Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
U

U. R. S. S. (Union des républiques socialistes soviétiques) (suite)

Les limites de la libéralisation intervenue après la mort de Staline apparaissent dès 1956, avec l’interdiction du Docteur Jivago et les persécutions que subit Pasternak. Cependant, jusqu’en 1964, les « libéraux » groupés autour des revues Novyï Mir et Iounost peuvent repousser assez loin ces limites en s’appuyant sur le premier secrétaire du parti, Khrouchtchev (dont l’ascension est liée à la dénonciation du stalinisme), pour résister aux « conservateurs » groupés autour de la revue Oktiabr (Octobre) et du romancier Vsevolod Anissimovitch Kotchetov (1912-1973). En 1965, l’arrestation de Siniavski et de Iouli Markovitch Daniel (né en 1925, auteur du conte satirique Govorit Moskva [Ici Moscou, 1957]), qui ont publié en secret à l’étranger des œuvres jugées « antisoviétiques », marque la revanche des « conservateurs ». Cependant, leur procès, en 1966, est l’occasion d’une prise de conscience de l’opposition libérale, qui n’hésite plus à affronter le pouvoir. Les œuvres refusées par la censure (les romans de Soljenitsyne, de Lydia Tchoukovskaïa, de Grossmann, de Vladimir Iemelianovitch Maksimov [né en 1932], les souvenirs de Ievguenia Guinzbourg, de Nadejda Mandelstam) circulent sous forme dactylographiée (samizdat) et sont publiées à l’étranger sans susciter trop de réactions du pouvoir, qui hésite à heurter l’opinion mondiale par un nouveau procès. Les écrivains contestataires restent cependant des parias, privés de tout moyen de contact avec la masse du public russe. Invitée en 1967 par Soljenitsyne à se dresser contre la censure et les interventions policières, l’Union des écrivains, devenue une institution essentiellement conservatrice (l’âge moyen des délégués au Congrès de 1967 est de soixante ans), réplique en prononçant son exclusion, qui annonce son expulsion d’U. R. S. S. (1974) : attitude qu’elle adoptera de plus en plus souvent, et avec les mêmes conséquences, au cours des années suivantes.

M. A.

 D. P. S. Mirsky, A History of Russian Literature (New York, 1927, nouv. éd., 1958 ; trad. fr. Histoire de la littérature russe, Fayard, 1969). / E. Lo Gatto, Storia della litteratura russa (Rome, 1928, 5e éd., Florence, 1964 ; trad. fr. Histoire de la littérature russe, Desclée de Brouwer, 1965). / G. P. Struve, Soviet Russian Literature (Londres, 1935, nouv. éd., Norman, Okla., 1951 ; trad. fr. Histoire de la littérature soviétique, Éd. du Chêne, 1946). / M. Ehrhard, la Littérature russe (P. U. F., coll. « Que sais-je ? », 1948 ; 6e éd., 1972). / C. Corbet, la Littérature russe (A. Colin, 1952 ; 6e éd., 1972). / W. Lettenbauer, Russische Litteraturgeschichte (Francfort, 1955 ; 2e éd., Wiesbaden, 1958). / L. Aragon, Littératures soviétiques (Denoël, 1956). / Histoire de la littérature russe (en russe, Moscou, 1958-1964 ; 3 vol. / M. Drozda, la Littérature de Russie soviétique (en tchèque, Prague, 1961). / E. J. Brown, Russian Literature since the Revolution (New York, 1963 ; 2e éd., 1969). / M. Slonim, Soviet Russian Literature (Fair Lawn, N. J., 1964 ; 2e éd., 1967). / Histoire de la littérature de Russie soviétique (en russe, Moscou, 1967-1971 ; 4 vol.). / A. Drawicz, la Littérature soviétique, 1917-1967 (en polonais, Varsovie, 1968).


L’École musicale russe

La Russie ayant été le lieu de pénétration de peuples très divers, la musique a subi de multiples influences qui l’ont profondément marquée dès ses origines. Il faudra attendre le xixe s. pour que la Russie se dégage des étrangers et crée une école nationale.


Le chant orthodoxe

Vers 988, les Russes furent convertis au christianisme par Byzance. Les chants d’église ont une triple origine : la liturgie byzantine ; l’Oktoïchos de Jean Damascène, importé de Syrie et traduit par saint Cyrille* et saint Méthode au ixe s. ; le fonds russe : du xiie au xive s., le clergé et les chantres, recrutés parmi le peuple, transformèrent les mélodies primitives et en composèrent de nouvelles, souvent fort belles. Il en résulta des interpénétrations fréquentes avec les mélodies populaires, d’où le caractère modal de ces chants, leur liberté rythmique, l’emploi fréquent de rythmes impairs, se pliant à la prosodie. Ce chant se donne sans aucun accompagnement instrumental. Le plus ancien recueil de chants religieux date de 1152. La musique, notée au moyen de signes n’indiquant que la direction de la mélodie, fut exécutée avec beaucoup de liberté, malgré la création d’écoles pour former les chantres. Au xviie s., une commission fut chargée de corriger les livres de chants et de leur adapter une notation moderne, mais le premier livre ne parut qu’en 1772.


Le chant populaire

La musique populaire, particulièrement riche en Russie, comprenait plusieurs cycles de chants : épiques, religieux, saisonniers, nuptiaux, etc. Beaucoup d’entre eux étaient mimés. Parmi les influences qu’ils ont subies, la plus importante vient de l’Orient : grecque et byzantine surtout. La ligne mélodique évolue dans un ambitus ne dépassant pas la quinte et utilise trois gammes de quatre tons : dorique (mi, fa, sol, la), lydienne (do, ré, mi, fa), phrygienne (ré, mi, fa, sol). Elles peuvent se superposer en sept degrés diatoniques. Le rythme, libre, suit la prosodie, d’où ses changements fréquents et l’emploi de mesures impaires (5/4, 7/4).

Les instruments populaires, en raison de leurs faibles possibilités, laissèrent une place prépondérante à la musique vocale. À côté des instruments à cordes (gousli, domra, balalaïka, bandoura) existaient des instruments à vent, semblables à ceux d’Occident, et des percussions (nacres et cuillers).


La musique savante

À partir du xiie s., l’évolution de la musique fut ralentie en raison de sa condamnation par Cyrille, évêque de Tourov, et des troubles suscités par l’invasion tatare. La polyphonie, venue de Pologne, ne pénétra en Russie qu’au xviie s. Le chant orthodoxe, défiguré par l’usage de la mesure, lui servit de cantus firmus.