Grande Encyclopédie Larousse 1971-1976Éd. 1971-1976
U

U. R. S. S. (Union des républiques socialistes soviétiques) (suite)

• Les forces aériennes (450 000 hommes, non compris ceux affectés à la défense aérienne et aux forces stratégiques) disposent en 1977 d’environ 5 350 appareils de combat, de 1 550 appareils de transport et de 320 hélicoptères. En dehors des forces stratégiques, le plus grand commandement est celui des forces aériennes tactiques, qui met en œuvre environ 4 500 avions, dont les meilleurs prototypes apparus depuis 1968 sont les chasseurs « Mig-21 », « 23 » et « 25 », les avions d’attaque au sol « SU-7 » et les bombardiers légers « Yak-28 ». L’aviation de transport, considérablement développée, est équipée d’Illiouchine « 14 » et « 18 » et d’Antanov « 8 », « 12 », « 22 » et « 24 ». Ces derniers ont été employés notamment pour le pont aérien organisé par l’U. R. S. S. dans le conflit israélo-arabe de 1973. (V. transport [aviation militaire de]).

P. D.

B. de B.

➙ Défense / Désarmement / États-Unis / Europe / Missile / Sous-marin / Stratégie / Varsovie (pacte de).


La littérature


La littérature russe

La littérature russe n’en finit pas de naître. Sa préhistoire dure des siècles, pendant lesquels la Russie semble stérile, dépourvue d’imagination créatrice, sans langue stable, sans imprimerie, sans culture, sans tradition. Ou plutôt, la tradition grecque s’est intégrée au plus profond de la vie spirituelle, dans la religion. On ne lisait alors que les textes sacrés, les Saintes Écritures et les Vies de saints, pieusement calligraphiés par des moines dans la langue liturgique, le slavon d’église.

Dans une seconde étape, en même temps que Pierre le Grand ouvrait la Russie à l’Occident, pénétrèrent les premières influences étrangères. On emprunta les procédés artistiques et les moyens d’expression de l’Europe. On traduisit les auteurs français, anglais et allemands. Mais la greffe donna souvent des fruits lourds et artificiels. La langue russe, sortie de l’église, se retrouvait au bal, s’exclama plus tard Gogol. Elle ignorait toujours la saveur du terroir. Jusqu’au xixe s. — la poésie de Derjavine exceptée —, l’art littéraire fut surtout un art d’imitation.

Et soudain survient le miracle Pouchkine. En moins de vingt-cinq ans, la situation est renversée. Cet embryon de littérature accède d’un coup à la maturité et s’enrichit démesurément au point d’atrophier toutes les autres valeurs. Un rôle exceptionnel lui échoit, que n’a connu aucune autre littérature d’Europe : celui d’exprimer l’ensemble de la pensée russe, philosophique, politique, artistique et sociale, de lutter contre les vices d’un régime et de traduire la vie spirituelle d’un peuple. C’est de la littérature que Dostoïevski attend la « justification de la Russie ».

La rançon de ce soudain jaillissement est l’éclatement des moules traditionnels : l’abondance de la matière, jointe à une certaine inexpérience plastique, rend caduques les distinctions entre « genres », car toutes les expériences sont menées simultanément. D’où cette impression de chaos chez les romanciers des années 1830, qui mêlent toutes sortes d’éléments classiques, romantiques, réalistes, satiriques ou idéalistes.


Deux grands courants

Jusqu’à quel point cette création si neuve, si touffue, si désordonnée constitue-t-elle une « littérature » en tant qu’ensemble organisé ? Ne s’agit-il pas plutôt de la juxtaposition de quelques noms glorieux, d’événements littéraires difficiles à relier à un passé lui-même sans continuité, nés dans la tourmente d’une révolution naissante ? 150 ans d’existence à peine, la mesure peut paraître brève pour que se dessinent les canons, les filiations, les enchaînements souterrains par-delà les ruptures qui font une histoire littéraire.

De plus, les écrivains du xixe s. refusent toute référence à la tradition, même si les slavophiles tentent de retrouver l’essence de l’âme russe dans l’époque bénie de la féodalité. Tiraillés entre leur héritage slave et leurs emprunts à l’Occident, sensibles au chaos de l’univers plutôt qu’aux patientes acquisitions de la civilisation, ils refusent le culte de la culture, auquel ils préfèrent une vision tournée vers l’avenir. Leur pensée est, selon N. Berdiaev, essentiellement prophétique, messianique, eschatologique, plutôt qu’humaniste, au sens où l’entend l’Occident : la Russie est une « révolte apocalyptique contre l’esprit antique », dit Spengler, et plus précisément une révolte contre une certaine perfection de la forme. Les écrivains se veulent moins des maîtres de l’art que des « maîtres de vie ». Leur création littéraire, anarchique — « Nous sommes tous des nihilistes », dit Dostoïevski —, procède par inspirations, révélations et expériences successives.

Difficulté donc de classer et de proposer un bilan d’une production littéraire qui se défend de bâtir une culture. Néanmoins, les œuvres des 150 dernières années oscillent autour de lignes de force permanentes et autour de choix qui vont se perpétuer jusqu’à l’époque contemporaine. Leur source remonte à Pouchkine : ainsi la poésie de la vie quotidienne d’Eugène Onéguine ou des Récits de Belkine a donné naissance à l’école réaliste russe, qui s’est développée dans les œuvres de Gontcharov, Tourgueniev, Ostrovski, Tolstoï, et s’est poursuivie au xxe s. chez Korolenko, Gorki ou Bounine. À l’opposé, le Cavalier de bronze peut être considéré comme l’origine d’un courant antiréaliste, le point de départ d’une littérature du rêve et du fantastique qui, chez Gogol puis chez Dostoïevski, frôle la folie, désagrège la réalité, nie la création pour lui substituer une réalité supérieure, mystique et suprarationnelle.

Une autre alternative sous-tend la création littéraire du xixe s. : celle qui oppose une littérature de l’art pour l’art à une littérature engagée, morale et utilitaire. Ce conflit commence chez Pouchkine : né à un tournant décisif de l’histoire russe, au moment où s’ébauche un grand rêve de justice sociale, le poète s’est très vite heurté à l’autoritarisme impérial ; et il est le premier écrivain à témoigner cette vieille pitié russe en faveur des humbles et des victimes d’une réalité trop dure, ouvrant la voie à Gogol et à Dostoïevski. Mais, en même temps qu’il « invoque la miséricorde envers les déchus », paradoxalement son œuvre proclame la lumineuse joie de créer : la sérénité de l’artiste, le culte voué à la beauté l’emportent sur la souffrance ou l’indignation, comme au début du xxe s. l’élément esthétique, chez les symbolistes, prévaudra sur l’élément éthique.