Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
U

Uruguay (suite)

La quatrième région est constituée par l’ensemble de l’aire métropolitaine de Montevideo, qui groupe près de la moitié des habitants de l’Uruguay. Cette ville se caractérise par une croissance démographique moyenne, de l’ordre de 9,4 p. 100 par an entre 1950 et 1963, due beaucoup plus aux migrations internes des ruraux vers la ville qu’à un accroissement naturel. Le port reste l’élément fondamental des activités de la ville ; en dépit de la vétusté d’une partie de ses installations, il demeure l’unique point de contact entre l’économie nationale et l’extérieur : c’est là que se regroupent les laines, les cuirs et les viandes destinés à l’exportation, et qu’arrivent les produits manufacturés, les combustibles, principalement le pétrole.

M. R.


L’histoire

Province d’élevage extensif et de grands domaines, le territoire qui deviendra un jour l’Uruguay connaît la même civilisation gauchesca que la vaquería argentine ou le sud du Brésil ; l’homme à cheval surveille des grands troupeaux, dont le cuir est exporté vers l’Europe.


Une naissance tragique

La ville de Montevideo* avait été fondée en 1724 pour mettre des bornes à l’expansion du Brésil portugais. En fait, cette fondation ne put empêcher l’affrontement entre le monde hispanique et le monde lusitanien, puis, après l’indépendance de l’Amérique latine*, entre le Brésil* et l’Argentine*. Les guerres du xviiie s., conduisirent les Espagnols à occuper plus sérieusement cette Banda Oriental, ainsi appelée parce que la province se trouvait à l’est de la vice-royauté du Río de la Plata.

Lorsqu’en 1810 les habitants du Río de la Plata (v. Empire colonial espagnol) proclament une indépendance que l’Espagne ne parvient pas à remettre en question, Montevideo croit le moment arrivé de faire sécession, et l’histoire se confond, pour dix ans, avec le nom de José Artigas (1764-1850), le père de la Patrie, le héros fondateur.

Artigas doit lutter contre les forces conjuguées des Portugais du Brésil, des Espagnols qui tiennent la place de Montevideo, puis, après le départ de ceux-ci, des gens de Buenos Aires, qui voient d’un mauvais œil la sécession de ceux que l’on appelle des « Orientaux ». Fort de l’appui populaire, Artigas soulève les campagnes et tient tête pendant dix ans. Victorieux, il l’est jusque dans la défaite, quand, obligé de combattre sur deux fronts, il recule invaincu devant les troupes ennemies, suivi par son peuple dans un exode comparé à celui du peuple hébreu. La guerre accentue les tendances radicales et populistes de ce nouveau Moïse, hostile aux grands propriétaires terriens et favorable à la masse des ruraux. Pris entre deux feux, lâché par des lieutenants jaloux de sa popularité, il est battu en 1820 à Tacuarembó par les armées portugaises et doit se réfugier en territoire paraguayen, où le dictateur José Gaspar Rodríguez Francia lui donne l’asile politique, mais sous la forme d’une résidence surveillée de trente ans. Artigas est mort à la vie nationale et, avec lui, disparaît le programme social de réforme agraire qui inquiétait tant Buenos Aires.

L’élimination d’Artigas ne signifie pas la fin des combats ; le père de la Patrie laisse derrière lui un programme nationaliste et le noyau irréductible d’un mouvement qui, fort de l’arbitrage intéressé de la Grande-Bretagne, conduit en 1828 à l’indépendance. Les Britanniques, pour des raisons politiques et économiques, ont ainsi favorisé la création d’un État tampon entre le Brésil et l’Argentine.


La Grande Guerre

La protection britannique ne suffit pas à exorciser les démons de la discorde civile et de l’intervention étrangère ; les mécontents se cherchent des protecteurs au Brésil et surtout à Buenos Aires ; les politiques et les chefs de guerre argentins ont du mal à résister à la tentation de récupérer l’ancienne province orientale. De cette période troublée date la division de la population en deux grands partis politiques, les blancs et les rouges.

Les prolégomènes de la Guerra Grande sont trop compliqués pour être résumés en quelques lignes. Le président Manuel Oribe (1796-1857), porte-parole des intérêts de la ville de Montevideo, rejette la tutelle pesante des grands propriétaires et se cherche l’appui argentin. Son adversaire José Fructuoso Rivera (1784 ou 1788-1854), fort de l’appui français et du soutien de la plèbe rurale, l’emporte (1838). L’Argentine intervient alors et semble vaincre vers 1842, après que la France a dû, en 1840, se retirer du jeu. Son champion, Oribe, réussit à contrôler la campagne uruguayenne, mais sans prendre Montevideo, dont le siège durera de février 1843 à octobre 1851. Garibaldi* s’enthousiasme pour la « nouvelle Troie » et lutte un temps en Uruguay. L’affaire prend des proportions internationales ; la France et la Grande-Bretagne, réconciliées, organisent une expédition navale contre l’Argentine. La résistance de Montevideo semble pourtant sans espoir, quand le dictateur argentin Juan Manuel de Rosas fait sa paix avec les Européens. Il faut la guerre civile en Argentine et l’intervention du Brésil pour renverser Rosas (1852) et délivrer cette Troie qui n’était pas tombée. Comme les assiégés avaient arboré le ruban rouge et leurs adversaires uruguayens le ruban blanc, le pays politique se divise en blancs ou blancos (conservateurs) et rouges ou colorados (libéraux).

Le destin uruguayen continue à être soumis à ses puissants voisins. L’oligarchie urbaine de Montevideo souhaiterait échapper à la tutelle pesante des caudillos ruraux (Rivera) ou militaires (Oribe, Venancio Flores) et former avec les « éléments sains » des deux partis une nouvelle force politique. Le Brésil tire les ficelles de cette intrigue compliquée : depuis que son intervention a mis fin à la « guerre de Troie », il fait et défait les gouvernements. Jusqu’en 1863 les Brésiliens soutiennent les blancs, même aux heures les plus sombres (févr. 1858 : massacre des colorados, vaincus à Quinteros). À cette date, le Brésil change de stratégie, car l’Empire se libéralise et s’impatiente surtout devant la permanence de l’anarchie. C’est alors que les blancs, pris entre l’hostilité de l’Argentine et celle, toute nouvelle, du Brésil, font appel au Paraguay*. Vaincus au cours de la guerre contre leur ancien protecteur impérial, les blancs perdent le pouvoir (1865), et Venancio Flores (1809-1868), le caudillo rouge, fait entrer l’Uruguay dans la guerre de la Triple Alliance contre le Paraguay (1865-1870). Guerre civile et guerre étrangère vont de pair.