne, Valence est mentionnée pour la première fois comme colonie romaine (Valentia Edetanorum) quand Decimus Junius Brutus Callaecus y établit un camp militaire en 138 av. J.-C. S’étant rangée du côté de Sertorius, le général romain rebelle, elle est, dans la guerre qui s’ensuit, détruite en partie par Pompée en 75 av. J.-C., mais elle retrouve rapidement sa prospérité antérieure.

Elle est prise en 413 par les Wisigoths, qui la conservent durant trois siècles, puis les Arabes s’en emparent en 714. En 1021, elle devient la capitale d’un royaume maure indépendant (taifa* de Valence) qui s’étend depuis la région de Murcie jusqu’à l’Èbre. À partir de 1087, ce royaume est en butte aux attaques du Cid, qui parvient à prendre Valence en 1094 et à la protéger des entreprises des Almoravides du Maroc, que les princes musulmans d’Espagne avaient appelés à leur secours.

Le Cid garde le royaume jusqu’en 1099, date de sa mort à Valence, qui est dénommée parfois, en son honneur, Valencia del Cid. Après sa mort et malgré l’héroïsme déployé par sa veuve, Chimène, la ville retombe aux mains des Maures de 1102 à 1238. Cinq siècles d’occupation arabe ont profondément marqué la ville dans sa topographie (tracé tortueux des rues de la vieille ville), sa toponymie et ses activités (introduction d’un artisanat de luxe), tandis que la huerta environnante recevait un système complexe d’irrigation, permettant le développement de cultures nouvelles (oranges, riz, mûriers).

Valence est reconquise définitivement en 1238 par le roi d’Aragon Jacques Ier le Conquérant, qui en fait la capitale d’un royaume autonome, vers lequel affluent Aragonais et Catalans. En 1261, le souverain lui octroie des droits particuliers (fueros), qu’elle conservera jusqu’au début du xviiie s. Sous les Rois Catholiques, la ville, qui est dotée d’une université en 1502, devient la capitale financière de la monarchie espagnole. Au début du règne de Charles Quint, le soulèvement des germanías (1519-1523) — lutte sociale qui oppose la petite bourgeoisie valencienne à l’oligarchie traditionnelle et à la noblesse — semble coïncider avec le déclin de Valence, dont l’économie sera durement touchée, un siècle plus tard, par l’expulsion des morisques (1609-10). Durant la guerre de la Succession d’Espagne, la ville prend parti pour l’archiduc Charles d’Autriche, et les Valenciens se voient retirer tous leurs anciens privilèges en 1707 par le roi Philippe V, après sa victoire sur les Autrichiens.

En 1808, Valence se soulève contre l’occupation française, et un moine patriote, le père Rico, y institue une junte insurrectionnelle. En 1812, le maréchal Suchet, qui reçoit à cette occasion le titre de duc d’Albufera, parvient à reprendre la ville, défendue par un corps anglo-espagnol sous les ordres du général J. Blake (12 janv. 1812), et les Français s’y maintiennent jusqu’en juin 1813. De retour d’exil, le roi Ferdinand VII y fait son entrée le 16 avril 1814.

En 1843, Valence voit l’abdication de la régente Marie-Christine, puis sa restauration grâce à l’action de généraux émigrés qui reviennent se mettre à la tête des troupes. Le plus important, le général Narváez, reçoit à cette occasion le titre de duc de Valence. La ville prend une part également active aux révolutions politiques de 1868, de 1869 et de 1873.

Fief des républicains, elle traverse, après la chute de la monarchie, une période de troubles de 1932 à 1936, accompagnée de destructions d’églises et de couvents. Sous l’influence des communistes, elle est le siège du gouvernement républicain de novembre 1936 à octobre 1937. Le gouvernement s’établit ensuite à Barcelone, puis, après la chute de cette cité, il revient à Valence en janvier 1939 et y demeure jusqu’à la fin de la guerre civile. Les troupes du général Franco y entrent le 29 mars 1939.

La ville a été admirablement décrite dans les romans d’un de ses fils, l’écrivain V. Blasco* Ibáñez. L’exposition de 1909 a marqué le début d’une industrialisation qui s’est sans cesse accrue.

P. P. et P. R.