Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
U

usufruit

Droit réel conférant à son titulaire le pouvoir d’user et de jouir d’une chose sans en avoir la propriété.



La notion

Il s’agit, en réalité, d’un démembrement du droit de propriété, prévu en France par les articles 578 et suivants du Code civil ; ce droit, globalement constitué par la réunion de trois prérogatives (usage, jouissance, droit de disposer) exercées sur une chose, peut être décomposé de manière que chacune de ces prérogatives soit exercée séparément par deux ou plusieurs personnes ; lorsque l’usage et la jouissance d’une chose sont conférés à un individu privé du droit de disposer de la chose, on parle d’usufruit ; dans ce cas, le droit de disposer de la chose appartient à un autre individu, que l’on appelle le nu-propriétaire (parce que son droit de propriété est dépouillé de ce qui fait son intérêt économique immédiat). Le droit d’usufruit peut porter sur n’importe quelle espèce de biens*.

C’est un droit essentiellement temporaire, tout au plus viager, qui n’est destiné à durer que le temps pour lequel il a été constitué et, en tout cas, jamais au-delà du décès de son titulaire. Cela permet de comprendre que l’usufruit a une valeur économique dépendant de sa durée probable et, donc, de l’âge de l’usufruitier. Cela explique aussi que le droit d’usufruit ne puisse être transmis aux héritiers de son titulaire décédé : l’usufruit a vocation à réintégrer le patrimoine* du nu-propriétaire. Mais, en attendant, le droit d’usufruit se présente comme un droit patrimonial ayant une valeur économique : il se trouve dans le commerce juridique, de telle sorte que l’usufruitier peut le céder (la cession de l’usufruit n’empêchant cependant pas son extinction au moment du décès du cédant).


Origine de l’usufruit

• L’usufruit peut être d’origine légale ; c’est particulièrement fréquent en cas de succession* : en effet, lorsqu’une personne décède en laissant un conjoint survivant, celui-ci se voit, dans de nombreuses hypothèses, reconnaître un droit d’usufruit sur une partie de la succession du prédécédé (art. 767 du Code civil).

• Mais l’usufruit peut également trouver sa source dans la volonté même des individus : ainsi, un usufruit peut être créé par testament ; plus souvent, il sera le résultat d’un contrat* (celui-ci, en raison du caractère viager de l’usufruit, est un contrat aléatoire ; par ce contrat, le propriétaire d’un bien peut ou bien céder l’usufruit de sa chose en s’en réservant la nue-propriété, ou bien — ce qui est plus fréquent — céder la nue-propriété de la chose en s’en réservant l’usufruit).


La fin de l’usufruit


L’extinction naturelle de l’usufruit

La cause la plus normale de l’extinction de l’usufruit est l’arrivée du terme prévu pour son extinction. L’usufruit, étant, le plus souvent, un droit viager, s’éteint au décès de l’usufruitier (s’il a été constitué pour une durée déterminée, le décès prématuré de l’usufruitier met donc fin à l’usufruit, avant même l’expiration du délai prévu). Pour les personnes* morales (qui ne meurent pas, contrairement aux personnes physiques), on a prévu une règle spéciale d’extinction : l’usufruit dont elles bénéficient a une durée qui ne peut excéder trente ans.

La perte totale de la chose entraînera évidemment la disparition des divers droits qui peuvent s’exercer sur elle, y compris le droit d’usufruit. Une autre cause naturelle d’extinction de l’usufruit est la consolidation, c’est-à-dire la réunion, dans les mains de l’usufruitier, de l’ensemble des prérogatives du propriétaire (par exemple lorsque l’usufruitier hérite du droit de nue-propriété). La renonciation ou la rétrocession de l’usufruit par l’usufruitier mettent également fin à l’usufruit.

Enfin, dans certains cas prévus par la loi, le nu-propriétaire peut obliger l’usufruitier à accepter la conversion de son droit d’usufruit en une rente viagère : ainsi, il reconstitue son droit de propriété, moyennant son engagement à verser une rente déterminée à l’ex-usufruitier ; cette possibilité existe notamment à propos de l’usufruit successoral du conjoint survivant.


L’extinction de l’usufruit à titre de sanction

L’usufruit peut être perdu par l’usufruitier en cas d’abus de jouissance, supposant une faute de sa part ou de la part des personnes dont il doit répondre. Cette extinction doit être prononcée par le tribunal, qui apprécie le degré de gravité de l’abus de jouissance reproché à l’usufruitier. Une autre espèce de sanction prévue contre l’usufruitier négligent est l’extinction de l’usufruit en cas de non-usage prolongé : il s’agit de l’application à l’usufruit du mécanisme de la prescription* extinctive trentenaire.


La situation de l’usufruitier

Du fait de son usufruit, l’usufruitier a un ensemble de droits et de devoirs.


Les droits de l’usufruitier

L’usufruitier peut faire sur la chose toute une série d’actes matériels ou juridiques, à condition de ne pas compromettre la chose elle-même ou la diminuer de quelque façon. Lui sont donc interdits tous les actes matériels qui compromettraient l’intégrité de la chose (destructions, dégradations, etc.) ou tous les actes juridiques de disposition (vente* ou donation* du bien).

Sont permis tous les actes qui sont la conséquence nécessaire du droit d’usage et de jouissance conféré à l’usufruitier : celui-ci peut matériellement user de la chose (même si, d’ailleurs, cela provoque une « usure », donc une dégradation de la chose, à condition que l’usure soit normale) ; il peut également faire tous les actes juridiques par lesquels il conserve ou administre la chose ; mais, pour certains actes d’administration importants, comme les baux de certaine durée, il lui faudra l’autorisation du nu-propriétaire ou du tribunal. L’usufruitier a aussi le droit de retirer les fruits de la chose, c’est-à-dire les fruits naturels, comme les récoltes, ou les fruits civils, comme les loyers : il n’a aucun droit aux « produits » de la chose, c’est-à-dire aux biens produits par la chose avec diminution de sa substance (par exemple, il n’a pas le droit d’ouvrir une carrière sur l’immeuble en usufruit).